Le nouveau premier ministre roumain, Mihai Razvan Ungureanu, a obtenu ce matin la confiance du Parlement. Celui qui était jusque-là responsable des services de renseignements extérieurs du pays, maintiendra une politique d'austérité avec pour objectif l'adoption de l'euro en 2015.
Analyse de la situation politique dans ce pays par une contributrice roumaine de Myeurop.
C'est devenu l'un des slogans les plus répandus lors des manifestations en Roumanie. "Sors, sale bâtard", est un condensé du ras-le-bol qu'une part grandissante de citoyens ont accumulé sous le "règne" du Président Traian Basescu et de ses gouvernements que la presse d'opposition qualifie de "marionnettes".
Le Premier ministre sortant, Emil Boc, avait un "destin de préservatif" ("on s'en sert et on le jette") selon Victor Ciutacu, journaliste au Jurnalul National. Un rôle de fusible que le Président a choisi de faire sauter pour tenter de sauver sa tête, alors que les manifestants réclament également son départ. Le Président est, en effet, perçu par la population comme le seul "mâle dominant" du "troupeau gouvernemental".
Le gouvernement d'Emil Boc a fini donc par "se faire démissionner" ce lundi 6 février, et Mihai Razvan Ungureanu (43 ans), a été choisi par le Président Basescu pour assumer la fonction de Premier ministre.
Grève parlementaire
Dès sa nomination, les partis de la coalition d'opposition avait prévenu: ils ne comptaient pas prendre part à la séance "d'intronisation" de ce nouveau gouvernement.
Promesse tenue par la coalition de l'opposition formée des socio-démocrates du PSD, socialistes de la "troisième voie" (ce qu'il existe de plus à gauche sur l'échiquier politique roumain actuel, car le défunt Parti Communiste semble plutôt une curiosité dans un musée des antiquités), et des libéraux "historiques" (le parti du Président étant celui des "démocrates-libéraux").
Une opposition déjà en grève parlementaire depuis le début de février, refusant de faire de la figuration dans un Parlement qui voit passer depuis deux ans des ordonnances et décrets au lieu de débats au sein de l'enceinte législative.
En boycottant le vote de confiance du nouveau gouvernement, l'opposition espérait que le quorum ne soit pas atteint au Parlement. Peine perdue: l'exécutif présenté par Mihai Razvan Ungureanu a obtenu 237 voix pour et deux votes contre, selon un décompte officiel.
Un gouvernement de jeunes loups bardés de diplômes, chargé de continuer dans la ligne de celui sortant, à savoir continuer les réformes exigées par le FMI pour qui aussi peu de Roumains que de Grecs semblent avoir de l'estime.
Mieux que Goldman Sachs, la Securitate
Mais dès l'annonce du choix de M. Ungureanu, en charge des Services de renseignement extérieur, pour le poste de Premier ministre, la rue et les médias se sont ruées sur son riche passé d'ancien haut-gradé des Jeunesses Communistes, ressortant des archives des coupures de journaux des années 80 et allant piocher dans les divers dossiers de la funeste Securitate.
Crin Antonescu, chef du PNL, exprimait même sa stupéfaction qu'
un espion se balade dans les travées du Parlement en tâchant de se constituer un gouvernement.
Des commentaires de lecteurs sur divers sites l'appellent déjà "le James Bond devenu Premier ministre", constatant avec beaucoup d'humour noir que,
dans l'épidémie de gouvernements de technocrates apolitiques dont l'Europe semble frappée ces derniers temps, la Roumanie parvient à trouver mieux qu'un banal banquier de Goldman Sachs.
Sur des sites roumains, beaucoup d'internautes sont convaincus d'une "manœuvre à la Poutine" de la part du Président qui reste le vrai maitre du jeu avec un Premier ministre à ses ordres.
Un nuage plus sérieux semble pourtant prendre forme au-dessus du nouveau chef de gouvernement: la loi 51/1991 sur la Sûreté nationale interdit expressément à tout employé des services de renseignements de faire de la politique ou d'être utilisé à des fins politiques.
Reste à savoir si l'interdiction porte sur le principe d'incompatibilité "à vie" avec toute activité politique. Mais il est également fort probable que cela risque de prendre du temps avant que l'on ait une chance de se pencher sérieusement sur l'esprit de la loi. La coalition présidentielle ayant la majorité au Parlement, elle ne s'encombrera probablement pas de si menus détails.
Cadavres dans le placard
M. Ungureanu n'est d'ailleurs pas le seul à se voir ressortir les "dossiers". Dès que des noms ont commencé à circuler sur la composition probable de son équipe, la presse est partie à la chasse aux nombreux cadavres cachés dans les placards.
Aucun ministre n'y échappe. Tous n'ont pas un passé aussi riche que celui de leur patron au sein des Jeunesses communistes, mais les Roumains risquent bientôt de regarder un nouveau téléfilm à rebondissement fait de confusions de rôle entre élus de tous niveaux et d'explosion des revenus et du train de vie de ces mêmes élus ou de leurs proches.
Et pendant ce temps-là, la coalition d'opposition maintient que son objectif reste la démission du Président et l'organisation d'élections anticipées. Surtout depuis que la Cour constitutionnelle à déclaré, début février, l'inconstitutionnalité du report des élections locales devant avoir lieu à la fin du printemps pour les combiner avec les législatives de novembre prochain. Report que le Président et le gouvernement sortant ont décidé sans l'aval du Parlement pour "faire des économies".