La nouvelle a déridé les habitants de Westport: Allergan, le fabricant américain de botox, va de nouveau investir dans la petite ville engluée dans la crise. Sauvée de la banqueroute il y a moins d'un an, assommée par une cure d'austérité sans précédent, l'Irlande continue de séduire les multinationales. La recette pour faire belle figure? Un droit du travail flexible et une fiscalité toujours très avantageuse.
Une injection de botox, et l’emploi repart. Le célèbre produit anti-ride a, pour certains, des effets secondaires inespérés. A l’image de la petite ville de Westport en Irlande (côte ouest), qui peut témoigner de l’efficacité du botox sur l’autre mal de ce siècle – après les rides – : le chômage.
Le laboratoire pharmaceutique américain Allergan a eu la riche idée de baser l’un des ses principaux pôles de production de botox dans cette petite cité irlandaise de quelque 5.000 âmes. Et fait office de moteur économique pour Westport. Allergan Pharmaceuticals vient d’ailleurs d’annoncer un nouveau projet d’investissement de 350 millions de dollars, portant à plus d’un millier le nombre de ses employés à Westport.
A la pêche aux investissements
La cure de jouvence de Westport rappelle à l’Irlande de bons souvenirs. Du temps où les économistes s’extasiaient des performances du "tigre celtique", cet Etat européen fort d’une croissance exponentielle et qui captait tous les IDE (investissements directs étrangers) qui passaient.
L’époque du boom économique est révolue. Le FMI revoyait en septembre dernier sa prévision de croissance pour l’Irlande à 0,4% en 2011, et la Banque d’Irlande prévoit un accroissement du PIB de tout juste 0,5% en 2012. Mais les multinationales restent. Et l’Irlande compte bien s’accrocher à ces précieuses alliées au moment où elle étrille sa propre économie à coup d’austérité et que le chômage ne cesse d’augmenter.
Alors que l’industrie manufacturière et les services tournés vers l’exportation, dominés par de grandes entreprises multinationales, ont atteint des niveaux de production record, les secteurs axés sur le marché intérieur, où les PME irlandaises prédominent, peinent toujours à sortir de la crise,
rapporte ainsi l’OCDE dans son étude d’octobre 2011 consacrée à l’Irlande.
Les investissements des multinationales ont ainsi créé un nombre d’emploi record en 2011. Plus de 13.000, selon l’Agence de développement industriel, cette structure éminemment stratégique chargée d’aller à la pêche aux IDE. Les créations d’emplois issues des multinationales en 2011 ont dépassé de 20% celles de 2010.
"L’Irlande a continué d’attirer un niveau élevé d’investissements directs étrangers en 2011 en dépit d’un environnement économique difficile", s’est félicité son président, Barry O’Leary, qui peut se targuer d’avoir ferré de gros poissons. L’année dernière, Intel, IBM, Coca-Cola, Pfizer ou encore Twitter ont ainsi investi leur deniers en Irlande, souvent pour y consacrer leur QG commercial européen.
Une bouffée d’air pour l’économie irlandaise. Car ces entreprises étrangères cumulent à elles seules "plus des deux tiers des exportations et de la R&D" [Recherche et Développement, ndlr] du pays, notent les chercheurs de l’OCDE. Et affichent "des niveaux de productivité bien plus élevés que leurs homologues irlandaises".
Dumping fiscal
Comment l’Irlande fait-elle donc pour attirer les investissements de ces multinationales ? L’OCDE liste plusieurs facteurs.
- Une économie ouverte avec des marchés des produits et du travail flexibles
- Un capital humain important
- Des facteurs géographiques et culturels favorables
- Des impôts sur les sociétés faibles et stables.
Ce dernier facteur reste la botte secrète de l’Irlande. Son impôt sur les sociétés, fixé à 12,5%, est parmi l’un des plus faibles de l’Union européenne. A titre de comparaison, le taux est de 34,4% en France, de 29,8% en Allemagne et de 27% au Royaume-Uni. Un taux bas en qui ne pénalise cependant pas les recettes fiscales de l’Etat irlandais, car l’assiette fiscale y est plus large qu’ailleurs.
Autrement dit, les entreprises payent moins mais elles payent toutes, ou presque. Paris et Berlin accusent donc Dublin de pratiquer le dumping fiscal, et lui demandent de réajuster son taux à la hausse.
Menaces de délocalisation
Les multinationales ne se privent pas d’ailleurs pas de le rappeler à l’Irlande, au point de frôler la menace de délocalisation. En 2010, le Daily Telegraph rendait publique une lettre adressée aux autorités irlandaises par Microsoft, Hewlett-Packard, Intel, ou Bank of America. Ces poids lourds américains, relayés par la chambre de commerce et d’industrie américaine en Irlande, évoquaient "l’impact négatif" qu’induirait une hausse de la fiscalité sur la propension irlandaise à "attirer et à conserver" les investissements.
Pour l’instant l’Irlande tient bon. "La décision de maintenir le taux de l’impôt sur les sociétés à 12.5 % est prudente, car un taux élevé de cet impôt tend à être très dommageable pour la croissance et a des effets négatifs importants sur l’investissement étranger", soutient l’OCDE.
Pour financer sa crise et mériter les plans d’aides, c’est donc sur les Irlandais que l’Etat a préféré taper:
- Deux points de TVA en plus (à 23%), une baisse des allocations familiales,
- Augmentation de l’impôt sur le revenu
- Baisse de 11,6% du salaire minimum, entre autres réjouissances
- Taxe sur l’eau…
De bonnes vieilles recettes, qui à défaut d'avoir fait leur preuve, n'ont pas pris une ride.