Il n’y aura pas de troisième procès contre le juge Garzón. Mais la décision de la Cour Suprême est accueillie avec ironie en Espagne, alors que la plus haute instance judiciaire espagnole l’a expulsé de la corporation jeudi dernier dans le cadre d’une autre affaire.
La Cour Suprême espagnole a décidé lundi 13 février de classer l’affaire des cours de New York, qui risquait de se transformer en un troisième procès contre le juge Baltasar Garzón, après ceux des écoutes illégales et des crimes du franquisme. Toutefois, loin d’innocenter le juge d’instruction, la plus haute instance judiciaire d’Espagne a simplement considéré que le délit de corruption passive pour lequel était mis en cause Garzón était prescrit.
L’ambivalence de la décision judiciaire risque de ne pas convaincre les milliers de supporters du juge d’instruction le plus connu d’Espagne, accusé de corruption pour avoir classé sans suite une plainte contre Emilio Botín, le président de la banque Santander, peu après que cet établissement a financé des cours dispensés par le magistrat en 2005 et 2006 à l’Université de New York.
Deux mille des partisans de Garzón s’étaient déjà réunis pour crier leur dégoût après que la Cour Suprême espagnole a annoncé quelques jours plus tôt l’expulsion du juge Baltasar Garzón de l’appareil judiciaire. Car les onze ans de suspension auxquels il a été condamné pour un délit de prévarication reviennent à l’écarter définitivement de la magistrature.
Une nouvelle affaire Dreyfus ?
Six Espagnols sur dix considèrent que Garzón est persécuté, d’après El País. Le député d’extrême gauche Gaspar Llamazares, pilier incontournable des manifestations pro-Garzón, a même comparé lundi la situation dans laquelle se trouve le magistrat avec l’affaire Dreyfus.
Dans ce contexte, le classement de l’affaire des cours de New York par le Tribunal Suprême lundi a été accueilli avec scepticisme, voire ironie, la carrière du juge ayant déjà été anéantie par l’interdiction d’exercer prononcée jeudi dernier par le même tribunal. On attend désormais le dénouement prochain du procès sur les crimes du franquisme où le juge est accusé de forfaiture pour avoir enquêté en sachant qu’il n’était pas compétent en la matière.
Quoi qu’il en soit, l’affaire Garzón a mis en exergue le discrédit dont souffre la Justice. Lundi, lors de la comparution devant la commission de la Justice du président du Conseil Général du Pouvoir Judiciaire (CGPJ), les partis politiques de l’opposition ont souligné la perte de confiance des citoyens en leur institution judiciaire. Au-delà du cas de Baltasar Garzón, plusieurs sentences ou attitudes des tribunaux ont suscité la suspicion voir le rejet de la part de nombreux Espagnols.
"Tous les mis en examen ne sont pas égaux"
Ainsi la relaxe de Francisco Camps, ancien président de la région de Valence, et membre du Parti Populaire (PP) de Mariano Rajoy, pour un délit de corruption, a été largement incomprise en Espagne. De même, le traitement par les tribunaux de l’instruction en cours sur les affaires du gendre du Roi Juan Carlos, Iñaki Urdangarin, est mal accepté, comme la décision de ne pas filmer les déclarations de l’époux de l’infante Elena devant les tribunaux le 25 février prochain.
A cet égard, la porte-parole du CGPJ avait déclaré vendredi que "tous les mis en examen ne sont pas égaux". Une assertion qui avait fait bondir en Espagne, bien que la porte-parole ait précisé qu’elle se référait à l’intense "pression médiatique" qui entoure cette affaire et non à la personne en soi d’Urdangarin.