Au lendemain des violentes manifestations d'Athènes, des Grecs vivant à Paris témoignent de leur inquiétude. Certains veulent croire à un renouveau de la Grèce débarrassée d'une classe politique discréditée. D'autres souffrent pour leur pays humilié. Verbatim.
Peu de Grecs étaient présents hier soir, lors un rassemblement près de l'ambassade de Grèce à l'initiative du Front de Gauche. Après la manif, un groupe de onze étudiants franco-grecs et grecs part à la recherche d’un café à prix abordable dans le XIVe arrondissement.
Sur le chemin, c’est inévitable, on évoque la situation chaotique et dramatique du pays. Chacun fait part de ce qu’il voit et entend en Grèce. Verbatim:
Mariana, étudiante grecque, en master de droit à la Sorbonne:
"En Grèce il n’y avait pas de SDF, maintenant il y en a de plus en plus, on n'est pas habitués"
Yanna, doctorante grecque:
"J’ai une amie qui travaille dans une entreprise, de 60 salariés, ils sont passés à 7 salariés"
Sotiris, franco-grec, revenu récemment de son service militaire:
"Ils encouragent les Grecs à devenir soldats, l’armée ne connait pas la crise"
Et puis on parle de ceux que l’on a perdu de vue, et on prend de leurs nouvelles. "Tu sais, il est parti de Thessalonique et est revenu en France, il ne trouvait pas de travail".
Finalement, on trouve un café. On crie, on refait la politique grecque, voir même la démocratie. Le bar s’est transformé en un véritable "kafeneion". Les évènements de dimanche dernier sont au centre de la conversation.
"On raconte qu’il y avait des CRS étrangers. Les pillages, les émeutes tout était programmé", dit Spyros.
Le vote du plan d’austérité a déclenché une tempête dans les partis politiques. Papandréou a perdu le noyau dur du Pasok. Samaras, leader d’une droite de plus en plus populiste, qui a fait campagne contre le mémorandum pour finalement voter "oui", est discrédité.
L'avenir? Quel avenir? Les élections législatives anticipées d’Avril risquent de conduire à une nouvelle impasse.
Melissa Vassilakis, étudiante franco-grecque:
J'avais envie d'y être, j'ai ressenti de la colère et de la joie. Mais ces évènements m’ont donné de l’espoir. Pendant le vote, dimanche soir j'avais l'impression d'être au carnaval. Les élections ne serviront à rien, on ne réglera rien. Que ce soit l’extrême-gauche qui gagne, le fond sera le même. On doit inventer un autre modèle de société et apprendre à vivre sans classe politique".
Yanna Zalachori, partage cette colère, avec une certitude, un soulèvement populaire est maintenant nécessaire:
Le vote de dimanche est honteux. Ces accords ne sont pas acceptables. La Grèce n’a plus de souveraineté. Elle doit servir d’abord sa dette et ensuite seulement, son peuple. Mon pays n'est plus un Etat indépendant, puisqu'il n'a même plus le droit d'assurer un service minimum envers son peuple. C’est inacceptable. Les Grecs n’ont pas manifesté contre l’euro, mais on aurait dû faire faillite en 2010. Papademos a été placé au pouvoir pour signer le mémorandum avec Bruxelles, il doit partir maintenant. Pour moi l’avenir en Grèce, c’est la révolution. Le peuple doit s’exprimer".
Marianna Katsaras, étudiante franco-grecque, a, elle, moins de certitudes:
On ne peut pas laisser un peuple s'humilier, les grecs ne peuvent plus vivre. Dimanche soir j'étais choquée, j'avais les larmes aux yeux et j’avais envie d’y être. Les Grecs sont tοujοurs restés solidaires! Je suis très pessimiste pour l'avenir. Ils vont avoir du mal à relancer l'économie".
On évoque aussi ses doutes et son avenir incertain. "Il y a trois ans j’avais le projet de partir en Grèce, maintenant tous mes plans tombent à l’eau" raconte Sotiris. Et on se quitte, en se souhaitant "bon courage".