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Les anti-franquistes donnent une nouvelle jeunesse à l’indignation

mercredi, 15 février, 2012 - 09:15

Certains d’entre eux ont soufflé leurs 85 bougies. Tous ont lutté contre le franquisme. Aujourd'hui, ils se rebellent contre la politique d’austérité et la nouvelle "dictature", celle des marchés. Ce sont les papys hippies. Attention, ils ne reculent devant rien, qu’il s’agisse d’occuper un bus ou de faire le siège de Fitch à Barcelone.

Avec leurs chasubles jaunes fluo marquées de leurs revendications, ils ont "occupé" dans une ambiance bon enfant un bus de la ville de Barcelone, le 1er février dernier. Ils protestaient contre la hausse des tarifs des transports publics de la capitale catalane. Pourtant, pour les personnes âgées, c’est gratuit ou presque…

"Papys hippies"

Mais Indignés, ils le sont. Jeunes, un peu moins. A moins que la jeunesse ne se définisse par un état d’esprit, une énergie qui, chez eux, déborde. Ils s’appellent Celestino, Lola, Antonia ou encore Jacinto. Ce sont d’anciens éducateurs, administrateurs, électriciens… Ils forment un groupe d’une petite centaine de personnes, "du troisième âge", selon les catégories en vigueur, qui ont décidé il y a cinq mois d’unir leurs forces pour lutter pour préserver les droits de leurs petits-enfants. Ce sont les Iaioflautas.

Un jour nous avons entendu Esperanza Aguirre (présidente de droite de la région de Madrid) désigner les jeunes du mouvement 15-M, des 'perroflautas' (hippies). Ses mots étaient chargés de mépris. Alors on s’est dit que si eux étaient des 'perroflautas', nous, nous serions des 'iaioflautas'. C’est comme ça qu’est né notre nom,

relate Celestino, l’un des porte-parole du groupe. "Iaioflautas" est un jeu de mot dont le sens en français se rapproche de "papys hippies".

Certains d’entre nous se connaissent depuis des années. Nous avons rencontré les autres dans le cadre de l’Acampada de Barcelone (le campement équivalent à celui de la Puerta del Sol, au printemps dernier)",

explique Celestino, qui reconnaît ne pas avoir monté sa tente ni dormi sur la Plaza de Catalunya lors des mobilisations massives qui ont embrasé le pays au printemps dernier, le fameux mouvement du 15-M.

L'héritage de la lutte contre le franquisme

Il n’y a pas d’âge pour s’indigner. Le nonagénaire Stéphane Hessel l’a amplement démontré en devenant la source d’inspiration du mouvement espagnol des 'Indignados', le 15-M, grâce à son opuscule "Indignez-vous!". Comme le résistant français, les iaioflautas ont fait l’expérience de la répression. Tous ont connu le franquisme et "tous, nous avons lutté sous différentes formes contre la dictature", affirme Celestino.

Avec la crise économique, entre les cures d’austérité imposées par l’ancien gouvernement socialiste puis par celui de droite de Mariano Rajoy, un pouvoir d’achat en berne et un taux de chômage de 23,5%, les conquêtes gagnées au prix d’années de lutte sont menacées.

"Nos enfants ont suivi de longues formations, et pourtant ils doivent aller travailler en Allemagne. Ceux qui vivent ici pallient le manque de crèches publiques en faisant appel aux grands-parents, et ces derniers subviennent souvent aux besoins de leurs petits-enfants… On dirait que l’Espagne n’est plus un pays développé", constate Celestino.

Sous Franco, nous avions peu de droits, et maintenant que nous avons conquis l’accès à la culture, à la sécurité sociale, à un travail stable…, on essaye de les enlever à nos enfants".

Des retraités très connectés 

Alors, on s’organise. Depuis le mois de septembre, les iaioflautas se réunissent en assemblée une fois par mois pour définir et mettre en marche leurs actions. Jusqu’à présent, elles ont toutes consisté en l’occupation d’un lieu emblématique pendant environ deux heures: les iaioflautas ont bloqué le siège de l’agence de notation Fitch, un centre médical public, une agence de la banque Santander et un bus du réseau de transports publics de Barcelone. Leurs revendications ressemblent fort à celles du Mouvement des Indignés : une démocratie réelle, ou encore l’arrêt du dépeçage des budgets sociaux.

Les Iaioflauas n’ont jusqu’à présent pas eu affaire à la police catalane, les "mossos d’esquadra", mais la prudence les incite à jouer finement.

Nous ne prévenons de la date et du lieu de nos actions qu’au dernier moment. Et nous le faisons par le bouche à oreille, sans utiliser les réseaux sociaux ou le téléphone, pour éviter toute écoute et que les mossos débarquent et nous empêchent de mener notre action,

explique Celestino. Il ajoute que ce sont là des méthodes qu’ils employaient "à l’époque de la clandestinité". En revanche, une fois l’action en marche, les iaioflautas savent parfaitement faire circuler l’information via les réseaux sociaux. La prochaine action devrait avoir pour cible la corruption "mais c’est l’assemblée du 23 février prochain qui décidera", précise Celestino.

D'autres interviews à retrouver en vidéos ci-dessous (en catalan):

S’ils savent déjà faire la grimace, les vieux singes ne sont pas blasés.

Cette expérience m’a appris que nous n’avons pas conscience de notre pouvoir. Si à notre âge nous sommes capables de faire cela, tout le monde peut le faire !

En attendant que tout le monde suive l’exemple de ces retraités barcelonais, Celestino croit savoir que des Yayoflautas (en espagnol, cela prend un "y" contrairement au catalan) agissent désormais aussi à Madrid, Séville ou encore aux Baléares.




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