Une caisse d’assurance maladie allemande encourage ses membres à renoncer à l’IVG. Une prime de 300 euros est accordée à la naissance d'un enfant, en échange d'une promesse solennelle: ne jamais avorter.
300 euros de prime pour la naissance d’un enfant. C’est ce qu’offre la petite caisse-maladie d’entreprise pour le commerce, l’industrie et les assurances (BKK IHV) de Wiesbaden, près de Francfort. A priori rien d’étonnant dans un pays à la natalité moribonde qui tente de relancer sa natalité.
Sauf que cette prime n’est pas allouée sans contrepartie. Seuls les assurés qui auront adhéré à l’association "ProLife", partenaire de la BKK IHV, pourront y avoir droit. Et pour devenir membre il faut faire une promesse solennelle: celle de ne jamais avorter.
Soutien des catholiques conservateurs
ProLife est, en effet, une association née en Suisse en 1989, qui milite contre l’interruption volontaire de grossesse. Faire à nouveau interdire l’avortement paraissant relativement compromis, ProLife a développé une autre stratégie: s’associer avec des caisses d’assurances maladies pour inciter les femmes à renoncer d’elles-mêmes à l’IVG. Elle compterait actuellement 50.000 membres. Depuis 2009, l’association s’est exportée en Allemagne. Et en 2010, elle est devenue partenaire de la BKK IHV.
Cette initiative est largement saluée dans les milieux catholiques conservateurs. Ainsi la branche allemande de la controversée confrérie sacerdotale de Saint Pie X fait son éloge sur son site internet.
Dans cette caisse d’assurance maladie peuvent être rassemblés tous ceux qui se battent pour la vie"
peut-on y lire. Et la confrérie appelle clairement à rejoindre l’association ProLife. Car selon elle, si les membres des autres assurances "peuvent aussi refuser l’avortement tacitement, ce renoncement silencieux n’est reconnu par personne et cette protestation reste inaudible".
En fin de texte, on peut même trouver les indications pratiques pour rejoindre l’association ainsi qu’un lien direct vers le contrat d’adhésion.
Un conseil d'administration sous influence ProLife
A ce jour, environ 1.200 des 16.000 assurés de la BKK IHV ont décidé de renoncer à l’IVG au travers de ProLife. Cependant, ce positionnement de la caisse d’assurance n’est pas tout à fait légal. En effet, selon la loi allemande, les assurances sont dans l’obligation de financer les avortements légaux. De plus, en tant que personnes morales de droit public, elles ont un devoir de neutralité. Militer pour certains buts idéologiques est donc interdit.
Résultat: la BKK IHV est actuellement surveillée de près par l’Office fédéral des assurances sociales (Bundesversicherungsamt, BVA), l’instance étatique qui contrôle les quelques 200 caisses dans le pays. L’Office examine depuis 2011 les différentes offres de l’assurance pour vérifier leur légalité.
De son côté, le directeur de la BKK IHV, Heinz-Werner Stumpf, reste assez silencieux sur le sujet. Selon le magazine Der Spiegel, ses seules déclarations consistent à assurer que les offres de sa caisse sont parfaitement conformes au droit allemand. "Il ne répond aux questions que par mail, et il met par principe ses avocats en copie", précise le journaliste de l’hebdomadaire.
Et selon lui, Stumpf ne risque pas d’interrompre la coopération avec ProLife de son plein gré.
Dans cette affaire, le conseil d’administration de la BKK IHV a également son mot à dire et plusieurs membres de ce comité ont un profil bien spécial : ils appartiennent à ProLife."