Une école néerlandophone de Bruxelles interdit à ses élèves de parler français. Une nouvelle querelle linguistique montée en épingle, alors que la pratique est connue, et bien souvent acceptée par les parents. Plus surprenant, le refus de la Commission européenne de condamner l'appel à la délation des francophones lancé en décembre dernier par la commune de Grimbergen.
Au Sint-Pieterscollege, une école néerlandophone de la commune bruxelloise de Jette, 40% des élèves n'ont pas le néerlandais comme langue maternelle. Mais, pas question pour eux de relâcher leur effort pour parler néeerlandais pendant les pauses. Le règlement intérieur leur interdit désormais de parler français pendant les récréations. Les parents ont été avertis, révéle le quotidien La capitale:
Le néerlandais est obligatoire dans notre école, même dans la cour de récréation. Si votre enfant y parle le français, il recevra un bon linguistique. S'il en reçoit trois, il devra assister à une séance d'étude linguistique après les cours".
De la "méchanceté linguistique" ?
Problème: le message du Sint-Pieterscollege vise stricto sensu les francophones, sans mentionner les autres langues utilisées dans la pratique à Bruxelles, comme l'anglais ou l'arabe — dans une Belgique multiculturelle et plus que bilingue, le diable se niche dans les détails…
Ce sont d'abord des parents qui se sont plaints. L'un d'entre eux n'hésite pas à qualifier le règlement de "méchanceté linguistique (…) qui ne touche que les enfants parlant français, c'est écrit noir sur blanc."
Les Fédéralistes démocrates francophones ont pris le relais de la fronde par la voix de Véronique Caprasse, une élue du parti. Elle dénonce, dans Le soir, "une animosité vis-à-vis des francophones dans les écoles". Elle juge que
ce n'est pas comme cela que l'on va donner aux enfants le goût d'apprendre une autre langue."
Une pratique bien acceptée
Pourtant, l'obligation de parler exclusivement néerlandais dans les écoles néerlandophones de Bruxelles n'est pas une nouveauté. Pour preuve, ce feuilleton réalisé par le bureau de France 2 à Bruxelles, il y a un an, sur le conflit linguistique en Belgique. Dans une école flamande, on y voit un professeur expliquer le fonctionnement de l'établissement:
Si on les surprend à parler français, alors à la deuxième ou troisième remarque, on les punis avec une page à copier par exemple."
La pratique est donc bien connue – et complètement assumée par la grande majorité des parents. A la suite des "révélations" de La Capitale, de nombreux lecteurs ont fait part de règlements semblables à celui du Sint-Pieterscollege dans la plupart des écoles néerlandophones.
Le journal francophone a-t-il joué les mauvaises langues en ressassant cette polémique? En fait, les médias francophones profitent du climat ambiant et font du journalisme communautaire n'ayant pour autre conséquence que de stigmatiser la communauté flamande.
Appel à la délation
En Belgique, les polémiques linguistiques se succèdent.
La dernière en date était celle de Grimbergen, dans le Brabant flamand. La commune appelait à la délation des personnes utilisant le français.
En 2010 déjà, la bourgmestre Marleen Mertens avait déjà fait circuler une pétition interdisant de parler français au sein du club local de football, estimant que les enfants du territoire était surexposé à la langue "étrangère"…
En décembre 2011, la bouillante bourgmestre de la ville récidive. Elle demande à ses administrés de signaler l'usage de langues étrangères dans les commerces. Dans le journal municipal, elle lance un appel solennel aux habitants:
La commune travaille pour préserver le caractère flamand (…). Malheureusement nous constatons que tout le monde ne le respecte pas (…). Vous avez vu des publicités en français ou entendu parler une autre langue? Vous pouvez déposer plainte à la commune."
Mieux, un "point de signalement" a été créé au sein de l’administration municipale afin de centraliser et de traiter ces plaintes.
Une plainte déposée à l'ONU
La députée européenne Frédérique Ries avait fait part à Viviane Reding, la commissaire européenne aux droits fondamentaux, de son inquiétude à la suite de cet appel à délation. Mais, dans sa réponse, le 13 février, Viviane Reding, se concentrant sur l'aspect commercial de l'affaire, avait estimé que:
L'exercice des libertés fondamentales du marché intérieur n'est pas concrètement affecté par la pratique concernée Ni le principe de la liberté d'établissement, ni le principe de la libre prestation de service."
Un non-lieu, donc, pour la Commission européenne.
L’Association pour la promotion de la Francophonie en Flandre (APFF) a, du coup, confirmé qu'elle portera plainte au niveau international:
La plainte pour non-respect des droits culturels et du statut de minorité des Francophones de Flandre que l'APFF a déposée sur le bureau de la commission ad hoc des Nations Unies fera l'objet d'un examen attentif et sans complaisance.
L'APFF n'hésite pas à qualifier de "génocide culturel silencieux" les attaques et la discrimination dont le français serait la victime dans la région flamande de Belgique.