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Les prisons belges prêtes à se délocaliser au Maroc

dimanche, 19 février, 2012 - 15:00

En mai 2011, la Belgique a signé un traité avec le Maroc: les détenus marocains des prisons belges peuvent purger leur peine dans leur pays d’origine. Cette mesure populiste n’a jamais encore été appliquée. Mais l’arrestation de Fouad Belkacem, le porte-parole de Sharia4Belgium pourrait bien changer la donne pour les 190 détenus passibles d’extradition.

La Belgique pourrait bien transférer certains de ses détenus vers le Maroc dans les prochaines années. Bien qu’elle ait signé un traité avec le Maroc en mai 2011, elle n’avait jamais fait usage de cette possibilité. Les élections marocaines avaient retardé le processus, déclare-t-on au ministère de la Justice.

Mais l’arrestation de Fouad Belkacem, le porte-parole d’un petit groupe d’extrémistes fondamentalistes musulmans, pourrait bien changer la donne. L’animateur de Sharia4Belgium avait appelé à raser l’Atomium, monument datant de l’Exposition universelle de 1958 et symbolisant pour de nombreux Belges l’unité du pays, au même titre que la famille royale.

Pour la première fois, les autorités ressortent ce traité de leur chapeau, mais on évoque même le retrait de la nationalité du jeune "terroriste". Si la Belgique dispose de cette arme dans son arsenal pénal depuis longtemps, elle n’en a fait usage que deux fois depuis 1945.

Un problème récurrent de surpopulation carcérale

La Belgique connaît un vrai problème de surpopulation carcérale: dotée de 33 établissements pénitentiaires et de défense sociale, elle dispose d’une capacité d’accueil de 8.873 places. Or, en 2011, ils étaient 10.978 à occuper une cellule belge !

Un record absolu qui vaut à la politique belge en la matière d’acerbes critiques de l’Observatoire International des Prisons : non seulement pour le nombre trop élevé de personnes par rapport aux possibilités d’accueil, mais aussi en raison de la vétusté, voire de l’insalubrité de certains établissements très anciens.

En recherche de solutions, l’ancien ministre de la Justice, Stefaan De Clerck, avait conclu un accord avec les Pays-Bas et certains détenus belges ont ainsi séjourné dans la prison néerlandaise de Tilburg. Le niveau relativement plus élevé de confort dans la prison du Limbourg néerlandais ne compense que difficilement l’allongement des trajets pour les visites familiales. Et les règles diffèrent sensiblement de celles des prisons belges.

Depuis le 1er mai 2011, la Belgique a signé un traité avec le Maroc, lui permettant d’y transférer certains détenus qui ont commis des faits graves. Sur les 1.177 détenus de nationalité ou d’origine marocaine purgeant leur peine en Belgique, 190 correspondraient aux critères de ce transfert.

Si cette procédure n’a pas été appliquée jusqu’à présent, l’arrestation de Fouad Belkacem relance le débat. Le SPF Justice (Service Public Fédéral : nouvelle appellation des ministères fédéraux en Belgique, NDLR) a envoyé 13 dossiers au gouvernement marocain. Les autres dossiers suivront certainement, mais pour l’instant, aucune date n’a été précisée.

Déchéance de la nationalité belge

Le tribunal correctionnel d’Anvers a condamné Fouad Belkacem à deux ans de prison : pas vraiment étonnant si l’on compte que l’intéressé a déjà comparu 14 fois devant le tribunal de police et 4 fois en correctionnelle. Motifs : invectives publiques, appels à l’attentat ou condamnation de la démocratie…

Mais en plus de cette condamnation, le procureur général d’Anvers a réclamé la déchéance de la nationalité belge de Belkacem, qui bénéficie pour l’instant de la double nationalité belgo-marocaine. Une procédure qui existe dans le code belge depuis le 19 septembre 1945, mais n’a été appliquée que deux fois depuis.

Un avant-projet de loi, approuvé en avril 2010, prescrit "une législation plus objective et plus neutre en termes d'immigration." En clair, un durcissement des conditions d’acquisition de la nationalité belge et un élargissement du champ d’application de la déchéance de la nationalité:

Le champ d'application de la déchéance de la nationalité belge est étendu aux personnes qui sont condamnées pour des infractions faisant preuve d'une hostilité évidente à l'égard de la société belge ou qui ont été commises grâce à la possession de la nationalité belge. Les personnes qui ont acquis la nationalité belge sur la base d'un mariage blanc peuvent également en être déchues.

Même si la loi n’est pas encore votée, il semble bien que la tendance soit au durcissement de la politique à l’égard des populations immigrées.

Une tendance populiste européenne

La Belgique n’est pas une exception: c’est une lame de fond européenne qui, dans un contexte de crise, tente de muscler la législation en matière d’immigration.

En France, Nicolas Sarkozy proposait que "toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d'un fonctionnaire de police ou d'un militaire de la gendarmerie ou de toute autre personne dépositaire de l'autorité publique" soit déchue de la nationalité. Tandis que Brice Hortefeux, alors ministre de la Justice, proposait l’extension de cette déchéance "en cas d'excision, de traite d'êtres humains ou d'actes de délinquance grave".

Une sévérité qui n’est rencontrée, pour l’instant, en Europe, qu’à Malte où tout condamné à une peine de prison supérieure à 7 ans perd automatiquement la nationalité maltaise.

Mais les partis et mouvements populistes poussent à l’abandon de la double-nationalité et à l’expulsion des immigrés délinquants. Pour le PVV de Geert Wilders il faut expulser immédiatement les "non-Néerlandais qui commettent un délit aux Pays-Bas".

Pour le Parti Populaire belge, il faut "faire systématiquement purger les peines dans leurs pays d’origine pour les délinquants étrangers (…) et expulser les délinquants récidivistes".

La Ligue du Nord, en Italie, ne dit pas autre chose et insiste même sur le fait que l’expulsion des 1214 délinquants européens séjournant dans les prisons italienne "sera même plus facile car leur consentement ne sera plus nécessaire et il ne faudra plus d’accord bilatéraux avec le pays d’origine".

Un des défis majeurs pour les gouvernements européens – outre la crise économique – sera donc de d’assurer la sécurité de leurs nationaux tout en ne cédant pas à la tentation de désigner des boucs émissaires. La présence de partis et de mouvements de droite radicale dans bon nombre de pays européens ne devrait pas leur faciliter la tâche.




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