Pour dénoncer l’interdiction de manifester, un opposant russe a organisé une nouvelle mobilisation de jouets, à Barnaul en Sibérie. Des anti-Poutine de plastique, qui continuent de désarçonner les autorités. (VIDEO)
Ils étaient plusieurs centaines, le 14 janvier dernier, à braver le froid et l’intransigeance des autorités. A Barnaul, petite localité de Sibérie, la police avait pourtant interdit toute manifestation. Mais ils étaient là. Les pieds dans la neige. Muets et dignes. Et les policiers ne savaient que faire. Ils n’ont jamais chargé une manifestation de poupées.
Des présidentielles cette année
Amassés à leurs pieds, en rangs serrés, les jouets frondeurs les défient sans peur. Les grands policiers sont désarçonnés. Ours en peluche, bonshommes Légo, et figurines Kinder brandissent leurs slogans irrévérencieux.
"146%" peut on lire sur une pancarte de quelques centimètres. "146%", comme le taux de participation malencontreusement annoncé par une télévision d’Etat lors des dernières élections russes. A quelques mètres, deux chèvres en plastique, hautes comme une demi-pomme, exhibent insolemment une caricature des deux hommes forts du régime, Vladimir Poutine et Dimitri Medvedev.
Un peu plus loin, une peluche résume le sentiment général: "Je suis pour des élections propres", dit son slogan.
La manifestation des jouets bat son plein. Les protestataires – humains cette fois – de Barnaul ont donc trouvé la parade. Depuis le 10 décembre, les autorités leur interdisaient toute réunion publique. On ne défile pas contre le premier ministre Poutine, on ne conteste pas les résultats des élections législatives (4 décembre dernier). D’autant que Vladimir brigue la présidence en mars prochain, alors pas de chahut.
En février, les jouets ont récidivé. Parce que leurs dernières manifestations avaient été sanctionnées, un habitant de Barnaul a de nouveau convoqué figurines et peluches. Seul organisateur de cette saillie contre les autorités, Sergei Mamayev enregistre sa contravention sans broncher, sous les yeux et les caméras des journalistes. Les procès-verbal fera état d'une réunion non autorisée sur la voie public, les complices du contrevenantétant une bande de jouets.
La vidéo tournée par Reuters et mise en ligne par le Guardian, lors de la dernière manifestation de jouets :
Manifester: un droit constitutionnel pour les jouets ?
A Barnaul, les autorités "ont tout fait" pour bloquer les manifs, rapporte Andrei Teslenko, l’un des organisateurs de la mobilisation des jouets début janvier. "Les autorités bafouent notre droit constitutionnel à manifester pacifiquement, mais ils n’ont pas encore limité celui des jouets", arguait-il alors.
"[Avec ces manifestation de poupées], nous avons voulu montrer l’absurdité de la répression des autorités contre leur propre peuple", confie au Guardian Lyudmila Alexandrova, étudiante de 26 ans. Mais les autorités sont restées sourdes à ce candide message. "Ils nous ont même dit que pour planter nos jouets dans la neige, il fallait louer l’emplacement à la ville".
Les autorités s’arrachent toujours les cheveux. Et cherchent la faille. "Les 'nanomeetings' pourraient être illégaux", assurait Andrei Mulintsev, de la police locale, lors de premières manifestations. "Nous considérons que cela reste un événement public non autorisé". Alors la police regarde du côté du droit : elle a demandé au procureur local de se prononcer sur les droits des jouets. Il n'a toujours pas tranché. Les jouets pourraient bien profiter de ce vide juridique pour continuer à agiter la place publique.
Plus de photos de la manifestation des jouets ici.
(Photos : ivan_krupchik)
Article actualisé le 21 Février 2012