Le plan d'aide européen de 130 milliards d'euros arrive bien trop tard pour des Grecs en plein désarroi. Le rêve de l'enrichissement général sponsorisé par Bruxelles a tourné au cauchemar. Retrospective et bilan de cinq années de descente aux enfers de la crise.
Dimitra, professeur au chômage, sourit mélancoliquement. Le plan de sauvetage conclu la nuit dernière par les ministres des Finances de la zone euro, accordant un effacement des dettes de l’ordre de 100 milliards par le secteur privé et un prêt de 130 milliard par les créanciers privés ?
A chaque réunion à Bruxelles, on crie victoire, en nous disant : La Grèce est sauvée. Et après, à chaque fois, une nouvelle cure d’austérité nous est demandée. Je n’y crois plus. C’est trop tard. On va toucher le fond, c'est sans espoir"
Comment la Grèce est-elle tombée si bas? Flashback sur une crise politique, économique et financière qui ne date pas d'hier et sur un réveil qui a été brutal pour tous les Grecs. Ou comment les lendemains qui chantent se sont transformés en cauchemar.
L’entrée dans l’Union européenne en 1981 avait transformé la Grèce, comme par un coup de baguette magique, de pays pauvre en pays florissant et de pays d’émigration en pays d’immigration. Profitant, sans vergogne ni contrôle, de la manne des subventions européennes et de l’arrivée en masse, suite à l’effondrement du monde communiste, d’une main-d’œuvre corvéable à merci (Albanais, Roumains, Bulgares,…), le pays réel s’était caché, durant des décennies, derrière la façade du "miracle grec", mû par une croissance de plus de 4 %.
Retour au réel
Une société virtuelle s’est mise alors en place, avec des facilités bancaires extraordinaires. Tout s’achetait à crédit et à foison. Takis, chauffeur de taxi :
J’ai dû changer de banque, tant elle m’appelait les après-midis quand je rentrais faire la sieste. Votre crédit pour la maison, pour la voiture, pour les vacances, est prêt, me disait-elle. Venez le chercher. Alors que je n’avais rien demandé".
Mais après les investissements gigantesques des jeux olympiques de 2004, la bulle a éclaté. Et l’Etat grec, comme la plupart des citoyens, s'est retrouvé avec des dettes insolvables. La principale victime de ce retour au réel a été la classe moyenne.
Suicides en hausse de 40%
Les plans de rigueur successifs se sont concrétisés par des coupes drastiques dans les salaires et les retraites, puis par les impôts supplémentaires et, enfin, par une augmentation importante de la TVA. Résultat: une profonde récession, qui en est à sa cinquième année.
Tout est allé très vite:
- Licenciement des fonctionnaires (il y a au moins un fonctionnaire dans chaque famille)
- Fermeture de commerces (plus de 50 % de baisse du chiffre d’affaires rien que sur l’année passée)
- Montée en puissance du chômage (21% de la population active, chiffre de novembre 2011, avec un pourcentage de plus de 50 % de diplômés supérieurs)
- Inflation à 5%
Perdant tous leurs revenus et leurs repères de "nouveaux riches", les Grecs sont devenus "nouveaux pauvres" (Lire notre portrait "Aspasia, avocate grecque et nouvelle pauvre").
Tous les amortisseurs sociaux (solidarité familiale, réseaux clientélistes, …) se sont désagrégés peu à peu. Et désormais, selon les statistiques d’Eurostat, un tiers de la population grecque est sous le seuil de pauvreté.
Avec des histoires impensables en Grèce il y a encore peu, comme ces enfants confiés par leurs parents à des institutions, car ils ne pouvaient plus les nourrir. Ou l’apparition de "cartoneros" dans les rues d’Athènes et de nombreux sans abri.
Un dernier chiffre pour mesurer l'ampleur du désarroi total des Grecs : le taux de suicide qui était l’un des plus bas d’Europe, a grimpé en un an de 40 %. Plus personne ne croit aux dirigeants politiques du pays, ou à une quelconque solidarité européenne, même si elle se chiffre en centaines de milliards.