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Maria, Lea et Giuseppina, femmes martyrs de la mafia calabraise

jeudi, 8 mars, 2012 - 11:56

Fatiguée de la violence, la Calabre tente de tourner le dos à la 'Ndrangheta, la mafia locale. Considérée comme l’organisation criminelle la plus dangereuse d’Europe, la 'Ndrangheta contrôlait, hier encore, l’essentiel du trafic d’armes et de cocaïne en provenance d’Amérique Latine.

Mais en 2010, les guerres entre clans et le vaste coup de filet organisé par la police italienne au printemps de la même année touchent l’organisation au cœur. Aujourd'hui les quelques familles mafieuses qui ont survécu aux conflits internes et aux arrestations ressortent néanmoins leurs tentacules. Une reconquête difficile depuis que la loi de l’omerta a été brisée par trois femmes.

Pour la Journée de la femme, la Calabre célèbre ces trois martyrs. L’idée a été lancée par le quotidien régional Il quotidiano della Calabria [sa diffusion est de 250.000 exemplaires, ndlr].

Si nous oublions ces trois femmes, leur sacrifice aura été inutile,

explique le directeur de ce quotidien, Mario Cosenzo. A la Une, ce 8 mars, la photographie de Giuseppina Pesce, Maria Concetta Cacciola et Lea Garofalo accompagnée d’un brin de mimosa.

Trois femmes, trois destins tragiques 

Maria Concetta et sa cousine Giuseppina ont été arrêtées en avril 2010 à Rosarno pour "collusion avec la mafia". C’est dans cette ville bordée de plantations d’orangers que les saisonniers africains, traités comme des esclaves, se sont rebellés il y a deux ans contre le pouvoir de la 'Ndrangheta qui contrôle les récoltes.

Maria Concetta était la fille du parrain Gregorio Bellocco. Six mois après leurs arrestations, les deux femmes décident de tout dire sur les activités de la Famille. Menacée de mort en octobre 2010, Giuseppina se rétracte. Immédiatement mise sous haute protection, la jeune femme confirme finalement ses déclarations. Mais depuis, elle a peur d’être assassinée comme l’a été sa cousine Maria Concetta.

La jeune femme avait, elle aussi, bénéficié d'une protection policière permanente en avril 2011. Pendant trois mois, cette brunette a vécu retirée du monde. Mais ses deux fils en bas âge, qui étaient restés à Rosarno avec la Famille, lui manquaient.

Début août, Maria Concetta rejoint ses enfants. Trois semaines plus tard, elle enregistre un message d’adieu et se suicide le 20 aout en avalant de l’acide muriatique.

J’ai menti, j’avais des problèmes avec ma famille et j’ai voulu me venger d’eux,

déclarait Maria Concetta. Quelques jours plus tard, son père et son frère sont arrêtés pour "incitation au suicide". En enquêtant sur la mort de la jeune femme, les magistrats découvrent que sa famille l’avait menacée, enfermée, battue, séparée de ses enfants et obligée à enregistrer son message.

Même motif, même fin atroce pour Lea Garofalo [photo]. Tuée pas son compagnon et ses frères après avoir décidé elle aussi de collaborer avec la justice en 2009. Pour avoir trahi, Lea devait disparaitre à tout jamais. Comme si elle n’avait jamais existé. Son corps a été dissout dans cinquante litres d’acide.

Les syndicats et les institutions régionales, les partis politiques et la population ont décidé de soutenir l’opération lancée par le quotidien de la Calabre. Comment ? En manifestant ce 8 mars prochain contre la Ndrangheta’. Puis, en vendant du mimosa accompagné de la photographie des trois martyrs. Une telle mobilisation était impensable il y a quelques années. La mafia semble bien avoir perdu de son influence.  




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