Accusé par le magazine britannique The Ecologist d’exploiter les immigrés d’origine africaine qui récoltent les oranges dans le sud de l’Italie, le groupe Coca Cola a menacé de se retirer de la région.
Le scandale a explosé il y a deux semaines après la publication d’une enquête réalisée dans les plantations d’orangers situées à Rosarno, en Calabre, où le groupe Coca-Cola s’approvisionne en agrumes pour sa marque Fanta. Le magazine The Ecologist avait dénoncé les conditions de travail difficiles de quelques 2.000 saisonniers souvent employés de manière illégale.
En l’état actuel, pour chaque kilo de fruits récoltés, la multinationale verse sept centimes aux petits producteurs. Ces derniers paient les saisonniers de 20 à 25 euros par jour – en échange de douze à quatorze de travail dans les plantations. Ce tarif n’est toutefois appliqué qu’aux travailleurs placés sous contrat, les autres devant se contenter d’une quinzaine d’euros par jour.
Dans un premier temps, Coca-Cola a nié toute erreur de sa part et rejeté la faute sur les exploitants auprès de qui il s'approvisionne. Dans tous les cas, en bout de chaîne, ce sont les ouvriers agricolent qui trinquent.
Pour nous permettre de rehausser les salaires des saisonniers, la multinationale comme nos clients devraient doubler les prix d’achat,
explique Pietro Molinaro, président de l’association de cultivateurs calabrais Coldiretti.
"Exploitation bestiale des saisonniers"
Au lendemain de la publication de cet article, abondamment repris par la presse italienne, la multinationale, dont le siège se trouve à Atlanta aux Etats-Unis, avait décidé d’interrompre immédiatement ses contrats.
Le réputation de Coca Cola a été franchement entâchée par les accusations portées par le magazine britannique,
s’est défendu le groupe dans un communiqué de presse.
En clair, Coca-Cola n’a pas apprécié d’être accusé de participer à "l’exploitation bestiale des saisonniers", selon l’expression employée par le magazine britannique. De jour, ils sont traités comme des esclaves par des surveillants parfois placés par la mafia.
De nuit, ils vivent pire que des bêtes, entassés dans des usines désaffectés ou des masures faites de mauvais bois, sans chauffage, eau courante, électricité et sanitaires. Ils sont aussi régulièrement victimes de comportements et d’agressions racistes orchestrés par la Ndrangheta’.
L'ombre de la 'Ndrangheta
La menace de retrait brandie par Coca-Cola a suscité une levée de boucliers immédiate du coté des autorités locales et des petits producteurs. La récolte des agrumes étant l’un des moteurs de l’économie locale d’une région particulièrement défavorisée, le départ du groupe aurait aggravé une situation bien précaire.
Certains agriculteurs ne veulent plus recueillir les oranges pour protester contre les prix appliqués par les multinationales. Cette situation a appauvri l’ensemble du secteur et les saisonniers sont les premiers à devoir payer les pots cassés,
explique Elisabetta Tripodi, maire de Rosarno.
Les associations humanitaires contrôlent régulièrement les conditions de travail des saisonniers depuis la chasse à l'homme aux immigrés puis la "révolte des Africains" en janvier 2010. Elles refusent le "chantage" à la délocalisation.
Il faut au contraire boycotter les multinationales qui font semblant de ne pas savoir que les africains sont exploités par des petits producteurs harcelés par la mafia locale qui prélève sa dime au passage,
estime pour sa part Don Pino De Masi, responsable de l’association Libera.
'Plus c'est Fanta, moins c'est sérieux'
Pour obliger le groupe américain a revoir sa décision, les autorités locales et les petits producteurs ont interpellé le gouvernement de Mario Monti. Mercredi dernier, une rencontre a donc été organisée à Rome entre les représentants du groupe et le ministre des Politiques Agricoles Mario Catania.
Au même moment, les petits producteurs manifestaient à Rosarno pour demander à Coca-Cola de ne pas abandonner leurs plantations.
Au terme de cette rencontre, un accord a finalement été trouvé. Le groupe s’est engagé à acheter la totalité de ses besoins d’oranges pour la production de Fanta destinée au marché italien en Calabre. Il a aussi promis de rencontrer les agriculteurs pour renégocier les contrats. Reste à voir si les saisonniers africains profiteront de ces nouvelles conditions…