Filettino, village du Latium, refusait la perte de son statut de commune à la suite de la simplification administrative décidée par le gouvernement Berlusconi pour des raisons budgétaires. Les habitants se sont constitués en principauté et désigné un Prince bien décidé à en découdre avec Rome sur des dossiers très sérieux.
Samedi soir, l'heure était solennelle à Filettino. Anneau d'or au doigt, les députés de cette nouvelle principauté du Latium ont prêté serment en écoutant, la main sur le coeur, l'hymne national tout juste composé ainsi que le discours-programme de leur nouveau souverain: le Prince Taormina.
Tout a commencé en août dernier. C'est pour éviter sa disparition administrative que le village de Filettino, 500 habitants, situé à 150 kilomètres de Rome, décide, au coeur de l'été dernier, de proclamer son indépendance ! Il faut dire que le gouvernement italien, encore dirigé par Silvio Berlusconi, vient d'annoncer la couleur: pour économiser les deniers de l’état, l’exécutif du Cavaliere décide tout de go la suppression des communes de moins de 1000 habitants.
Refusant le mariage forcé avec Trevi, une commune située à une dizaine de kilomètres, les autorités locales de Filettino mettent en place un plan de bataille digne d’une comédie à l’italienne. Mesure phare: l'érection de la petite communauté du Latium en principauté, alors même que l'Italie vient de fêter le cent cinquantième anniversaire de son unité.
Un prince et une nouvelle monnaie
En décembre dernier, le maire Luca Selleri consulte ses concitoyens à l’occasion d’un référendum. "Tope là" répondent les habitants qui acceptent également d’abandonner l’euro au profit du « fiorito », (le fleuri), dont la valeur est fixée à 50 centimes d’euros. Depuis l’automne, quelques 20.000 coupures de billets ont déjà été imprimées.
Restait toutefois la question délicate du choix du prince régent. Plusieurs candidats pressentis ayant élégamment refusé le fauteuil de velours, Luca Selleri trouve finalement la perle rare en la personne de l'avocat Carlo Taormina. Ce proche de Silvio Berlusconi, vedette des tribunaux italiens – il a notamment défendu l’ex capitaine des SS Eich Priebke -, accepte de se revêtir du manteau d'hermine tant il est amusé par le côté farfelu de l’aventure.
Disposant d’un carnet d’adresses épais comme l’Ancien Testament, Carlo Taormina a rapidement formé son cabinet. Certes, la défection de l’urologue du pape, le professeur Augusto Mosca, qui devait prendre les commandes du ministère de la Santé, a constitué une sévère déconvenue. Mais cette perte a été compensée par l’arrivée d’autres personnalités. A commencer par le mari de Claudia Cardinale, le réalisateur Pasquale Squitieri, nommé premier ministre. Ou encore de l’entrepreneur Guglielmo Cialone. Pour former son parlement composé de trente députés, le prince Taormina a recruté des résidents.
Priorité à la gestion des eaux
Samedi soir, le Prince a lancé sa première offensive contre Rome à propos de l’exploitation des ressources hydriques locales. Objectif : réunir les représentants de la région du Latium, le gouvernement de Filettino et la société italienne des Eaux Acea autour d’une table pour revoir le plan de production et de distribution. Selon le souverain,
La société des Eaux devrait verser une cotisation annuelle qui pourrait être réinvestie dans le développement du territoire, à commencer par la construction d’un réseau hydrique dans la station hivernale de Campo Staffi.
Durant le courant de la semaine, le grand Conseil se réunira pour fixer la date des prochaines rencontres et rédiger la liste des dossiers primordiaux. Reste à voir comment réagira la République, à savoir le gouvernement de Mario Monti. En remettant en question l’unité du pays dont l’Italie est si fière, la petite commune de Filettino a-t-elle créé un précédent qui pourrait faire boule de neige ?