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Au Portugal, c’est l’été en hiver

mardi, 13 mars, 2012 - 12:15

Avec un soleil persistant et des températures estivales depuis des semaines, la sécheresse frappe le Portugal. L’agriculture souffre, les incendies se multiplient. Comme en plein été. Du jamais vu de mémoire de météorologue.

Beau fixe au Portugal depuis des semaines. Pour le plus grand bonheur des touristes ravis de se balader à Lisbonne ou Porto en tenue estivale. Le week-end, les plages font le plein et on organise des pique-niques en famille comme aux premiers beaux jours d’été. Des températures amènes, et…pas une seule goutte d’eau. Février a battu un record : il n’est tombé que 2,2 millimètres d’eau, contre 100 millimètres en moyenne en temps normal. C’est la première fois que l’on enregistre un si bas niveau de précipitations en 81 ans, c'est à dire depuis que l'on effectue des relevés fiables et réguliers.

Pour les agronomes, météorologues et autre experts, le Portugal est désormais frappé de sécheresse sévère à 68 % et de sécheresse extrême à 32 %.

L'agriculture touchée de plein fouet

Le climat océanique-méditerranéen qui caractérise le Portugal se traduit d’habitude par des pluies abondantes au début et à la fin de l’hiver. Elles sont nécessaires à la croissance des blés. Les réserves hivernales en eau permettent les fourrages pour affronter les mois généralement très chauds et secs de juillet et août et l'hiver.

Mais cette année, les éleveurs de bovins, caprins et ovins, dans le centre du pays comme au nord et au sud, puisent dès maintenant dans ce qui leur reste de réserves pour pouvoir alimenter leurs cheptels. Le prix de la paille s’est envolé. Elle coûte 20 % de plus qu’en 2011, et les agriculteurs réclament des aides. Les fruits, les légumes, mais aussi la vigne sont, à leur tour, menacés dans un pays où l’agriculture représente encore 3 % de l’activité économique.

Feux de forêts et allergies

Les incendies de forêts et de sous-bois ont fait leur apparition. Leur nombre est comparable à celui des mois d’été : près de 500 feux ou départs de feux ont été enregistrés le week-end du 10 mars, obligeant à la mobilisation de plus de 2200 pompiers et 600 véhicules. La protection civile a décidé de lancer l’alerte bleue, en raison des conditions particulièrement propices aux incendies, et multiplie les mises en garde. Les pouvoirs publics ont du débloquer une enveloppe d’urgence de 190 mille euros pour financer l’action des pompiers.

A leur tour, les spécialistes de la santé sonnent l’alarme sur le taux élevé d’allergies enregistrées. L'absence de pluie favorise la dispersion des pollens et de la poussière. Le nombre de bronchites est anormalement élevé. Les médecins affirment que quelques bonnes averses seraient plus efficaces que tous les médicaments antihistaminiques.

Aides exceptionnelles de Bruxelles?

La ministre de l’agriculture Assunção Cristas a beaucoup surpris en déclarant "avoir l’espérance qu’il pleuve en mars". Mais sans attendre cette intervention divine pour que la pluie bienfaitrice tombe enfin sur les terres arides, madame la Ministre a fait une demande auprès de la Commission européenne pour obtenir des aides exceptionnelles.

La procédure de catastrophe naturelle est assez complexe, mais une fois vérifiée elle peut substantiellement soutenir un pan de l’activité économique malmené comme c’est le cas de l’agriculture. Assuncão Cristas a remis à Bruxelles un dossier argumenté le 9 mars. La ministre demande notamment que soit relevée de 7.500 euros à 15.000 euros l’aide apportée par l’État aux agriculteurs touchés par la sécheresse. D’autres mesures, réclamées par les syndicats d’agriculteurs, seraient d’anticiper le versement des aides communautaires attribuées pour 2012.

Pas de divine providence

Le dossier va suivre le processus de requête en la matière, avant de faire l’objet d’un examen par le conseil des ministres de l’agriculture de l’UE le 19 mars prochain. Cette longue et laborieuse procédure engendre la méfiance des Portugais qui ont les yeux rivés sur le ciel. A Beja, ville au cœur de la région d’Alentejo, au centre sud du Portugal, l’évêque D. António Vitalino s’étonnait que si peu d’oraisons soient prononcées pour demander la pluie. Dans une lettre adressée à l’agence d’information Ecclesia l’évêque souligne avec amertume que

Les croyants ne se font pas entendre, les agriculteurs ne croient plus en la providence divine, mais en celle de Bruxelles"

En 2005, année de très grande sécheresse, les prières à Saint Pierre, maître des eaux, et les processions s’étaient multipliées dans les paroisses reculées du Portugal. La sécheresse avait coûté 300 millions d’euros. Alors que le pays vit une crise économique sans précédent et se retrouve dépendant de l’aide internationale, le Portugal n'avait vraiment pas besoin de cette nouvelle "plaie d’Égypte". 




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