Baisse du nombre des candidats, difficultés à intégrer les jeunes les moins qualifiés… Présenté en France par la droite comme par la gauche, comme un modèle pour faire face au chômage des jeunes, l’apprentissage montre ses limites en Allemagne.
La scène se passe à Dachau, en Bavière. Samedi 11 mars, les entreprises de la région sont venues présenter aux élèves les avantages de l’apprentissage dans un contexte où les employeurs ont de plus en plus de mal à pourvoir les places proposées. Dans la région de Munich, par exemple, 1.300 candidats ont manqué à l’appel l’année dernière.
Et la riche Bavière est loin d’être une exception: selon l’agence allemande pour l’emploi, 30.000 propositions d'emplois n’auraient pas trouvé preneur en 2011. Les chambres de commerce et d’industrie (DIHK) dont le recensement est plus large, affirment, pour leur part, qu’il a manqué 75.000 apprentis en 2011 pour répondre à la demande des recruteurs.
La situation n’est pas nouvelle. D’année en année, les entreprises allemandes ont bien du mal à attirer les élèves en quête d’une formation en apprentissage. Depuis 3 ans, le nombre de postulants a diminué d’un tiers. Et si les grandes entreprises – Volkswagen, Bosch… – tirent toujours leur épingle du jeu, les plus petites structures sont à la peine.
Décalage entre offre et demande
Principale raison de ce désamour ?
Les postes proposés ne répondent pas toujours aux attentes des jeunes. La plupart des filles veulent devenir coiffeuses, la plupart des garçons souhaitent travailler dans la mécanique. Ce décalage met en danger de nombreuses entreprises,
observe Michael Steinbauer, le président de la chambre de commerce et d’industrie de Dachau cité par le quotidien Süddeutsche Zeitung. Il met en évidence les besoins importants de charcutiers ou de boulangers. Quelque 1.000 places n’auraient pas non plus trouvé preneur dans le secteur agricole.
Autre point noir: la détérioration des conditions de travail. Selon le ministère de l’éducation, 23 % des contrats d’apprentissage auraient ainsi été rompus avant leur terme en 2010, un chiffre qui atteindrait 44 % dans l’hôtellerie-restauration:
La situation des apprentis est catastrophique. La plupart des cuisiniers font plus de 10 heures de travail supplémentaires par semaine. Une durée à laquelle s’ajoutent les cours,
pointe du doigt le DGB, le principal syndicat allemand, dans une étude publiée en novembre dernier.
Concurrence de l’Université
Si les évolutions démographiques sont également mises en avant pour expliquer le recul du nombre de candidatures, l’apprentissage, qui concerne principalement Outre-Rhin des niveaux de qualification inférieurs au bac, ne correspondrait pas plus non plus aux évolutions sociologiques. "L’université est un concurrent de plus en plus sérieux", reconnaissait la DIHK dans une étude de novembre 2011.
Les mutations économiques incitent les jeunes à poursuivre leurs études afin d’acquérir un bagage facilitant leur réorientation professionnelle au lieu de porter leur dévolu sur une formation pratique, mais qui pourrait se montrer inadaptée à moyen terme.
Une récente étude de l’OCDE souligne cette faille du système d'apprentissage outre-Rhin. L’Allemagne a impérativement besoin de diplômés du supérieur pour rester dans une compétition internationale nécessitant des emplois de plus en plus qualifiés. Or, le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur a, certes, augmenté en Allemagne de 18 % à 25 % au cours de la dernière décennie, mais, dans le même temps, il passait de 28 % à 38 % pour l’ensemble des pays de l’OCDE.
Modèle français
Ces évolutions n’ont pas échappé aux entreprises en quête d'étudiants. Et à ce titre, la France, où les candidats de l’enseignement supérieur trustent 20 % des postes en apprentissage, pourrait servir de modèle.
Si ce n'est qu’en réservant un nombre croissant de places d’apprentis aux étudiants diplômés, les employeurs négligent parallèlement les apprentis qui n'ont pas le bac. Ce n’est d’ailleurs pas le moindre des paradoxes : l’année dernière en Allemagne, 12 000 candidats n’ont pas été retenus alors que nombre de places n’ont pas été pourvues.
La chancelière Angela Merkel a incité les entreprises à recruter des apprentis dans les rangs des chômeurs comme parmi les demandeurs d’emploi plus âgés. Une boulangerie industrielle du Bade-Wurtemberg l’a prise au mot : elle vient de prendre 53 seniors en apprentissage, dont certains avaient dépassé les 50 ans.
Un domaine où, là aussi, la France a montré l’exemple en créant des Contrats de professionnalisation, une forme d’apprentissage qui s’adresse aux chômeurs de plus de 26 ans…