Vaste coup de filet anti-mafia ce matin dans la région de Naples. Soixante mandats d'arrêt, dont seize contre des juges fiscaux avaient été lancés. Une entreprise employant 1000 personnes est impliquée. Un milliard d'euros ont été saisis.
Ce matin, la police financière italienne a touché la Camorra, la mafia napolitaine, en plein cœur. Aux premières lueurs de l’aube, une soixantaine de personnes dont seize juges fiscaux, un professeur universitaire, un expert comptable et plusieurs employés des services fiscaux régionaux et provinciaux ont été arrêtés.
Ce vaste coup de filet s’inscrit dans le cadre de la lutte contre les clans de la camorra et vise cette fois-ci, l’une des familles les plus puissantes de la région, les Fabbrocino installés aux pieds du Vésuve et dans toute la ceinture napolitaine.
Les juges sont soupçonnés d'avoir reçu des pots-de-vin pour régler des litiges fiscaux en faveur de membres de la Camorra. Selon les enquêteurs, les plusieurs dizaines de contentieux réglés de façon frauduleuse auraient détroussé l’Etat italien de plusieurs millions d’euros. Les enquêteurs ont saisi plus de un milliard d'euros en d’actions, constructions, terrains, comptes bancaires, automobiles.
Le groupe Ragosta impliqué
Le groupe italien Ragosta qui réalise un chiffre d’affaire annuel de 200 millions d’euros grâce à ses activités réparties dans quatre secteurs -hôteliers, immobiliers, alimentation de luxe et la sidérurgie – est également impliqué dans ce scandale. Le fondateur et président du groupe, Fedele Ragosta été arrêté ce matin avec ces deux frères et leurs épouses. La famille est accusée de concussion avec le clan mafieux Fabbrocino.
Un rude coup pour ce groupe fondé en 2000 qui emploie quelques 1.000 salariés et a signé des contrats avec le ministère de la Défense italien. Selon la thèse des enquêteurs, le groupe Ragosta qui n’était au départ qu’une toute petite entreprise familiale devrait sa transformation en holding au clan Fabbrocino.
En 2001 par exemple, l’argent du clan aurait été utilisé par Fedele Ragosta pour racheter les aciéries Sud dans le cadre d’une enchère judiciaire. C’est du moins ce qu’il ressort des déclarations de repentis qui auraient souligné les liens entre le clan et la famille Ragosta. "Les Ragosta sont protégés parce qu’ils sont amis du clan. C’est un des chefs du clan qui me l’a raconté", aurait avoué Carmine Amoruso, un mafioso repenti arrêté en janvier dernier.
Un autre élément important a été inséré par les juges dans le dossier monté contre le fondateur du groupe: les commissions rogatoires effectuées à l’étranger, notamment au Luxembourg, en Suisse et en Belgique. Elles prouveraient que des dizaines de millions d’euros déposés sur des comptes chiffrés étaient réutilisés par la famille Ragosto dans le cadre de ses activités. Des sommes trop importantes compte tenu des revenus personnels déclarés au fisc par la famille Ragosta et des chiffres d’affaires réalisés par le groupe durant les dix dernières années. Pour les juges, la famille Ragosta serait le "recycleur" du clan napolitain.
Un chiffre d'affaires de 100 milliards
Durant les derniers mois, la direction antimafia basée à Rome et les juges spécialisées dans les dossiers contre la pieuvre, ont tiré la sonnette d’alarme à plusieurs reprises. Selon les magistrats antimafias, le chiffre d’affaire annuel réalisé par la mafia se situerait autour des 100 milliards par an.
Du coté des industriels, la confédération des patrons italiens réclame depuis plusieurs mois, l’adoption d’une Charte antimafia. Les entrepreneurs devaient signer un document déclarant qu’ils n’ont aucun lien avec le crime organisé.
Ce serait de notre part, un signe de transparence et une façon de dire haut et fort que nous sommes en mesure de nous battre contre la mafia et de briser le cercle vicieux qui pourrit l’économie italienne et tue les entreprises saines,
a déclaré la semaine dernière Emma Marcegaglia, la présidente sortante de la confédération des industriels.
L’opération lancée ce matin par la police financière est la plus importante depuis le coup de filet de septembre 2010 lorsque les autorités italiennes avaient saisi 1.5 milliards d’euros durant une opération antimafia en Sicile.