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L’Europe en panne de plan com

vendredi, 23 mars, 2012 - 10:23

La communication institutionnelle est un exercice périlleux. La Commission vient d'en faire les frais, piégée par la dernière trouvaille de sa DG Elargissement: une vidéo aventureuse, au message ambigu, et taxée de racisme. Mais qui donc est chargé de 'vendre' l'Europe? Petite plongée dans les méandres de la com' européenne.

Communiquer l'Europe: un devoir pour les institutions européennes, une tâche parfois ingrate pour les agences de communication, une mission impossible ou même suicide selon certains observateurs. La récente polémique autour de la vidéo lancée, puis rapidement retirée, par la Direction générale de l'Elargissement de la Commission européenne illustre bien tous ces aspects.

Le scénario du clip est inspiré d'une scéne célèbre du film Kill Bill. Une européenne en combinaison intégrale jaune identique à celle d'Uma Thurman dans le fim de Quentin Tarantino, est attaquée par trois hommes à la mine patibulaire d’origines chinoise, indienne et latino. Mais, miracle, la jeune femme a le don de se démultiplier. Onze héroïnes écrasent alors les "méchants" avant de se transcender en étoiles du drapeau européen avec en incrustation la phrase qui, elle, tue vraiment: "Plus on est nombreux, plus on est forts".

 

Accusé d'être raciste, le clip frappe surtout par son manque de clarté: quel message devait-il exprimer, au juste? Le communiqué officiel publié par la DG Elargissement après le retrait de la vidéo offre la clé de ce mystère.

Le genre [des films d'arts martiaux, NDLR] a été choisi pour attirer les jeunes et éveiller leur curiosité à l'égard d'une politique européenne importante.

Le public cible étant jeune, le but principal n'était pas de faire comprendre les enjeux de l'élargissement, mais simplement de chatouiller son attention. Cela aurait très bien marché si les images n'avaient circulé que dans des classes de lycée. Mais une fois la vidéo en ligne, le concept même de "public cible" a perdu tout son sens.

Tout n'est pas à jeter

Les réactions à cette grande boulette se divisent en trois catégories: indignation ("racistes! impérialistes!"), stupeur ("comment ont-ils pu ne pas le prévoir?!") et, pour les plus moins europhiles, satisfaction ("j'ai toujours dit qu'ils gaspillaient notre argent…"). Le point commun entre ces réactions, c'est une même vision simplifiée de la communication européenne et une tendance à la juger à partir de ce seul exemple. Rares sont ceux qui ont rappelé qu'en février la DG Elargissement avait lancé une vidéo bien plus réussie:
 


 

Au sein de l'Union européenne, chaque institution a sa direction ou son unité de communication – parfois plus d'une – chargée de mettre en œuvre une stratégie de communication plus ou moins ample. Dans le cas de la Commission, par exemple, toutes les directions générales ont des responsables de communication, mais il existe également une direction générale de la communication, qui doit "informer en permanence le grand public et les médias des activités de l'UE", et présentée dans un clip:


 

Un hydre nourri par des agences spécialisées

Au Parlement européen, où chaque groupe politique a ses attachés de presse et chaque eurodéputé ses assistants, il y aussi une direction générale de la communication, avec une mission semblable à celle de son homologue de la Commission, mais plus centrée sur les activités du Parlement (entre autres, la gestion du nouveau centre des visiteurs du PE, le Parlamentarium, inauguré en octobre 2011). Et ainsi de suite…

Autour de ce noyau dur "institutionnel" gravitent des agences de communication spécialisées – Mostra, Tipik, ESN, Scholz & Friends et d'autres – qui se disputent les appels d'offres lancés par les institutions européennes et réalisent la plupart des campagnes et autres initiatives de communication. Difficile de suivre toutes ces activités, même si, vu les budgets importants – 104,6 millions d'euros alloués à la DG Communication de la Commission pour 2012 – et le fait qu'elles visent directement les citoyens, ces derniers auraient tout intérêt à avoir une vision plus claire de ce qui se fait en matière de communication européenne.

Pas très 'Web 2.0'

Cette vision, de nombreux bloggers essayent de la construire jour après jour. C'est le cas de Michael Malherbe, auteur de Lacomeuropeenne.fr, ou de Mathew Lowry, qui écrit sur Blogactiv.eu. Ils déplorent, comme bien d'autres membres de la blogosphère européenne, le décalage des institutions européennes avec le web 2.0. Décalage qui saute aux yeux quand on lit les minutes d'une récente réunion de la Commission, au cours de laquelle le brûlant sujet ACTA était abordé: tous les participants semblaient d'accord avec l'analyse du commissaire Michel Barnier, selon qui "le rôle central des réseaux sociaux dans le débat public européen oblige la Commission à penser sérieusement à adapter certains des ses moyens de communication". A la bonne heure!

"L'Europe appartient à ceux qui sont capables de la communiquer”, estime Cristina Marconi, une journaliste italienne qui a longtemps travaillé comme correspondante à Bruxelles. Voilà peut-être le principal défi pour les institutions européennes.


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