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Les difficiles négociations de paie en Allemagne

mardi, 27 mars, 2012 - 11:02

Après une année 2011 exceptionnelle en Allemagne, les syndicats attendent de fortes hausses de salaires. Une partie du pays est touchée par des grèves. Alors que les grands patrons ont vu leur rémunération augmenter de 9% en 2011, une nouvelle étude chiffre à 8 millions le nombre de travailleurs allemands qui ont touché des bas salaires, soit moins de 9,15 euros de l’heure.

L’Allemagne au ralenti. En pleine période de négociations salariales, trois Länder allemands – Bade-Wurtemberg, Mecklenburg-Vorpommern et Schleswig-Holstein – sont touchés par des grèves du secteur public. Les services dans les transports, crèches et administrations seront largement perturbés cette semaine.

A commencer par les aéroports – dont le personnel au sol est employée par les communes. Ce mardi, des centaines de voils sont annulés: rien qu'à Francfort, le plus grand aéroport du pays, plus de 440 liaisons ne seront pas être assurées.

Alors que se tiendra le mercredi 28 mars un nouveau tour de négociation entre les partenaires sociaux, aucune issue n’a encore été trouvée: ce week-end, le ministre de l’intérieur conservateur Hans Peter Dietrich a proposé une revalorisation de 3,3% des salaires, une prime exceptionnelle et une amélioration des conditions des fameux "azubis", les jeunes apprentis allemands qui servent de main d’œuvre bon marché. Une offre jugée insuffisante par les organisations syndicales.

Rattraper dix ans d'austérité salariale

En effet, les syndicats Verdi et DBB du secteur public revendiquent une hausse de 6% des salaires en 2012. Une revendication semblable à celle exigée par le syndicat de la branche métallurgique, IG Mettal. Dans le secteur public, ce sont 2 millions de fonctionnaires qui sont concernés (au niveau fédéral et des communes), et dans la métallurgie, 3,4 millions de travailleurs.

Généralement réputés pour leur capacité à négocier, les grands syndicats allemands semblent aujourd’hui décidés à ne rien lâcher après une décennie d’efforts consentis. D’après eux, les salaires réels bruts n’ont augmenté que de 1,1% en 2011 et de 1,7% par an entre 2000 et 2011, soit deux fois moins que dans l’ensemble de la zone euro… D’où leur volonté de ne pas céder cette année. D'autant que les bons résultats économiques du pays le permettent.

L’an dernier, la croissance a atteint 3%, un chiffre deux fois supérieur à celui de la zone euro. Le taux de chômage a, dans le même temps, chuté à son plus bas niveau depuis la réunification (6,8 %) et le déficit public est passé en un an de 4,3% à 1% du produit intérieur brut (PIB).

Vers une grève générale ?

Dans le Bade-Wurtemberg, considéré comme le Land pilote pour les négociations salariales, le second tour des pourparlers est également resté dans une impasse dans la branche métallurgique. Le chef d’IG Metall pour le Sud-ouest, Jörg Hofmann s’est dit "prêt à se battre" pour obtenir les 6,5% de réévaluation et agite la menace d’une grève générale.

La gêne pour les citoyens doit rester limitée (…) c’est du 50-50 (%). Si [aucun accord n'est trouvé], les deux plus grandes branches allemandes seront en grève simultanément. Du jamais vu en Allemagne,

avertit le patron du syndicat Verdi, Frank Bsirske.

Une issue qui semble de plus en plus plausible, alors que les syndicats de patrons restent frileux:

Nous voulons trouver une solution rapide, mais pas à n’importe quel prix. C’est pourquoi nous nous préparons à de nouvelles grèves,

assure le responsable du patronat de la métallurgie, Bertram Brossardt.

Du côté gouvernement, on espère qu’un tel scénario sera évité.

Les partenaires sociaux sont soucieux de trouver un terrain d’entente. Une issue raisonnable est encore possible,

veut croire le ministre de l’Intérieur.

Les grands patrons allemands mieux payés que les français

La volonté des syndicats semble d’autant plus forte que, depuis plusieurs semaines, la polémique est repartie sur les écarts entre haut et bas salaires. Alors que les grands patrons du DAX (équivalent du CAC 40 français) ont vu leur rémunération augmenter de 9% en 2011, une nouvelle étude de l’université de Duisbourg-Essen chiffre à près de 8 millions le nombre de travailleurs allemands qui ont touché des bas salaires, soit moins de 9,15 euros de l’heure en 2010.

En août 2010, le même Institut avait établit que plus de 6,55 millions de personnes en Allemagne touchent moins de 10 euros brut de l'heure – soit 2,26 millions de plus en 10 ans. En majorité d'anciens chômeurs que le système Hartz a réussi à "activer": les moins de 25 ans, les étrangers et les femmes (69% du total).

Du côté des "super patrons", Volkswagen a récemment annoncé que son PDG allait voir son revenu doubler en 2011, en raison des bonus, et atteindre… 17 millions d’euros, tandis que son homologue de Daimler toucherait 9 millions d’euros.

En 2011, le salaire moyen du DAX atteindrait 6,1 millions d’euros. A titre de comparaison, il est de 4,1 millions d’euros pour les patrons du CAC 40.

Acheter la paix sociale

Les salariés du secteur automobile ont pour leur part reçu des primes records: 7.000 euros en moyenne. Un procédé mis en cause par les syndicats, pour qui les primes exceptionnelles servent à tempérer les ardeurs salariales et acheter la paix sociale. Le directeur des ressources humaines de Volkswagen, Horst Neumann a pour sa part appelé à un "juste équilibre entre l’augmentation du salaire de base, la compétitivité et la sécurité des emplois".

La hausse du pouvoir d’achat des Allemands est par ailleurs souhaitée par les partenaires européens. En effet, ceux-ci reprochent à l’Allemagne d’avoir glané ses excédents commerciaux sur le dos de ses voisins, en faisant pression à la baisse sur les salaires pour augmenter la compétitivité du pays.

Dans un rapport publié le 24 janvier, l'Organisation mondiale du travail (OIT) tire à boulet rouge sur les réformes libérales lancées par Gerhard Schröder en 2003:

L'amélioration de la compétitivité des exportateurs allemands est de plus en plus identifiée comme la cause structurelle des difficultés récentes dans la zone euro.

Les mini-jobs et autres contrats payés aux lance-pierres (comme les fameux "1-euro jobs") mis en place par Berlin sont tout particulièrement montrés du doigt par l’OIT.

Une hausse des salaires est également dans l’intérêt de l’Allemagne: alors que les exportations sont orientées à la baisse en 2012 – 60% des exportations allemandes sont à destination de la zone euro -, elle permettrait de doper la consommation des ménages et donc la croissance Outre-Rhin.




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