L'Allemagne met fin au dispositif de chômage partiel subventionné trois ans après sa mise en place. Une stratégie coûteuse, qui aurait permis de sauver 1,2 million d'emplois pendant la crise. Bilan d'un dispositif remis au goût du jour par Paris.
Premier pas vers le licenciement ou voie de secours en attendant le retour de la croissance ? Le chômage partiel n’a pas vraiment le même sens que l’on soit travailleur en France ou en Allemagne. Remis tout récemment au goût du jour par Paris avec la suppression de la demande préalable d'indemnisation, ce dispositif sert depuis longtemps de soupape de sécurité à la première économie européenne pour le plus grand bonheur des employeurs et de leurs salariés…
Depuis quelques jours, les sociétés hexagonales n’ont plus besoin de requérir auprès des préfets de demande d’indemnisation avant de mettre au chômage partiel une partie de leur personnel. En Allemagne au contraire, ce système de flexibilisation du marché du travail n’est plus vraiment à la mode. L’heure actuelle est, en effet, plutôt aux hausses de salaire qu’aux dégraissements massifs…
Taux de chômage au plus bas depuis la réunification
La bonne santé de l’économie rhénane explique cette différence majeure. L’an dernier, la croissance allemande a ainsi atteint 3%, un chiffre deux fois supérieur à celui de la zone euro. Son taux de chômage a dans le même temps chuté à son plus bas niveau depuis la réunification (6,8 %) grâce à une hausse de 1,3 % de l’emploi. Et, Berlin est parvenu à ramener son déficit public de 4,3% à 1% de son produit intérieur brut (PIB) entre 2010 et 2011.
La grande force de l’Allemagne est la capacité de son économie à s’adapter en permanence au monde qui l’entoure et qui évolue sans cesse,
résume Isabelle Bourgeois, maître de conférence à l’Université de Cergy-Pontoise.
Cher mais efficace
Un des symboles les plus forts de cette flexibilité est, sans aucun doute, le recours au chômage partiel. En 2009, Berlin n’a ainsi pas hésité à engloutir 6 milliards d'euros dans ce dispositif, une somme dix fois supérieure à celle investie par Paris. Au second trimestre de cette année-là, plus de 1,53 million d’Allemands "profitaient" de ces aides contre à peine 275.000 dans l’hexagone.
Cette stratégie, certes coûteuse, aurait permis de sauver 1,2 million d'emplois, si l’on en croît les calculs de l'Institut de recherche sur le travail (IAB). Chez notre voisin, le dispositif d’indemnisation, qui date des années 1950, comprend deux différences majeures avec le nôtre.
Le législateur a tout d’abord imposé des règles différentes en fonction du motif avancé pour justifier le chômage partiel. Les raisons invoquées par l’employeur peuvent ainsi être saisonnières, structurelles lorsque son activité est à la peine, ou conjoncturelles quand l’ensemble de l’économie est en berne.
Faire le dos rond
Et à la différence du système français dans lequel l’employeur fait l’avance de cette indemnisation qui lui est ensuite partiellement remboursée par l’État, le dispositif allemand traite l’allocation de chômage partiel comme une prestation sociale directement versée au salarié par l’assurance chômage.
Cette indemnisation s’élève à 60% du salaire net d’activité pour les salariés sans enfant et à 67% pour les salariés avec enfants et elle est distribuée pour une période maximale de 6 mois. Ce modèle n’est toutefois pas gravé dans le marbre.
En 2009, Berlin a ainsi permis que les allocations soient versées pour une durée exceptionnelle de 24 mois. Presque toutes les grands groupes cotés au Dax [le CAC 40 allemand] et des dizaines de milliers de PME ont profité de cette décision pour mettre une partie de leur personnel en repos forcé afin de passer la crise sans encombre.
Retour des embauches
Ces mises au chômage partiel massifs n’ont toutefois pas créé de rébellion syndicale, les représentants du personnel sachant que cette période était transitoire. Et elle l’a bien été… Dès que les beaux jours sont revenus sur l’économie allemande, les compagnies ont repris tous leurs salariés à temps plein et certaines recommencent même à embaucher.
En fait, pour être efficace, le chômage partiel doit être utilisé au plus fort de la crise et non pas après-coup comme c’est le cas actuellement en France. Il ne peut également fonctionner que dans un climat de relative confiance entre les employeurs et leurs salariés. Nous n’en sommes pas encore là en France…