Les devoirs à la maison au banc d’essai en Europe
Souvent critiqués, notamment en France, les devoirs à la maison pour les écoliers européens sont jugés utiles par une étude britannique. Ils seraient très bénéfiques pour les résultats scolaires. Tour d'Europe des pratiques en matière de travail à la maison.
Une étude publiée par le Teacher and Leadership Research Centre (TLRC), centre de recherche en éducation de l’université d’Oxford, reconnait le lien entre devoirs à la maison et réussite scolaire. Deux heures de travail à la maison le soir seraient bonnes pour les résultats scolaires des enfants. C’est en résumé le résultat de cette recherche menée sur 15 ans par Pam Sammons, professeur en Sciences de l'Education.
Les camps du pour et du contre le travail à la maison s’affrontent régulièrement chez les Britaniques et dans de nombreux autres pays d’Europe. S’appuyant sur de nombreuse études, certains pays ont choisi de légiférer alors que d’autres laissent aux enseignants ou aux chefs d’établissements le pouvoir de doser la quantité de travail du soir.
Royaume uni : Un débat loin d'être clos
Selon l’étude du TLRC, la journée type d’un élève au Royaume-Uni est de cinq ou six heures de cours et de deux heures d’activités extra-scolaires comme du sport ou des activités artistiques. Ses experts préconisent d’ajouter deux heures de travail le soir pour les élèves de 15 ans.
Début mars, le Secrétaire d'État à l'Enfance Michael Gove (conservateur) a mis au rebus les directives sur les devoirs à la maison qui avaient été istaurées par les Travaillistes en 1998. Leur suppression laisse maintenant aux chefs d’établissement le choix de la quantité quotidienne de travail exta-scolaire. L’étude universitaire permet ainsi aux directeurs de se faire une idée de la bonne marche à suivre.
Le débat est récurrent au Royaume-Uni. Les syndicats d’enseignants s’affrontent depuis plusieurs années sur le sujet. En 2009, cette revendication avait été placée au centre de l’action du 3ème syndicat dans l'Éducation nationale (Association of Teachers and Lecturers), après un vote lors de l’assemblée générale annuelle.
La nouvelle liberté des directeurs d’établissements devrait réveiller le débat en mettant en confrontation les différents résultats scientifiques parfois contradictoires sur le sujet.
France : un décret non appliqué
Il existe un décret datant de 1956 qui est censé interdire les devoirs à la maison pour les enfants en école primaire. Il n’est toutefois pas appliqué. Les journées de six à sept heures donnent lieu à des études surveillées pendant 4 heures par semaines pour aider au mieux les enfants n’ayant pas accès dans le cercle familial à une personne compétente. A ceci s’ajoute en moyenne, selon les établissements, 45 minutes à une heure de travail à domicile pour les écoliers de primaire et une heure quinze à deux heures pour les collégiens.
Depuis plusieurs années, des tests sont organisés dans certains établissement afin de réduire la dose d’enseignements et de rallonger l’année scolaire. Toutefois, le gouvernement n’a pas pris de décisions vis-à-vis de ces questions de quantité de travail personnel pour les élèves de primaire et collège.
Les FCPE a lancé le 27 mars dernier un appel "Ce soir, pas de devoirs!". Avec cette campagne, le syndicat de parents d’élèves demande de tester 15 jours sans leçon à la maison afin de peser le pour et le contre. En pleine campagne électorale, il tente de sensibiliser les candidats à l’Elysée à cette problématique et attendent des positions claires sur la question.
Belgique : un décret précis
Depuis le 1er septembre 2001, un décret limite la durée du travail à domicile pour les enfants. De 20 minutes par jour pour les 3èmes et les 4émes et jusqu’à 30 minutes pour les 5èmes et 6èmes. Les devoirs doivent par ailleurs pouvoir se faire sans l’aide du parent. Seuls les enfants de maternelle en sont dispensés.
L’école primaire et les collèges belges, dispensant des cours de 8h à 15h30, proposent dans certains cas des études du soir avec aides aux devoirs afin de s’adapter au mieux aux emplois du temps plus soutenus des parents. Les systèmes éducatifs sont identiques pour les élèves dans les 3 communautés puisqu’ils sont gérés au niveau national.
Espagne : le débat réactivé par la France
Les jeunes de primaires espagnoles ont 5 heures de cours par jours, sauf pour les petits Catalans qui ont une heure quotidienne de travail en plus. Au lycée, cette différence de temps de présence est accentuée puisque les lycéens catalans travaillent de 9h jusqu’à 17h alors que les homologues du reste du pays ont leurs après-midi libre. Le ministère estime qu’un élève doit travailler en moyenne 2 heures par jours.
Suite au débat français lancé par la FCPE, le principal syndicat de parents d’élèves CEAPA a soutenu l’initiative française "Ce soir, pas de devoirs!". Celui-ci dénonce les exercices nécessitants l’aide des parents et demande aux autorités de légiférer pour donner des exercices plus simples pour l’enfant.
Allemagne : loin de la suppression
Outre-Rhin, le système scolaire privilégie aussi des journées courtes et des temps d’activités hors école importants. Les élèves de la Grundschule (de 6 à 10 ans) commencent à 8h pour terminer à 13h. Pour les enfants qui ne peuvent pas rentrer chez eux, les écoles proposent des activités et des aides aux devoirs. Ceux–ci représentent 30 minutes à une heure selon le niveau. Passé 11 ans, c’est l’heure du Gymnasium (lycée). Les horaires ne changent pas mais la dose de travail augmente. Le soir l’élève doit étudier 2 heures minimum chez lui pour rester à niveau.
En Allemagne dans chaque Land, les pouvoirs publics et les établissements peuvent légiférer sur la quantité de travail à la maison. Depuis quelques années, la question d’un rallongement de la journée de cours est récurrente et plusieurs établissements ont déjà adopté des journées plus remplies.
Grèce et Chypre: les activités extra-scolaires privilégiées
En Grèce et à Chypre aucune législation n’a encore vu le jour sur cette question. La journée d’école commence à 8h pour se terminer à 14h. En fonction de la température des cours peuvent être donnés l’après-midi de 14h à 18h. S’approchant des deux heures quotidiennes, l’apprentissage des leçons et les exercices à la maison sont essentiels dans la formation qui ne dure que vingt heures par semaine. Toutefois l’allongement de la journée de cours est souvent discuté par les autorités. Clairement inspiré du modèle de l’école scandinave, la pratique des activités extra-scolaires est encouragée.
Danemark et Suède: la réduction de devoirs
En Europe du Nord, un élève de grade 0 à 5, soit de 6 à 11 ans, voit sa journée d’école se terminer à 14h. Il a ainsi beaucoup de temps pour se consacrer à des activités sportives ou artistiques ainsi qu'à ses devoirs. Privilégiant le travail en classe plutôt que seul à la maison, les enseignants ne donnent pas plus de 30 minutes de devoirs quotidien.
Du grade 5 à 10, la journée est plus soutenue puisque l’élève est occupé jusqu’à 17h avant d’aller travailler une heure chez lui. Toutefois, un temps pour les activités extra-scolaires est encore prévu en fin de journée créant ainsi une coupure entre le travail à l'école et à domicile.
Début février, l’adjointe au maire social-démocrate de Copenhague a proposé la suppression des devoirs à l’exception de l’histoire. Cette proposition fait échos à plusieurs expérimentations de classes sans travail le soir où les taux absentéisme et d’échec ont diminué.
Dans les pays européens où le débat est ouvert, la question des devoirs pose le problème des disparités entre les familles, l’aide des parents étant souvent source d’inégalités. Une réalité que la loi ne peut résoudre.