La compagnie nationale de chemins de fer allemande Deutsche Bahn s’inquiète d’une proposition de loi sur l’Holocauste qui semble pourtant concerner, avant tout, la SNCF.
Repéré sur Der Spiegel et la Deutsche Welle
La Deutsche Bahn se prépare à une bataille judiciaire qui n’aura probablement pas lieu. La compagnie ferroviaire allemande a engagé en fin d’année dernière les services d’une agence de relations publiques et d’un cabinet d’avocat pour traiter en son nom avec des élus américains.
Ces efforts de lobbying ont été déployés à la suite d'une proposition de loi présentée au Congrès le 17 mars 2011 sous le titre Holocaust Rail Justice Act. Le but de cette loi, qui n’a pas encore été adoptée, est de permettre aux victimes de la Shoah d’attaquer en justice dans les tribunaux américains les compagnies de chemin de fer européennes responsables de leur déportation vers des camps de concentration nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.
Une loi qui cible la SNCF
La seule compagnie nommée directement dans la proposition de loi est la SNCF, qui a déjà fait l’objet de plusieurs procès aux Etats-Unis. Ces derniers n’ont pas abouti car les tribunaux américains n’ont pas de juridiction sur la compagnie française, en vertu d’une loi américaine qui limite les procès contre les autres pays ou les entités publiques appartenant à des gouvernements étrangers.
La proposition de loi débattue au Congrès priverait la SNCF de cette protection. Harriet Tamen, une avocate new-yorkaise qui défend environ 600 survivants de l’Holocauste dans le procès contre la compagnie ferroviaire française, a assuré à la Deutsche Welle que
La loi, une fois adoptée, a peu de chances d’affecter d’autres compagnies de chemins de fer en Europe".
Une portée plus large
Morris Ratner, professeur de droit à San Francisco, estime, au contraire, que la législation pourrait s’étendre à d’autres compagnies européennes.
La loi n’est pas spécifique à un seul pays, donc elle ne se limite pas à la SNCF",
explique-t-il.
Contacté par la Deutsche Welle, il rappelle néanmoins que dans le cas de l’Allemagne, c’est la Fondation "Mémoire, responsabilité et avenir", créée en 2000 à l’issue d’un accord germano-américain, qui gère tous les procès relatifs à l'Holocauste à l’encontre d’entités allemandes.
Rien dans la proposition de loi n’indique explicitement ou de manière sous-entendue qu’elle pourrait avoir pour objectif d’abroger cet accord",
a-t-il assuré. Par conséquent, il est très peu probable que la Deutsche Bahn soit attaquée en justice devant un tribunal américain.
La Deutsche Bahn sur ses gardes
Mais la compagnie ferroviaire allemande ne veut prendre aucun risque. C'est pourquoi depuis quelques mois, l’agence new-yorkaise de relations publiques Strategy XXI Partners et le cabinet d’avocats White & Chase font du lobbying en son nom.
Contacté par la Deutsche Welle, un porte-parole de la Deutsche Bahn a confirmé le concours de ces deux agences. Il a ajouté :
Nous surveillons de près le processus législatif et les décisions prises au Congrès américain".
Harriet Tamen, l’avocate new-yorkaise en faveur de la législation, estime que ces craintes ne sont pas justifiées. "La Deutsche Bahn s’inquiète outre mesure. La loi ne les affectera pas du tout", a-t-elle affirmé.
La compagnie allemande peut donc se rassurer, au contraire de la SNCF qui a toutes les raisons de s’inquiéter.
Repéré sur le Spiegel: German National Railway Fears Flood of Lawsuits et la Deutsche Welle: Deutsche Bahn lobbies on US Holocaust law