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Après le départ de Bossi, la classe politique italienne joue sa survie

vendredi, 6 avril, 2012 - 17:46

Umberto Bossi tire sa révérence. Le chef de la Ligue du Nord, compagnon de route de Berlusconi, démissionne, pris, à son tour, la main dans le sac de détournements de fonds publics. Une victoire pour Mario Monti, nouveau Monsieur Loyal de la classe politique italienne. Mais les Italiens commencent déjà à se lasser d'être dirigés par des gestionnaires.

Impliqué dans un scandale de détournements de fonds publics alloués au titre de remboursements électoraux, Umberto Bossi a annoncé sa démission "irrévocable" du poste de secrétaire général de la Ligue du Nord. Le fondateur du parti crée en 1989 a immédiatement été nommé président par la direction du parti. Une fonction purement honorifique, créée ipso facto durant la réunion au cours de laquelle le vieux lion a jeté l’éponge.

Au-delà du choc psychologique ressenti par les militants d’un parti qui s’est toujours présenté comme le champion de la lutte anticorruption, le départ forcé de celui qui fut l’allié clef de Silvio Berlusconi pendant plus de dix ans marque une nouvelle étape dans la recomposition du paysage politique du pays. Il intervient après la mise en retraite gouvernementale anticipée du Cavaliere en novembre dernier et le scandale financier qui a frappé de plein fouet "La Margherita", l’ancien parti de centre-gauche reconverti au centrisme.

Nouvel aggiornamento politique

"C’est la chute des idoles" écrit Ezio Mauro, directeur de la rédaction du quotidien romain La Repubblica. Le mot est juste. Avec la disparition des hommes politiques qui ont gouverné le pays pendant quasiment vingt ans, c’est une page qui se tourne.

La direction opérationnelle de la Ligue du Nord a été confiée à un triumvirat composé de l’ancien ministre de l’Intérieur Roberto Maroni, celui de la Simplification des lois Roberto Calderoli et une responsable locale, Manuela Dal Lago. Apprécié du centre-gauche qui lui reconnait des qualités politiques, Roberto Maroni devrait normalement obtenir les commandes du parti à l’occasion du congrès national qui se tiendra à l’automne.

En cas de victoire à l’élection de secrétaire général, l’ancien ministre de l’Intérieur va devoir reprendre les rennes d’un parti en pleine déprime depuis la chute du gouvernement Berlusconi.

La Ligue hors jeu

La Ligue va devoir mener une bataille pour sa survie qui concerne d’ailleurs tout le monde"

estime Ezio Mauro. C’est d’autant plus vrai qu’avec l’arrivée au pouvoir de Mario Monti pour sauver le pays de la faillite, les partis politiques ont été contraints de se boucher le nez pour le soutenir. A commencer par le Parti démocrate qui a maintenant du mal à expliquer à ses électeurs de gauche qu'il soutient une politique mettant en place les objectifs que s’était fixé Silvio Berlusconi dans son projet de révolution libérale.

La Ligue du Nord, en revanche, a préféré passer à l’opposition pour éviter de se brouiller ultérieurement avec un électorat qui ne comprenait déjà pas pourquoi ses dirigeants avaient soutenu le Cavaliere malgré ses scandales. Du coup, le parti s’est retrouvé hors jeu. Après avoir divorcé avec Silvio Berlusconi qui officiellement appuie l’ancien commissaire européen, les ligueurs ont décidé de se replier sur leurs bases pour reprendre langue avec leurs électeurs en vue des municipales du mois de mai.

La nouvelle direction va devoir affronter une autre question importante: éviter les guerres intestines qui se profilent à l’horizon après l’éclatement du scandale financier et la démission d’Umberto Bossi. Avec le risque de faire exploser le parti.

Fin de l'état de grâce pour Monti

Dans ce contexte, la crise de la Ligue du Nord risque d’envenimer ultérieurement un gouvernement fragilisé par les conflits sociaux qui se préparent, la lune de miel de bon nombre d'Italiens avec Mario Monti étant terminée. C’est le cas non seulement des classes moyennes mais aussi des industriels qui contestent la réforme du marché du travail mise en place par l’exécutif et les nouvelles règles concernant la réintégration en cas de licenciements. Jeudi après-midi, un sénateur expliquait officieusement que certains évoquaient des législatives anticipées d’ici fin octobre. Un projet qui a peu de chances d’aboutir à moins de graves conflits sociaux.

Reste que pour les Italiens, l’affaire de la Ligue du Nord a, encore une fois, mis le doigt dans la plaie béante de la corruption au sein de la classe politique. Selon la presse italienne, 80 élus ont été condamnés ou ont des affaires en cours avec la Justice. Et du côté des Italiens, on souhaite le renouvellement de la classe politique au plus vite.

Avec Mario Monti qui n’a pas été élu, nous avons actuellement un déficit de démocratie. Mais la classe politique actuelle est gangrenée jusqu’à l’os. Alors que faire ?"

s’interroge Daniela Accardi. Cette femme quinquagénaire dirige une petite entreprise spécialisée dans le cachemire. Elle a toujours voté à gauche et ne veut pas d’une Italie politiquement asexuée. Et elle n’est pas la seule.  


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