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Jean-Luc Mélenchon, pour une Europe à Fronts renversés

dimanche, 15 avril, 2012 - 15:29

Le candidat du Front de Gauche a pris exemple sur son camarade Oskar Lafontaine, lui aussi en rupture de ban de la gauche allemande. Mais l'eurodéputé Mélenchon n'a que mépris pour l'Europe de Bruxelles et se fait fort de remporter la "bataille d’opinion européenne" pour contrecarrer l’ultralibéralisme et le monétarisme dominant.

Le président du Parti de Gauche a, au moins, un tropisme européen: celui de la gauche allemande. Il s'est inspiré de sa réorganisation en 2007: dans une tribune publiée à l'issue du Congrès de fondation du parti Die Linke, Mélenchon décrit les "leçons d'une refondation", qualifiant le processus de "source d'inspiration pour nous, situés à la gauche du Parti socialiste".

Quelques mois plus tard, il suivait l'exemple en créant le Parti de Gauche en rupture avec le PS, comme son camarade Oskar Lafontaine qui avait rompu les ponts avec SPD pour créer Die Linke.

Euroscepticisme de rigueur

Sur le blog consacré à ses activités parlementaires à Strasbourg, l'eurodéputé Mélenchon, qui figure parmi les moins présents au Parlement, est, par ailleurs, très critique, si ce n'est franchement cynique, quant au fonctionnement des institutions et l'impact de son travail:

Au Parlement européen, les déclarations écrites font partie du décor. En séance plénière, assistant(e)s et lobbyistes se relaient pour frapper aux portes des bureaux des député(e)s où d'autres assistant(e)s essaient désespérément de travailler en paix. Impossible d'entrer dans l'hémicycle sans qu'un pauvre bougre vous agresse, la plupart du temps en anglais, pour vous demander de bien vouloir signer la déclaration numéro truc qui finira, comme 99% d'entre elles, au fond d'une poubelle.

Mélenchon compte "s’affranchir du traité de Lisbonne" et abroger le "Pacte pour l'Euro+" qui fixe aux Etats des objectifs d’équilibre budgétaire, de même que le mécanisme censé coordonner les politiques budgétaires des 27 Etats-membres.

Pour mettre fin à la crise de l'euro et relancer la croissance sur le continent, le candidat du Front de Gauche veut mettre en place un "Fonds européen de développement social, écologique et solidaire", chargé de répartir les financements à taux d’intérêt très bas ou nuls entre les pays membres de l’euro en fonction de leurs besoins, à la place du Fonds de stabilité financière mis en place en 2010.

La BCE sous contrôle

Vaste programme. Mais comment imposer ses mesures aux autres pays de l'Union européenne? Jean-Luc Mélenchon, qui se défend de vouloir quitter la zone euro, assure qu'il refusera "d’appliquer des directives contradictoires à (ses) engagements. Et ce, "conformément au mandat qui nous aura été donné par le peuple français pour mettre en place une politique de gauche dans notre pays".

Un pied dans l'UE, un pied dehors. Une position en réalité intenable. Un pays ne pouvant pas rester dans l'UE en pratiquant une politique de refus d'une partie des décisions communes. Le leader du Front de Gauche balaye la contradiction:

Notre désobéissance fera tache d’huile dans l’Union et dans la zone euro.

En clair, sûr de son indéniable charisme et du soutien de la gauche de la gauche européenne, il se fait fort d'imposer ses solutions aux partenaires européens de la France!

La Banque Centrale Européenne (BCE) n'échappera pas à cet élan réformateur et sera mise sous contrôle démocratique pour pouvoir prêter à taux faibles, voire nuls, directement aux Etats. Ses missions seront redéfinies en vue de promouvoir l’emploi, la formation et les services publics avec comme objectif de répondre aux besoins humains et ceux de la planète.

Régulariser les travailleurs sans-papiers

Enfin, pour stopper la crise de la dette, Jean-Luc Mélenchon demande un réaménagement négocié des dettes publiques, l’échelonnement des remboursements, la baisse des taux d’intérêts et leur annulation partielle. Il milite également pour mettre en place un moratoire et des audits, le tout sous contrôle citoyen.

Par ailleurs, Le candidat du Front de Gauche reprend des mesures déjà testées ailleurs:

  • Droit de vote pour les étrangers aux élections locales.

Dans ce domaine, les Irlandais font figure de pionniers en Europe: en 1963, avec le "Local Elections Act", ils accordent le droit de vote aux étrangers aux scrutins locaux. Onze ans après le "Local Election Act", l’Irlande faisait un pas de plus en 1974, et rendait cette fois accessible l’éligibilité à tous ses résidents quelle que soit leur nationalité.

  • Régularisation de tous les travailleurs sans-papiers.

En 2009, la Belgique a lancé une opération massive de régularisation de sans-papiers, en intégrant le travail comme l'un des critères décisifs pour accéder à un visa. Mais le président de la Ligue des Droit de l’Homme, Alexis Deswaef, dénonce un bilan médiocre: "Deux ans et demi après le début de la campagne, certaines personnes qui avaient fait une demande de régularisation par le travail n’ont toujours pas eu de réponse. […] Au bout du compte, il n’y a eu que quelques centaines de personnes régularisées sur la base d’un contrat de travail".

Une ambition qui ne s'arrête pas aux frontières

Sur le fond, Jean-Luc Mélenchon estime pouvoir faire front face à une Europe conservatrice et libérale et ainsi

briser le bloc libéral au sein de l’UE et pousser à la négociation d’un nouveau traité. Il faut sortir du pessimisme et de la soumission à la technocratie européenne. La France, en tant que pays fondateur de l’Union européenne, a les capacités de la transformer si elle conjugue action souveraine et bataille d’opinion européenne. Loin d’être isolés, nous en sortirons renforcés dans une Europe actuellement dominée par l’ultralibéralisme et le monétarisme promus de longue date par les gouvernements britannique et allemand.

Il faut reconnaitre au moins un mérite au tribun du Front de Gauche: il ne manque pas d'ambition et elle ne s'arrête pas aux frontières.




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