Comme Nicolas Sarkozy en son temps, Mariano Rajoy va nommer le president de l'audiovisuel public. La privatisation des chaînes régionales est également au programme. Entre indignations et interrogations, les critiques fusent.
Depuis juillet 2011, la nomination du président de la RTVE (la radio-télévision publique) était impossible faute d’accord entre le Parti socialiste et le Parti populaire. Pour palier ce blocage, le gouvernement de Mariano Rajoy a annoncé vendredi 20 avril, un nouveau système de nomination. Un accord de la majorité des deux-tiers au parlement était nécessaire. Désormais, une simple majorité sera suffisante. La nouvelle loi permet ainsi au gouvernement de décider seul qui sera le patron de l'audiovisuel public.
"C'est un retour en arrière complet. La radio-télévision espagnole va devenir un instrument de propagande", a affirmé à l'AFP le secrétaire général du syndicat UGT de la RTVE. La nomination par l’exécutif hérité du franquisme n'avait été supprimée qu'en 2006 sous le gouvernement socialiste de Jose Luis Zapatero.
Réduction de 40% des programmes
Le Conseil d'Etat des médias audiovisuels, l'équivalent du CSA français, voit, lui aussi, dans cette solution pour dénouer le blocage politique une réforme "qui pourrait porter atteinte à son indépendance", et faire "revenir à un modèle d'une RTVE gouvernementale". Le Parti socialiste ouvrier espagnol, premier parti d'oppostion, envisage, pour sa part, de faire appel auprès la cour constitutionnelle.
Au même moment, Mariano Rajoy a annoncé une réduction de 200 millions d’euros du budget, qui se traduira par une baisse de 40% des programmes, dont certains phares, du service public. Pour se justifier face aux vives critiques, il a demandé aujourd'hui aux Espagnols un effort supplémentaire, expliquant qu'
Il n'y a plus d'argent pour faire fonctionner les services publics".
Il a continué en déclarant ne pas s’interdire l’étude d’une modification de statut de la RTVE.
Parallèlement, le conseil des ministres a donné l’autorisation aux communautés autonomes espagnoles de privatiser les télévisions locales publiques. Avec un budget de 1,4 milliards d’euro en 2012, dont 75% de fonds publics, les 13 groupes publics de télévisions locales qui diffusent 20 chaines pourraient voir leurs statuts changer rapidement.
Surrendettement des chaînes régionales
En Catalogne, par exemple, le gouvernement régional a d’ores et déjà annonce le maintien du statut public mais réduira ses frais de 33 millions d'euros en 2012. Pour ce faire le groupe supprimera de 2 des 6 canaux en catalan, réduira la diffusion du sacro-saint football et diminuera les salaires de ses salariés.
La communauté de Valence penche, elle, vers une semi-privatisation, afin de garder le pouvoir sur Canal 9 tout en épongeant la dette de 1,2 milliard d’euro. Pour 2012, le budget avait déjà été revu à la baisse de 25% (soit 26 millions d'euros en moins).
Certaines communautés, telles que l'Andalousie, ont exprimé leur soutien à la télévision publique en s’opposant à la privatisation. Mais cet avis n’est pas généralisé. La Castille, quant à elle, veut privatiser ses chaines. Reste qu'en ces temps de crise, les gouvernements régionaux n'ont pas d'autres choix que de diminuer drastiquement les budgets. Et cela au risque d'appauvrir l'offre.
La télévision publique locale pourrait ainsi décliner progressivement au gré des alternances politiques. Ces chaînes perdraient ainsi leurs fonctions initiales de cohésion régionale (soutien à la culture locale, au plurilinguisme…) et seraient, à terme, remplacées par des chaines privées ne produisant que très peu de programmes originaux.
Voir ici le graphique interactif sur les budgets des groupes de télévision regionaux par lainformacion.com