Danser pour sauver la planète, c’est désormais possible à Berlin. Des militants ont en effet lancé une initiative originale pour rendre les boites de nuit plus écologiques : le clubmob. Ils proposent de ramener un maximum de monde à une soirée donnée en échange de la promesse de réinvestir les gains dans des équipements moins gourmands en énergie.
La musique électronique qui fait vibrer les tympans et se déhancher toute une nuit durant… Le tout accompagné d’une bière bien fraiche sous des projecteurs éblouissants. Voici une soirée typiquement berlinoise dans un des nombreux clubs de la capitale allemande. Cependant, faire la fête en boite de nuit est loin d’être écologique.
Un club allemand émet en moyenne 90 tonnes de C02 par an. Et sa consommation d’électricité peut varier entre 50.000 et 180.000 kilowatts-heure par an. A titre de comparaison, un foyer de quatre personnes ne consomme "que" 4.300 kWh environ.
Dans une boite de nuit il y a beaucoup de frigos et des installations de son et de lumière très gourmandes en énergie. De plus la plupart des clubs berlinois sont dans des bâtiments très anciens et mal isolés. Leurs coûts de chauffages sont donc très élevés,
explique Christina, membre de l’association environnementale BUND.
"Allez vous amuser. Et pensez à l'environnement"
Certes, les Allemands sont déjà très portés sur la protection de l’environnement.
Beaucoup de gens achètent des aliments bios, ou choisissent un fournisseur d’électricité issu des énergies renouvelables. Mais dans le domaine des clubs il ne s’est pas encore passé grand-chose dans cette direction,
continue Christina.
Alors, que faire pour garder sa bonne conscience écologique ? Arrêter de sortir en club et se contenter de soirées à écouter de la guitare acoustique ? "Surtout pas !", disent les membres de la BUND.
Nous ne voulons pas pointer un doigt moralisateur sur les gens et leur dire de ne plus aller faire la fête. Au contraire. Nous leurs disons: 'allez vous amuser, et profitez-en pour penser à l’environnement',
assure Christina.
C’est justement pour allier les deux qu’elle et les membres de son association ont créé le clubmob.
La carotte plutôt que le boycott
Ils se sont inspirés du principe des "Carrotmobs". Ce mot anglophone signifie littéralement "foule de la carotte". Étrange… En fait le "Carrotmob" est une forme de militantisme née aux États-Unis en 2008. Brent Shulkin, 27 ans et ancien employé de Google, est parti d’un constat simple : pour forcer un commerçant à agir pour l’environnement, le bâton du boycott ne marche jamais. Il a donc décidé de tester la carotte de l’argent.
Le processus est assez simple. Les membres de la BUND démarchent les différents clubs en leur proposant de leur ramener un maximum de monde pour une soirée donnée. Mais cette proposition alléchante est évidemment soumise à conditions. En échange, le club doit promettre de réinvestir une partie des gains de la soirée dans des améliorations écologiques, comme de nouveaux frigos moins gourmands en énergie, ou une meilleure isolation.
"Chaque club qui veut participer doit faire une offre. L’un peut dire qu’il va réinvestir 80%, l’autre 90%. Celui qui propose le plus l’emporte", explique Christina.
Un marché très intéressant pour les clubs
La dernière édition a eu lieu samedi dernier au MIKZ. Le patron, Tobias, a promis de réinvestir 100% des revenus du bar de cette soirée. Et il est plutôt content du marché convenu. Il faut dire que cela présente beaucoup d’avantages pour son entreprise.
On obtient une bonne publicité. Et surtout la BUND nous offre un conseil en énergie. Ils calculent notre consommation d’eau, d’électricité, et identifient les points faibles. Cela aide à planifier, à savoir dans quelle direction faire les investissements.
Les clubbeurs semblent eux aussi ravis de pouvoir faire la fête en ayant bonne conscience. La plupart ont entendu parler de l’évènement grâce aux réseaux sociaux ou par des amis. "Cela m’a intéressée de voir comment on pouvait rendre les clubs plus économes en énergie. C’est un thème auquel je n’avais jamais pensé auparavant ! Il s’agit avant tout de s’amuser ici. Alors que, pourtant, ils consomment énormément et il est vraiment nécessaire de faire quelque-chose", affirme Karin, habituée des dancefloors de la capitale.
Le bilan de la soirée n’est cependant pas le grand succès espéré par les militants. La fréquentation du MIKZ n’a pas été plus forte que d’habitude, et les revenus du bar ne devraient pas dépasser les 1.000 euros.
Poser les bases
La première édition du clubmob, qui avait eu lieu au SO36 en décembre dernier, les avaient rendu plus optimistes. La soirée dans ce petit club de Kreuzberg avait permis de rassembler plus de 2.100 euros. La boîte de nuit s’est donc équipée d’ampoules à économies d’énergie et de nouveaux frigos. Elle a également changé de fournisseur d’électricité pour passer aux énergies renouvelables. Le tout devrait lui permettre d’économiser 7.000 kWh par an. Le SO36 émettra ainsi 52 tonnes de CO2 de moins chaque année, selon les estimations de la BUND.
Un succès, mais pas une révolution non plus. Cela ne fait pas pour autant du SO36 un club entièrement écologique. "Mais ce n’est pas notre but non plus, précise Christina. Nous disons toujours aux boites qu’un Clubmob ne suffira pas pour les rendre complètement verts. Nous sommes là uniquement pour poser les bases et les aider à financer les premières mesures".
Label vert pour les clubs
Il ne reste donc plus qu’à espérer que les clubs continuent ensuite le travail par eux-mêmes. Mais Christina est plutôt optimiste:
Grâce à notre action, les clubs se rendent comptent qu’ils peuvent économiser beaucoup d’argent juste avec quelques appareils moins gourmands en énergie.
Il est vrai qu’il est toujours plus facile de devenir écolo quand cela nous fait gagner de l’argent au bout du compte. L’association compte organiser trois à quatre soirées clubmob par an. Une goutte d’eau dans l’océan des 5.500 clubs d’Allemagne. Mais les idées ne manquent pas pour continuer le mouvement. Les militants mentionnent notamment la création d’un label pour les boîtes qui s’efforcent de devenir plus vertes. Peut-être pourra-t-on donc un jour choisir où aller danser comme on choisit d’acheter des produits bios.