Femme et immigrée. Dans un pays comme les Pays-Bas, où l'accès des femmes à l'emploi et à la création d'entreprise est déjà très bas et semé d'embuches, on devine sans peine que la double étiquette ne facilite pas les choses.
Si le taux de chômage officiel des Pays-Bas se stabilisait à 5,9 % en mars 2012, celui des femmes immigrées atteignait 12 %, soit plus du double de la moyenne nationale. C'est ce qu'a bien compris Florangel Maritza Russel, actuelle directrice de la Fondation , “Femmes d'affaires ethniques des Pays-Bas”. Cette pétillante quinquagénaire sait de quoi elle parle : nommée "Femme d'affaires noire de l'année", en 1998, elle fonde l'année suivante l'association "Femmes d'affaires noires des Pays-Bas" qui deviendra en 2009 la fondation “Femmes d'affaires ethniques des Pays-Bas” (EVZN). Une fondation forte à présent de plus de 5.000 membres.
Et en 2010, elle remporte le prix "Triomphe", qui récompense les personnes "ayant contribué de façon exceptionnelle à l'empowerment des femmes de couleur, migrantes ou demandeuses d'asile".
Mais Florangel Maritza Russel n'est pas active que dans le champ du volontariat. C'est aussi une femme d'affaires avisée : elle est la fondatrice et la propriétaire des éditions et imprimeries Marrein, l'entreprise qui publie le magazine "Expressions". Un support destiné aux personnes de couleur et qui leur rappelle chaque mois qu'elles aussi peuvent être belles, heureuses et contribuer à la vie active des Pays-Bas.
Outre ses activités professionnelles, Maritza Russel est une infatigable lobbyiste auprès des institutions européennes afin d'obtenir la reconnaissance de la contribution des gens de couleur à la société civile européenne.
La fondation ne se contente pas de publier et d'exercer un lobbying intense auprès des autorités. Elle développe également des projets concrets appliqués à la réalité de la vie économique : création d'entreprise, accès au marché du travail, réussite d'études supérieures.
La création d'entreprise par des femmes de couleur
Pour sortir de l'ornière du chômage, la fondation propose d'accompagner la création d'entreprise aux femmes bénéficiant d'une aide sociale. Elles doivent s'adresser au bureau de réintégration sociale de leur lieu de domicile afin de définir elles-mêmes leur parcours d'entrepreneur.
Ensuite, la fondation les aide dans l'élaboration du business plan. Elle les guide dans le labyrinthe administratif, leur propose des ateliers pour affiner leurs compétences en gestion, vente, marketing, etc. Enfin, l'EVZN peut co-financer une partie de la société. Et, après le démarrage, la nouvelle dirigeante peut encore bénéficier d'un suivi en gestion.
Un modèle pour stimuler le talent
Alors que de nombreuses firmes néerlandaises peinent à trouver de jeunes talents, les jeunes d'origine marocaine ou surinamienne (ancienne colonie néerlandaise, à présent intégrée au Royaume des Pays-Bas) connaissent un taux de chômage près de deux fois supérieur à la moyenne nationale. Contrairement à toute attente, la seconde génération vit moins bien que la première.
Pourtant, ils sont de plus en plus nombreux à entreprendre des études supérieures : environ 12 % des étudiants universitaires des Pays-Bas sont des jeunes d'origine immigrée. Mais ils peinent toujours à trouver un emploi, même en-dessous de leurs qualifications.
Le projet "un modèle stimule le talent" propose un coaching à ces jeunes en dernière année d'études ou fraîchement diplômés, âgés de 20 à 35 ans.
L'idée est simple : mettre ces jeunes en contact avec le marché du travail. Comment ? Un membre du réseau de la fondation met son réseau, son expérience et son temps à disposition du jeune. Il le coache pour définir son projet, prendre ses contacts, préparer ses entretiens d'embauche et le conseille dans ses premiers pas au sein de l'entreprise.
Les employeurs qui reçoivent des candidats d'origine immigrée présentés par une figure connue du monde des affaires sont plus sensibles à leur talent qu'à l'apparence extérieure ou à l'origine. Tout le monde est gagnant !
Deux prix pour les "managers ethniques"
Enfin, afin de stimuler le rôle des femmes de couleur dans le monde de l'entreprise, la fondation remet chaque année deux prix très convoités : ceux de Femmes d'affaires ethnique et Manager etnique féminin de l'année.
En 2011, c'est une pharmacienne de Zoetmer, Madame Sherida Sumter, qui a été élue Femme d'affaires ethnique de l'année. En moins de 7 ans, cette jeune femme énergique a non seulement créé une pharmacie, mais elle a surtout mis sur pied un réseau de santé incluant un centre de bien-être, plusieurs pharmacies et médecins, qui, ensemble, contribuent à l'amélioration de la distribution des soins dans la région.
La Manager ethnique de l'année est Madame Shaktie Rambaran Mishreis, directrice de la division Performance et Technologie de KPMG, multinationale de l'audi et du conseil fiscal. Elle a été récompensée pour son travail en matière de gestion du changement, son leadership multiculturel tant aux Pays-Bas qu'en France, aux Etats-Unis, au Surinam et à Curaçao. En outre, elle conseille le gouvernement néerlandais en matière d'immigration et dirige plusieurs projets bénévoles aux Pays-Bas…
Tous ces projets visant à l'intégration des femmes de couleur naviguent à rebours de la politique d'un Geert Wilders. Une politique qui vient de montrer ses limites avec la chute lamentable du gouvernement Mark Rutte…