Les 19 éditions de Vogue dans le monde se sont engagées à ne pas employer des mannequins anorexiques. Initiative sincère ou coup de pub du magazine de mode? Myeurop fait le point sur l’évolution de l'image de la femme dans les médias européens.
Un "pacte de santé" : c’est le titre prometteur de la déclaration signée par toutes les éditions de Vogue pour promouvoir une approche plus saine de l’image du corps des femmes dans l’industrie de la mode.
Pour faire face à une réputation ternie par les décès successifs de mannequins anorexiques, l’industrie de la mode veut redorer son blason et rassurer ceux qui l’accusent de promouvoir des standards de beauté malsains.
Dans ses éditions de juin, Vogue publiera ce "pacte" en six points, par lequel il s'engage, notamment, à ne pas collaborer avec des mannequins soupçonnés de souffrir de troubles du comportement alimentaire et à s’assurer que celles avec lesquelles il travaille, bénéficient d'un soutien médical.
Des mesures insuffisantes
Véritable pas en avant pour une représentation plus réaliste des femmes dans la presse magazine ou simple coup médiatique d’un géant de la mode sur papier glacé? Alexandra Shulman, la rédactrice en chef du Vogue britannique, assure dans son édito qu’il s’agit d’une étape décisive:
en tant que l’une des voix de référence dans l’industrie de la mode, Vogue a une opportunité unique de se prononcer sur les questions qui nous concernent et sur lesquelles nous pensons pouvoir faire changer les choses".
Mais selon Johanna Luyssen, rédactrice en cheffe-adjointe du magazine Causette, cet engagement ne changera probablement pas grand-chose.
Les personnes les plus importantes dans ces magazines sont les annonceurs, et tant que pour des raisons de marketing ils décideront qu’une femme normale est une femme maigre, ce genre de coup de com’ n’aura pas de réel impact".
Pour elle, les engagements du pacte serviront uniquement à mettre des femmes "juste très minces, pas décharnées" sur les couvertures, mais ne suffiront pas à faire durablement changer l’image des femmes dans les médias, car "les magazines de mode continuent à nier la réalité et la diversité des femmes".
Diktat de la minceur
Ce n’est pas la première fois que Vogue fait campagne sur les représentations malsaines du corps et la promotion de la maigreur. En 2009, Alexandra Shulman avait accusé les couturiers d’envoyer des vêtements de plus en plus petits aux magazines pour les séances de photo, ce qui les "oblige" à employer des mannequins très maigres.
La mannequin française Isabelle Caro, décédée en 2010, avait posé pour une campagne choc contre l'anorexie en Italie. AGF s.r.l./Rex Featur/REX/SIPA
En mars 2011, la version italienne du magazine de mode lançait aussi une campagne contre les sites "pro-ana" – sortes de forums qui exaltent la maigreur et donnent des conseils et des encouragements pour atteindre ou maintenir un poids souvent beaucoup trop faible.
Photos de côtes protubérantes, techniques pour s’affamer, messages de désespoir pour un kilo supplémentaire sur la balance: ces sites offres des exemples effrayants de l’impact dévastateur de l’obsession de la maigreur.
Les fausses rondes
D’autres magazines se sont également attaqués à l’image irréaliste et malsaine des corps de femmes dans les médias. En Allemagne, le magazine Brigitte a lancé en 2010 "l’initiative pas de mannequins" et emploie désormais des femmes "normales" choisies parmi ses lectrices pour les séances photos.
En France, seul le magazine Causette redéfinit vraiment le paysage de la presse féminine en proposant des couvertures décalées et des sujets de fond qui changent des bimbos "photoshopées" et des sempiternels régimes miracles.
Le magazine Elle a créé la controverse en publiant a plusieurs reprises des éditions spéciales "femmes rondes". Si l’initiative a été saluée par certains, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer la définition de la rondeur dans la quasi-totalité de la presse féminine – à savoir tout ce qui dépasse une taille 36.
Une définition d’autant plus trompeuse et peu représentative qu’une enquête de l’Institut français de l’habillement et du textile révélait en 2006 que moins d’une femme française sur cinq fait une taille inférieure au 40.