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Hollande-Merkel: un difficile mariage de raison d’Etat

lundi, 7 mai, 2012 - 12:35

Le couple franco-allemand ressemble à ces vieux ménages qui ne cessent de chamailler avant de se rabibocher. Ca commence plutôt mal entre Hollande et Merkel. La Chancelière refuse toute croissance par les déficits. Mais s'il faut s'attendre à un changement sur la forme, sur le fond, la Chancelière Merkel et le Président Hollande devraient finir pas s'entendre. 

Mauvais départ. Au lendemain de l'élection de François Hollande, Angela Merkel, met déjà les points sur les "i". Il n'est pas question pour Berlin d'accepter en Europe des politiques de relance. La Chancelière ne veut pas entendre parler d' "une croissance par des déficits". Seule "une croissance par des réformes structurelles" ayant grâce à ses yeux.

"Il n'est [donc] pas possible de renégocier le pacte budgétaire", qui a déjà été "signé par vingt-cinq des vingt-sept Etats membres de l'Union européenne" explique le porte-parole d'Angela Merkel.

Une apparente fin de non recevoir pour François Hollande qui a, dès son allocution de victoire, marqué sa volonté de "donner à la construction européenne une dimension de croissance, d'emploi, de prospérité, d'avenir" et d'expliquer à Berlin et à ses autres partenaires que "l'austérité pouvait ne plus être une fatalité".

Faut-il déjà en conclure que le nouveau couple franco-allemand bat de l'aile? C'est bien trop tôt. Lors des changements de locataire à l'Elysée, les relations sont, le plus souvent, très agitées au départ, puis les choses s'arrangent, au moins pas nécessité.

Une entente "sacro-sainte" 

Le contentieux est cependant lourd. Angela Merkel n’a pas ménagé sa peine pour soutenir Nicolas Sarkozy durant sa campagne électorale. François Hollande a, quant à lui, souvent répété qu’il préférait les plans de relance à l’austérité allemande. Mais maintenant que le leader socialiste a été propulsé à l’Elysée, la "sacro-sainte" entente franco-allemande devrait prendre le relais. Dans son tout premier discours hier soir, le nouveau président s’est ainsi félicité de "l’amitié qui unit" son pays à la République fédérale.

Quelques minutes plus tôt, la Chancelière l’avait appelé au téléphone pour le "féliciter de sa victoire" et l’inviter à se rendre dès son investiture à Berlin. Au même moment, le ministre des affaires étrangères, Guido Westerwelle, saluait lors d’une réception à l'ambassade de France cette élection "historique" qui allait permettre aux deux voisins "d’approfondir encore" leur coopération. Une fois de plus, les deux poids lourds de l’Union européenne semblaient donc prêts à travailler main dans la main.

Mariage de raison

A chaque élection nationale, la crainte est toujours la même… Le nouveau duo parviendra t-il, cette fois encore, à réussir son pas de deux? La relation franco-allemande est singulière. Personnalisée à l’extrême, elle ressemble à ces mariages de raison qui unissent deux personnes à l’histoire et au caractère bien différent. Sur le papier, l’austère Angela Merkel n’avait aucune raison de claquer la bise au bouillant Nicolas Sarkozy et l’allié des communistes, François Mitterrand, n’aurait jamais du s’entendre avec le conservateur Helmut Kohl. Et pourtant…

Pour sauvegarder leur "union sacrée", Paris et Berlin semblent toujours prêts à bien des compromis. Mais dans ces temps de crise, François Hollande acceptera t-il de travailler main dans la main avec la Chancelière fédérale ? La "cigale" socialiste pourra-t-elle collaborer avec la "fourmi" démocrate-chrétienne (CDU) qui a subi ce weekend un nouveau revers électoral lors du scrutin régional dans le Schleswig-Holstein? Les premières semaines d’union pourraient s’avérer compliquées. Mais ne le sont-elles pas toujours?

Car si Nicolas Sarkozy aime aujourd’hui clamer à la télévision son "amitié" et son "admiration" pour Angela Merkel, leur relation a été pour le moins tendue après l’arrivée du patron de l’UMP à l’Elysée.

"Ce tandem a très mal fonctionné au début", confirme Henrik Uterwedde, le directeur adjoint de l'Institut Franco-Allemand de Ludwigsburg.

On a eu l’impression que votre ex-président voulait toujours tirer la couverture à lui. Ses effets de manche n’ont pas non plus amusé la presse allemande qui s’est montrée très virulente à son égard en le comparant à un petit Napoléon".

Toujours pressé, Nicolas Sarkozy a tenté, au départ, de suivre son agenda politique sans se soucier de son principal partenaire européen.
"Il a commencé par sous-estimer Angela Merkel car il ne comprenait pas l’importance de la relation franco-allemande pour son pays", juge Claire Demesmay, politologue à l'Institut allemand de politique étrangère. "Mais Sarkozy a vite compris qu’il devait former un mariage de raison avec Berlin".

Retrouver ses repères

On ne change pas les recettes qui fonctionnent… "Même si l’activisme et le côté agitateur en chef du président ont beaucoup ébouriffé Angela Merkel les premières semaines, les deux leaders ont fini par s’ajuster l’un à l’autre, souligne Isabelle Bourgeois, du Centre d'information et de recherche sur l'Allemagne contemporaine (Cirac). Leur relation a ensuite bien fonctionné. On aurait vraiment pu craindre pire…" Deux événements ont permis de sceller ce rapprochement. L’échec de l’Union pour la Méditerranée à laquelle Berlin s’était opposée a "fait prendre conscience à Sarkozy du pouvoir de l’Allemagne", remarque Mme Demesmay. "La crise financière lui a aussi fait réaliser qu’aucune solution ne pourrait être trouvée sans le concours de son voisin".

Une fois (re)formé, le couple a vite trouvé ses repères. Il risque toutefois de connaître, de nouveau, des ratés avec l'arrivée d'un nouveau locataire à l'Elysée dans les toutes prochaines semaines.

Sur le fond, François Hollande ne va pas changer grand chose car il a tout intérêt à continuer de travailler avec l’Allemagne,

prévient la politologue de l'Institut allemand de politique étrangère. "Sur la forme par contre, la différence avec Nicolas Sarkozy devrait être assez nette. Hollande veut plus de symétrie et il va tenter d’obtenir des concessions de Berlin en faveur notamment des prochains plans de soutien de la croissance".

Les temps changent… "Sarkozy a été un auxiliaire très pratique de l’Allemagne mais Hollande n’acceptera pas ce rôle", analyse Olivier Giraud, chercheur au CNRS.

Pour faire avancer son agenda, François Hollande va chercher notamment à nouer d’autres alliances en Europe avec des pays comme l’Espagne.

Le leader socialiste "va essayer de trouver de nouveaux partenaires dans l’Union européenne afin de mieux équilibrer ses relations avec l’Allemagne", confirme Claire Demesmay. "Cela lui permettra de ne plus parler en son seul nom".

Angela Merkel devrait pouvoir s’adapter à cette nouvelle donne. "Cette femme est un mystère", résume Olivier Giraud. "Elle ne dit pas ce qu’elle pense et elle n’affiche pas de réelle vision stratégique".

Merkel "se moque de l’idéologie"

Alliée aux sociaux-démocrates pendant son premier mandat, elle n’a ainsi pas hésité à virer de bord en 2009 en s’unissant avec les libéraux du FDP. Elle "se moque de l’idéologie", assure le quotidien berlinois de gauche Taz. "Elle s’arrangeait très bien du socialiste grec Papandréou et il n’y a pas de raison qu’il en soit autrement avec Hollande".

Fine stratège pour les uns, girouette arriviste pour les autres, la physicienne ne cesse d’intriguer, mais elle a prouvé durant sa longue carrière politique qu’elle savait travailler avec des alliés pour le moins différents. Ce passé plaide pour une transition finalement assez sereine avec François Hollande.

Le président socialiste arrivera "à bien travailler avec Angela Merkel", conclut le directeur adjoint de l'Institut Franco-Allemand de Ludwigsburg.

Ces deux leaders ont des styles d’ailleurs assez semblables, puisqu’ils sont tous les deux plutôt pragmatiques et attentistes. François Hollande sait qu’il ne peut pas contourner l’Allemagne en dirigeant, par exemple, une révolte des pays européens déficitaires. Une telle confrontation se terminerait en effet par un éclatement de l’UE. L’Allemagne a besoin, de son côté, de relais et de partenaires pour faire passer ses messages. Les deux pays savent, en conséquence, qu’ils vont se mener la vie dure dans un futur proche, mais ils ont aussi bien conscience qu’ils vont devoir finir par accepter des compromis. L'élection de François Hollande à la présidence française ne mettra pas en danger la relation franco-allemande. 


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