La presse européenne et américaine veut croire que François Hollande pourra, fort de sa victoire, faire face à Angela Merkel pour atténuer la politique d'austérité imposée par l'Allemagne. Elle n'est pas tendre pour Nicolas Sarkozy, jugé seul responsable de sa défaite.
Royaume-Uni et Etats-Unis: un "appel aux armes" contre l'Allemagne
Pour la presse britannique Nicolas Sarkozy est seul responsable de sa défaite. Le Guardian affirme que s'il a perdu, la crise économique n'est pas seule responsable, mais aussi du fait de son image de "président des riches" dont il n'a jamais pu se défaire. Ainsi, la victoire de François Hollande "inverse la tendance d’une poussée conservatrice et xénophobe dans la politique européenne."
Toujours au Royaume-Uni, le Telegraph titre : "La victoire de François Hollande promet de l’agitation dans l’Union Européenne". Le quotidien conservateur établit un parallèle entre le résultat du deuxième tour en France et la victoire, aux législatives de ce dimanche, des partis qui s’opposent au plan de sauvetage en Grèce, en affirmant que le discours de François Hollande était un
appel aux armes contre les politiques économiques de l’Allemagne pour la zone euro.
Aux Etats-Unis, pour le Washington Post aussi, "les Français et les Grecs disent non à l’austérité". Le quotidien américain note que cette remise en cause des politiques de rigueur intervient après des "semaines tumultueuses" qui ont vu la chute du gouvernement néerlandais, ainsi qu’une défaite spectaculaire pour la coalition britannique au pouvoir aux élections municipales jeudi dernier.
Rappelant le rôle de Nicolas Sarkozy dans le contrôle de la crise européenne, le New York Times souligne que même si "les Français n’aiment pas se serrer la ceinture", François Hollande, tout comme le président sortant, a fait campagne sur le rétablissement de l’équilibre budgétaire.
Allemagne: "Une élection historique"
Pour la presse allemande, l'arrivée au pouvoir de François Hollande, est "un tournant, particulièrement pour Angela Merkel", qui avait soutenu Nicolas Sarkozy, du moins en début de campagne électorale, affirme le Financial Times Deutschland.
La Chancelière allemande avait même refusé de rencontrer le candidat socialiste qui a affirmé, à maintes reprises, vouloir renégocier le traité de discipline budgétaire tel qu’il a été négocié au début de cette année sous l’impulsion de Berlin. Pourtant le ministre allemande des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, a salué ce matin l‘élection “historique” du socialiste François Hollande et, surtout, a laissé la porte ouverte, sinon à une renégociation du traité, du moins à un accord pour relancer la croissance. “Nous allons travailler ensemble à un pacte de croissance pour l’Europe”, a-t-il promis. Et d'ajouter:
Nous devons maintenant sceller un pacte de croissance pour plus de compétitivité.
Il se dit même confiant dans le fait que l’amitié franco-allemande sera “encore approfondie".
Italie: "un nouveau début pour l’Europe"
La presse italienne applaudit la victoire du candidat socialiste. A commencer par le quotidien romain La Repubblica. Sans attendre 20 heures pour dévoiler le nom du prochain président de la République française, le quotidien sonnait les trompettes de la victoire socialiste en France dès 19h30. "Hollande remporte les élections, Paris en fête". Plus tard dans la soirée, La Repubblica titrait : "Sarkozy reconnait sa faute" et évoquait le coup de téléphone que Mario Monti avait immédiatement passé à François Hollande en lui proposant de collaborer.
Le quotidien enchainait ensuite sur Angela Merkel invitant le nouveau Président français à Berlin. Son de cloche identique du coté du Corriere della Sera, quotidien turinois du groupe Fiat, avec en titre : "Virage à gauche pour la France, un nouveau début pour l’Europe". La presse quotidienne souligne ainsi le changement que pourrait impliquer l’élection de François Hollande au niveau de la politique européenne, en espérant que l'Allemagne ne sera désormais plus la seule à dicter sa loi.
Si le président de la République italienne Giorgio Napolitano se serait, dit-on, inquiété en coulisse des positions affichées par François Hollande sur des questions économiques au niveau de l’Europe – croissance, austérité -, le quotidien économique et financier Il sole 24 ore n'a pas de telles réticences et cite Hollande : "L’austérité n’est pas une fatalité, je travaillerai avec Merkel sur la croissance".
Du coté de la presse berlusconienne et plus notamment d' "Il giornale", l’heure était à aux règlements de comptes. Gros titre :
Sarko ne rit plus.
Une façon d’évoquer les sourires échangés entre Angela Merkel et Nicolas Sakozy lors d'une conférence de presse européenne, lorsqu’un journaliste avait interrogé les deux leaders sur Silvio Berlusconi. Un camouflet que les Italiens n’ont pas encore oublié.
Belgique et Pays-Bas: Hollande "réenchante le rêve français"
Comme toujours, les Belges se sont passionnés pour les élections françaises. De nombreux sites d’information leur ont consacré un "live" comme le magazine flamand Knack, un "direct" ou un "minute par minute" comme Le Soir, qui se targue d’avoir annoncé les résultats deux heures avant les médias français, sous le coup de l’interdiction de publier avant 20 heures.
La Libre – site du journal de référence La Libre Belgique – y a carrément consacré un portail.
Cette dernière rappelle que François Hollande est un "socialiste sans expérience". Et de brosser le portrait d’un homme qui n’ayant "jamais été ministre, se présentait pour la première fois à la présidentielle". L’article souligne aussi que les nombreuses railleries dont le candidat – trop rond, trop apparatchik, trop provincial – a fait l’objet tout au long du parcours sans faute qui l’a mené à la présidence.
Le premier ministre, Elio Di Rupo, a félicité chaleureusement son homologue socialiste et a rejoint Martine Aubry hier soir à Lille, puis à Paris, à La Bastille. Il a brièvement pris la parole et a été vivement applaudit quand il a chaleureusement félicité le nouveau président français.
Le Soir insiste sur la "constance tranquille" de François Hollande, qui a "réenchanté le rêve français en promettant plus de justice, de rassemblement et d’égalité". S’il n’a pas exercé de "grands mandats, il n’est pas le seul, Barack Obama non plus, n’avait pas eu de grandes responsabilités avant d’entrer à la Maison Blanche".
Mais le journal de Bruxelles annonce déjà une prédidence difficile :
il ne s’agit pas d’endosser l’habit présidentiel, il va falloir gouverner, ce ne sera pas facile. Ce qui est certain, en tout cas, c’est que dans la France d’aujourd’hui, il n’y aura pas un seul jour d’état de grâce.
Pays-Bas: "Un homme d'appareil, mais bien préparé"
Aux Pays-Bas, les présidentielles françaises sont mises en parallèle avec les élections grecques et c’est surtout leur impact sur l’euro qui retient l’attention. Les Néerlandais s’interrogeaient sur le cap de la France. Car si Sarkozy avait conclu un pacte d’austérité avec Angela Merkel, le candidat Hollande avait annoncé qu’il prendrait quelques libertés à l’égard des diktats européens. Ce qui ne pouvait que séduire bon nombre de Néerlandais, dont l’euroscepticisme atteint des sommets ces jours-ci.
L’ensemble de la presse néerlandaise rappelle que Sarkozy est le deuxième président depuis 1958 à ne pas être réélu pour un second mandat, son prédécesseur étant Giscard qui avait perdu en 1981 face à François Mitterrand.
NRC Handelblad souligne les "mauvais choix stratégiques" du président sortant, qui a tenté de sauver la mise en chassant sur les terres du Front National. Parool estime que le candidat socialiste a bénéficié d’un large soutien de la gauche, notamment des électeurs de Mélenchon, alors que Sarkozy n’a tiré aucun avantage du vote FN…
Le site Nu.nl (maintenant) se demande si Hollande aura les moyens de tenir ses promesses sur le plan social, notamment le retour à la retraite à 60 ans, compte tenu de la situation économique de la France.
Le Volkskrant (Journal du Peuple) rappelle combien le sobre François Hollande est éloigné du goût sarkozien pour le bling bling et le décrit comme un "socialiste puissant", très au fait des questions économiques, mais qui n’a pratiquement jamais mis les mains dans le cambouis. Un homme d’appareil, en somme.
Mais, conclut le journal de gauche, "avant les élections il a suivi un régime strict afin de perdre du poids et s’est acheté de nouvelles lunettes. Il est clairement préparé". (sic!)
Espagne : une "nouvelle étape pour l’Europe"
L'Espagne, qui a suivi la campagne électorale française de près, est loin de l’étonnement ce matin. Les chaînes de télévision ayant ces dernières semaines avaient annoncé, à de nombreuses reprises, la forte probabilité d’une présidence Hollande.
Mariano Rajoy, actuel chef du gouvernement, a, dès 20h, félicité le nouveau président "pour sa victoire à l’élection présidentielle française avec la conviction qu’ils entretiendront une fructueuse relation bilatérale et européenne". Le leader du PSOE, Alfredo Pérez Rubalcaba, plus proche de Hollande, l'a félicité chaleureusement et dit voir en lui un "haut-parleur" pour la gauche européenne.
El Pais titre ce matin:
Hollande impulse une autre Europe.
Le souhait de renégociation du pacte budgétaire européen laisse entrevoir pour le quotidien une nouvelle étape pour l’Union européenne.
El Mundo voit, au contraire, une phase "d’incertitude" s’ouvrir pour la zone Europe. L’austérité d’Angela Merkel pourrait, avec cette victoire, être mise à mal pour la La Vanguardia. La Razon, le quotidien très à droite, parle déjà du couple "Merkollande" qui dictera le destin de l’Europe. La défaite du candidat-président est résumée humainement par le testament politique de l'ex-président Sarkozy: "je serai un Français parmi les Français".
El pais souligne la carrière de 35 ans de cet "animal politique" qui souhaite "bonne chance" au nouveau président. ABC explique que Nicolas Sarkozy est le douzième chef de gouvernement à ne pas être reconduit du fait de la crise.