Le gouvernement français veut encadrer les hausses de loyer lors de la signature d'un nouveau bail. La ministre Cécile Duflot compte s'inspirer du système allemand de "miroir des loyers" en vigueur outre-Rhin depuis près de 40 ans.
Pour marquer la rupture avec le Sarkozisme, la gauche n'aime guère se réclamer de l'exemple allemand. Pourtant, force est de constater que les nouveaux dirigeants français continuent de regarder de l’autre coté du Rhin pour trouver de "bonnes idées" anti-crise. Il en est ainsi de l'encadrement des loyers annoncé ce matin par Cécile Duflot dans une interview publiée par Libération.
La ministre de l’Egalité des territoires et du Logement souhaite présenter au Conseil d’Etat à la fin du mois de juin un décret visant à limiter les hausses brutales des loyers dans les quartiers où les tensions sur les prix sont les plus fortes. Ce texte devrait entrer en application dès la rentrée prochaine.
Concrètement, Cécile Duflot souhaite contraindre les propriétaires, lors de la signature d'un bail avec un nouveau locataire, à fixer leurs hausses de loyer en fonction de l'indice de référence (IRL) publié par l'Insee et adossé à l'inflation.
Scruter l'évolution du marché
Cette disposition s'appliquait jusque-là au renouvellement de bail d'un même locataire, mais les consitions du nouveau bail étaient libres. La ministre souhaite aussi,
collecter des données très précises afin d’obtenir un panorama complet du logement et des loyers en France. L’objectif est d’aboutir à un 'miroir' des loyers, qui servira de base de réflexion et d’action."
"Miroir", Cécile Duflot n’a pas choisi ce terme par hasard…
Car en Allemagne, les loyers sont encadrés depuis 1973 en fonction d'une base de données très complète appelée… "miroir des loyers" (Mietspiegel). Ce dispositif, qui a été créé à Cologne, avant d’être adopté par la plupart des autres grandes villes du pays, permet d’avoir une fourchette précise des coûts de location dans chaque agglomération.
Réactualisé chaque année, il prend en compte plusieurs éléments comme la taille du logement, la date de sa construction, la qualité de ses équipements et le standing du quartier. Si le prix du loyer exigé par le propriétaire est supérieur de 20% à ce barème, le locataire a le droit de déposer une plainte devant les tribunaux.
Des loyers qui augmentent 20 fois moins vite en Allemagne
Ce procédé, assez simple sur le papier, semble avoir très bien fonctionné outre-Rhin. Jusqu’à très récemment, notre voisin était, en effet, un pays de cocagne pour les locataires. Avec une population en baisse de 100.000 habitants par an depuis 2005 et un marché immobilier tourné vers la location, les Allemands n’ont que l’embarras du choix pour trouver un appartement ou une maison à louer.
Ainsi, seulement 43% des Allemands sont propriétaires (le chiffre le plus bas de l’UE) contre 58% en France.
Conséquence: le prix des loyers en République fédérale n'a pas augmenté de plus de 5% depuis 2000 alors qu’il a, dans le même temps, doublé dans l’hexagone !
La crise commence toutefois à bouleverser la donne.
Les faillites bancaires et la chute de l’euro ont, en Allemagne comme ailleurs, engendré un sentiment d'insécurité parmi les épargnants. Les particuliers ont, en conséquence, de plus en plus tendance à revendre leurs placements financiers pour investir dans la pierre.
En 2011, les prix de l’immobilier résidentiel ont ainsi augmenté de 5,5% outre-Rhin, alors qu’ils avait déjà progressé de 2,5% l’année précédente. Sur le marché des appartements neufs dans des villes comme Berlin ou Francfort, les hausses ont dépassé 10%, selon une étude de DZ Bank. Et à Munich, des augmentations de près de 20% ont été enregistrées dans les zones les plus recherchées.
Ces progressions auront, à moyen terme, une incidence sur le niveau des loyers. Car, pour rembourser leurs prêts devenus plus coûteux, les propriétaires ne vont pas manquer de demander des prix plus élevés à leurs locataires.
Le "miroir des loyers" ne devrait pas pour autant devenir un miroir aux alouettes. Il va, sans nul doute, continuer à empêcher les excès ou les spéculations dangereuses. C'est ce qu'espère aussi Cécile Duflot.