Angela Merkel ne veut pas céder. Elle réaffirme son opposition à toute mutualisation de la dette des pays européens. Mais faut-il se fier à ce refus? La Chancelière allemande est, avant tout, pragmatique. Sur la crise bancaire, le nucléaire, l'aide à la Grèce, le salaire minimum, elle avait également dit "nein" avant de céder par opportunisme politique.
Ne vous fiez pas aux apparences… Aujourd’hui encore, Angela Merkel ne semble, rien vouloir lâcher sur le dossier au combien sensible des eurobonds. Ce matin, elle a de nouveau condamné le "faux débat qui est apparu, opposant la croissance et la rigueur budgétaire".
C'est n'importe quoi…". Elle a réitéré son opposition à la mutualisation de la dette européenne, défendu la veille par François Hollande et le président du Conseil italien Mario Monti. Elle a martelé que l'Allemagne "ne se laissera pas convaincre par des solutions rapides comme les euro-obligations" ou l'introduction d'un fonds commun de garanties bancaires en Europe.
Décidément bien énervée, la Chancelière allemande a également dénoncé la "médiocrité" de l’Europe.
Doctor Merkel ou Miss Angela?
Et si cette fermeté n'était qu'un trompe l'œil? Ou, au moins, très exagérée. Docktor Merkel a, en effet, pris l’habitude de se transformer en Miss Angela quand la tempête devient trop forte… Les exemples de ses changements de cap à 180 degrés ne manquent pas.
- Sur le dossier grec, la cheffe du parti chrétien-démocrate (CDU) a ainsi longtemps fait figure de "Frau Nein" ("Madame Non"). En février 2010, elle déclarait à la première chaîne de télévision allemande ARD:
L’Union européenne n’a pas inclus dans son traité (…) de dispositions pour aider les Etats, pour les sortir du pétrin. La meilleure façon d'aider la Grèce, pour le moment, est de dire clairement que la Grèce doit faire sa part du travail".
Cet attentisme a aggravé la crise à Athènes. Refusant d’écouter les suppliques de ses partenaires à Bruxelles, la Chancelière a continué de jouer pendant de nombreux mois à la "dame de fer", avant de finalement céder.
Girouette sur bien des dossiers
En septembre 2011, elle n’a ainsi pas hésité à expliquer, comme si cela allait de soi, que son pays était "prêt à fournir toute l'assistance nécessaire" afin d’aider la Grèce à rester une nation "forte dans la zone euro".
- Lors de crise bancaire, Angela Merkel a également fait volte face. Après avoir rechigné à assister les établissements en difficulté, elle a soutenu quelques semaines plus tard leur plan de sauvetage de… 500 milliards d’euros sans laisser apparaître la moindre gêne.
La femme la plus puissante au monde selon le magazine américain Forbes, fait également figure de girouette sur certains dossiers "germano-allemands".
- Sur le salaire minimum, par exemple… La patronne des conservateurs a répété pendant de très nombreuses années que sa création serait une hérésie pour les entreprises qui dépendent fortement de leurs exportations.
Au plus bas dans les sondages, elle a pourtant déclaré en novembre dernier, devant les membres désabusés de son parti réunis pour leur congrès annuel à Leipzig, souhaiter l’instauration d’un "seuil limite en dessous duquel un salaire ne peut pas tomber". Ou comme souhaiter un SMIC sans le dire…
- Sur le nucléaire, autre virement de bord : Longtemps fan inconditionnelle de l’atome, Angela Merkel a été la seule dirigeante de la planète à exiger après Fukushima, la fermeture des réacteurs nucléaires les plus anciens d’Allemagne et l’arrêt de toutes les centrales dans un avenir proche. Ces mesures, qui vont coûter des milliards d’euros, ne semblent avoir été motivées que pour des raisons purement électoralistes.
Une habile politicienne
"Angela Merkel est une politicienne habile", estime Hans Werner Sinn, le président de l’institut de recherche économique Ifo. Il ajoute:
Elle adapte ses politiques à celles de ses opposants afin de les priver d’arguments de campagne. Elle a fait cela en annonçant la fermeture des centrales nucléaires, et elle veut faire la même chose avec le salaire minimum."
Cet opportunisme risque toutefois de se retourner contre elle. Selon Manuela Glaab, politologue de l'Université de Munich:
Angela Merkel doit fait preuve de leadership, c’est son travail après tout."
"Dame de fer" pour les uns, "gamine" ("Mädchen") pour les autres, et notamment Helmut Kohl, la Chancelière est probablement un mélange de deux… Seule certitude: elle est, avant tout, pragmatique.