La qualité des infrastructures routières espagnoles se dégrade à grande vitesse. Le réseau souffre des coupes budgétaires drastiques et le nombre d'accidents pourrait bien augmenter si les pouvoirs publics ne réagissent pas.
Repéré sur El Pais
"On dirait qu'ils ont éteint les réverbères le long de certaines portions d'autoroutes", confiait Pascual Cabello au magazine américain Bloomberg Businessweek le mois dernier.
"A croire qu'ils manquent d'ampoules et de cables. La situation ne fait qu'empirer" s'indignait alors l'homme à la tête d'une petite entreprise de transport et propriétaire de huit poids lourds.
En mars 2011, la mort d'une automobiliste a tiré la sonnette d'alarme. Après avoir perdu le contrôle de son véhicule sur un pont près de Grenade, la jeune femme a effectué une chute mortelle de plus de quarante mètres. Des barrières de sécurité auraient dû amortir le choc, mais les autorités Andalouses les avaient remplacées par des simples cônes et une barrière en plastique afin de faire des économies.
Un terrible événement pourtant pas surprenant. Une récente étude de l'Asociación Española de la Carretera (AEC), l'association des routes espagnoles, montre que les réseau routier du pays se trouve dans un état aussi déplorable qu'il y a vingt cinq ans. Les autorités s'inquiète donc de voir le nombre d'accidents augmenter sur les routes ibériques.
La faute aux coupes budgétaires
Selon le quotidien espagnol El Pais, la détérioration du réseau routier ibérique n'est que le fruit des coupes budgétaires drastiques mises en place par le gouvernement. Depuis 2009, les fonds du Ministère de l'équipement alloués à l'entretien de la voirie, des panneaux de signalisations et des réverbères sont passés de 1,3 milliards d'euros à seulement 873 millions d'euros, soit une baisse de plus de 30 %.
"L'investissement est inexistant depuis trois ans, ce qui a des répercussions importantes sur les problèmes de sécurité routière"
explique Elena de la Peña, sous-directrice technique de l'AEC.
Selon l'AEC et son Président Manuel Munoz, les routes espagnoles ont besoin de 5,5 milliards d'euros pour être remises en état : 325 000 panneaux de signalisations doivent être remplacés. Sur 50 000 km de routes les panneaux sont défoncés, obsolètes ou inexistants. L'étude révèle aussi que 20 % du réseau routier est mal, voire plus du tout éclairé.
Munoz ne comprend pas pourquoi le gouvernement Rajoy préfère investir dans les projets de trains à grande vitesse plutôt que de rénover le réseau routier espagnol, qui reste un des plus denses d'Europe.
La crise touche aussi le secteur de la construction
Entre 2000 et 2010, l'Espagne a pourtant modernisé son réseau routier à grand renfort de subventions du FEDER (Fonds européen de développement régional) : le budget alloué aux infrastructures avait augmenté de 104 % permettant ainsi de financer la construction de 5200 km d'autoroutes et d'étendre le réseau de trains à grande vitesse à Barcelone, Valence et Malaga.
Nous avons reçu beaucoup d'aide de la part de l'Union Européenne sans penser à l'avenir, quand elle fermerait le robinet. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas assumer financièrement l'entretien des infrastructures que nous avons construites."
explique un directeur de l'association des autoroutes espagnoles.
Les entreprises de construction font également grise mine. Comme le souligne Bloomberg, Fomento de Construcciones y Contratas SA, qui a construit la plupart des infrastructures, a vu son chiffre d'affaire baisser de 85 % en cinq ans.
Un véritable danger pour les automobilistes
D'après plusieurs spécialistes, la détérioration des infrastructures pourrait entraîner une augmentation sensible du nombre d'accidents sur les routes espagnoles.
Il y a dix ans, on estimait que les automobilistes étaient les premiers responsables des accidents. Aujourd'hui, on considère que les responsabilités sont partagées"
note Elena de la Peña, interrogée par El Pais.
D'après un classement du Ministère de l'Intérieur, les routes espagnoles restent néanmoins moins meurtrières qu'en France ou en Italie, avec 64 tués sur les routes pour 100 000 habitants en 2011. Mais cette tendance pourrait bien s'inverser.
Repéré sur El Pais: Spending cuts that can kill