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Sommet européen: Merkel défiée par le Sud

vendredi, 29 juin, 2012 - 15:55

L'accord conclu cette nuit au Conseil européen a rassuré les marchés. En arrachant à l'Allemagne des concessions, l'Italie et l'Espagne ont montré qu'un bloc du sud pouvait faire prévaloir ses vues. François Hollande, qui a pu faire avaliser son pacte de croissance, parait avoir choisi une stratégie payante en évitant le face à face avec Merkel. 

Daniel Vigneron invité au débat de France Info sur le sommet européen

Italie et Espagne ont mis KO leurs adversaires européens à l'euro 2012 de football. Et, avant même de disputer leur finale, elles viennent également de triompher de leurs partenaires de la zone euro en obtenant à Bruxelles des concessions propres à écarter l'orage financier qui pèse sur le financement de leur dette publique.

L'accord scellé cette nuit à Bruxelles est, en effet, important, notamment dans son volet monétaire et financier. Il traduit d'incontestables concessions de la part de l'Allemagne qui semble voir pris conscience du danger pesant sur le refinancements de gros pays tels que l'Italie ou l'Espagne (30% du PIB de la zone euro à eux deux).

L'Italie et l'Espagne montent au créneau

Ces pays, confrontés jusqu'à hier à une montée inexorable des taux d'intérêt (6,8% pour l'Espagne, 6,2% pour l'Italie), ont en effet menacé de ne pas ratifier le pacte pour la croissance et l'emploi que le président français croyait enfin avoir imposé.

Ainsi, Madrid est parvenue à faire acter que le futur Mécanisme européen de stabilité (MES) puisse recapitaliser en direct les banques en difficultés sans être obligé de passer par un plan d'aide aux Etats. D'autre part, en obtenant que le MES ne soit plus créancier "senior" (celui qu'il faut rembourser avant les autres) du pays, l'Espagne compte rassurer les investisseurs privés.

Quant à l'Italie, elle vient, ni plus ni moins, d'arracher, sans que cela soit bien sûr dit, une réforme des statuts de la BCE ! Car le MES aura la possibilité de racheter des dettes souveraines pour peu que le pays concerné se conforme aux recommandations générales de la Commission européenne concernant sa gestion économique et budgétaire.

L'Allemagne sauve l'essentiel

L'Allemagne a donc bougé, mais en l'échange de solides contreparties. D'abord et avant tout, elle a sauvé son pacte budgétaire que la France menaçait de ne pas ratifier. Ensuite, l'Union bancaire qui se profile est conforme à la philosophie de Berlin de voir le secteur se prendre en charge lui-même.

Un fonds de garantie européen des dépôts va permettre de déconnecter crise de la dette et crise bancaire: dans le cas d'un pays "plombé", la garantie nationale ne rassurait plus du tout; et le renflouement systématique des banques par leurs autorités de tutelle aggravait la situation financière de l'Etat concerné.

Au cours de ce sommet, la France a assez bien tiré son épingle du jeu. Les concessions financières obtenues par Madrid et Rome vont tout à fait dans le bon sens aux yeux de François Hollande. Surtout, ce dernier peut se vanter d'avoir obtenu ce pacte de croissance qu'il avait tant promis lors de sa campagne électorale.

Un contrepoint à l'austérité

Les 120 milliards d'euros mis sur la table ne sont pas une somme symbolique, d'autant que les 60 milliards qui vont être prêtés ou garantis par la Banque européenne d'investissement (BEI) iront d'abord aux PME. Cependant, on peut se demander si ces financements – qui portent sur trois années – sont à la mesure des enjeux.

D'ici à 2015 en effet, les économies budgétaires en cours dans tous les pays européens devraient représenter une contraction des dépenses de l'ordre de deux points de PIB. Or, la relance européenne annoncée hier dépasse à peine un point de PIB…

Tout dépendra, en outre, de la mise en œuvre de ce qui a été annoncé. Et notamment du "redéploiement" des 55 milliards de fonds structurels non utilisés. Pour que ces réaffectations aient un sens, il faudrait que des pays renoncent aux fonds qui leur ont été déjà alloués, notamment l'Allemagne qui en est le premier récipiendaire, au bénéfice des pays les plus en difficulté. C'est politiquement très difficile à vendre !

Un "bloc du sud" plus puissant que Merkel

Reste que la stratégie hollandienne s'est avérée payante. Pour la première fois, la France s'est échappée du tête à tête avec l'Allemagne dont elle risquait, une fois de plus, de sortir perdante. En s'appuyant manifestement sur les deux pays du sud qui n'avaient pas d'autre choix que l'intransigeance, en les encourageant, d'une certaine façon, à monter en première ligne, François Hollande a pu fédérer un "bloc du sud" qui pèse 50% du PIB de la zone euro. Pour une fois, il semble que Angela Merkel n'était pas la plus forte.




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