Par La Rédaction
Grand vainqueur de l'Euro 2012, le foot espagnol fait la fête. Mais gare à la gueule de bois, la situation financière des clubs espagnols est plus que préoccupante. Leur dette atteint 3,5 milliards d'euros.
En terrassant l'Italie 4 à 0 en finale de l'Euro 2012 hier soir à Kiev, l'Espagne vient de réaliser un exploit sans précédent dans l'histoire du football. Alors que la crise frappe le pays de plein fouet, ce nouveau succès sur les terrains de football redonne un peu d'espoir à une génération sacrifiée. Si l'Espagne n'a pas son triple A, son équipe nationale a réussi à conquérir trois trophées majeures d'affilée. Après l'Euro 2008 et la Coupe du Monde 2010, l'Espagne ajoute une nouvelle ligne à son palmarès. Séduisante, supérieure et convaincante, la Roja n'a fait que confirmer son statut de "meilleure équipe du monde".
Outre les trois trophées remportés par l'équipe nationale, les clubs ibériques brillent sur la scène européenne. Depuis 2000, le Real Madrid et le FC Barcelone enchaînent les succès avec cinq Ligue des Champions à eux deux. Le FC Séville, Valence et l'Atlético Madrid ont remporté cinq des dix dernières Ligue Europa, la nouvelle formule de la Coupe de l'UEFA.
Cette domination de la Roja sur le monde du ballon rond met un peu de baume au cœur à des millions d'Espagnols touchés par le chômage et la crise. "Le football comme opium du peuple par ces temps d'asphyxie", affirme aujourd'hui El Mundo tout en saluant "une poignée de sportifs sans égal, moulés à partir d'un gène gagnant, dirigés par un entraîneur aux fermes convictions". Plus sobre,"Merci, merci, merci" titre Marca sur son site internet.
Des clubs surendettés
Cerise sur le gâteau, l'UEFA a promis de reverser 100 millions d'euros sur les bénéfices de l'Euro 2012 aux clubs européens. 40 millions d'euros iront aux clubs dont les joueurs ont participé aux qualifications et 60 millions aux clubs qui ont eu des joueurs engagés dans les phases finales. Pourtant, ces bénéfices s'annoncent dores et déjà comme une goutte d'eau dans la mer.
En Espagne, le football croule sous les dettes. Le Trésor public espagnol a révélé en mars que les clubs devaient au fisc la coquette somme de 752 millions d'euros. Un chiffre revu légèrement à la baisse par le Conseil supérieur du sport (CSP) ; les clubs ne doivent en réalité que 675 millions d'euros (les trois quarts de la somme étant le fait des clubs de première division), ce qui ne représente que 14 % de la totalité de leur dette qui s'élève, elle, à plus de 3,5 milliards d'euros ! Parmi les créanciers, les entreprises de BTP à qui les clubs ont fait construire d'immenses stades de moins en moins rentabilisés.
Après le secteur de l'immobilier, certains n'hésitent pas à parler de « bulle » du football espagnol.
Nous sommes champions du monde, champions d’Europe, nous avons le grand Barça et le grand Real Madrid, et nous avons aussi dix clubs en cessation de paiement en début de saison. C’est-à-dire que nous allons avoir le pire football du monde"
déplore l'économiste José María Gay de Liébana, spécialiste en économie du football.
Des mesures de redressement
Six clubs de première division en redressement judiciaire, les salaires d'une centaine de joueurs gelés depuis des mois, comment les clubs en sont arrivés là ? "Il n'y a pas de traitement de faveur" explique le Secrétaire d'Etat aux sports, Miguel Cardenal. Pourtant, nombreux sont ceux qui jugent que le gouvernement a préféré fermer les yeux sur la gestion financière des clubs, de peur que les supporteurs ne les sanctionnent dans les urnes.
Un accord signé entre la Ligue de football professionnelle (LFP), le ministère espagnol des Sports et le CSP prévoit qu'à compter de la saison 2014-2015 les clubs endettés devront reverser 35 % de leurs droits audiovisuels à la fédération, à concurrence de leur dette fiscale dans un premier temps, puis de leur dette privée dans un second temps. Les droits audiovisuels, importante rentrée d'argent pour les clubs, comptent généralement pour un tiers de leur budget.
Une loi de janvier 2012 autorise également la fédération à descendre de division des clubs en difficulté financière. L'ombre du Glasgow Rangers plane sur l'Espagne. Ce club écossais autrefois mythique est actuellement en faillite et se voit menacé d'être relégué en troisième division et interdit de compétition européenne pendant trois ans. Que les Espagnols savourent la victoire, viendra l'heure des comptes…