Le traité anti-contrefaçon ACTA vient d'être rejeté massivement au Parlement européen. Et ce, malgré les tractations de la Commission européenne pour l'adoption du traité. Une première.
Avec 478 voix contre 39 (165 se sont abstenus), les eurodéputés ont enterré aujourd'hui l'accord commercial ACTA. Réunis en session plénière, ils ont décidé de mettre un terme à cet accord, combattu par des associations de défense des citoyens.
ACTA, en anglais « Anti-counterfeiting Trade Agreement » est un traité international qui vise à renforcer le copyright en matière de produits culturels, de marques, ou de brevets. L'accord entend également coordonner la lutte contre les produits contrefaits, les médicaments génériques ou le téléchargement illégal, qui constituent autant d'infractions à la propriété intellectuelle. Par exemple, il était envisagé d'impliquer les fournisseurs d'accès à Internet dans la lutte contre le piratage.
Elaboré en secret depuis 2007 par les cabinets ministériels liés au commerce de différents pays, le texte était ardemment défendu par la Commission européenne. Peu avant le vote, Karel De Gucht, commissaire européen au commerce déclare :
Un vote contre l'ACTA serait un coup dur pour la défense de nos droits de propriété intellectuelle dans le monde"
Le PPE n'avait pas de consigne de vote
En dépit de tous ces efforts, les cinq commissions du Parlement européen chargées d'examiner le texte avant le vote l'ont toutes rejeté. Pour le rapporteur britannique David Martin, du groupe S&D (socialiste) :
Cette fois, le piège se cache dans le manque de détails. Un texte vague est dangereux, et nous ne pouvons pas garantir que les libertés civiles seront protégées"
Le Parti populaire européen (PPE), principal groupe politique du Parlement (conservateur), n'avait pas, quant à lui, transmis de consigne de vote à ses 271 députés. Des dissensions sont apparues au sein du groupe, certains considérant qu'il fallait rejeter ce texte trop flou, et d'autres jugeant préférable de l'approuver malgré tout, quitte à l'améliorer ensuite.
Profitant de l'absence de position commune, et jouant la contre-offensive face à la Commission européenne, le collectif de la Quadrature du Net a mis en place une initiative de lobbying citoyen: le PiPhone. Les citoyens pouvaient, via ce système, appeler gratuitement par téléphone un député du PPE pour tenter de le convaincre de rejeter le traité.
Un désaveu historique de la Commission
Ultime recours, la Commission envisage désormais de demander l'avis de la Cour de justice sur la compatibilité de l'accord avec les traités de l'Union européenne. Les partisans d'ACTA avaient tenté de faire reporter le vote d'aujourd'hui sous ce même motif.
Soulignant le désaveu historique de la Commission, Françoise Castex, députée européenne du groupe socialiste et fervente opposante à ACTA écrit :
Ce vote fera date: il marque un tournant dans le rapport de force interinstitutionnel au profit du Parlement européen.”