Partis à pied du nord de l'Espagne, les mineurs sont arrivés hier à Madrid. Ils protestent contre la fermeture des mines de charbon qui continuent de faire vivre des milliers de personnes.
Une nuée de lampes frontales, comme des lucioles dans la nuit madrilène. Vêtus de noir, casque sur la tête, quelques 400 mineurs venus des bassins houillers du nord du pays sont arrivés mardi soir à Madrid.
Pendant plus de deux semaines ils ont parcouru des centaines de kilomètres à pied, depuis les communautés d'Asturies, de Castille et Leon ou d'Aragon, pour rejoindre la capitale à la veille d'une importante manifestation. A Madrid, des milliers de sympathisants étaient venus les accueillir et scander avec eux des slogans, empruntés pour certains aux Indignés.
En grève depuis début mai, les mineurs protestent contre la décision de diminuer de plus de 60 % les aides publiques accordées à l'industrie du charbon. Une coupe budgétaire de plus de 200 milliards d'euros qui met en péril le secteur et menace leurs emplois.
Depuis 20 ans, une restructuration de l'industrie a vu les mines de charbon espagnoles fermer les unes après les autres. Seule une quarantaine de mines est toujours en activité et emploie 8 000 mineurs.
Pas compétitif
Cette mesure fait suite à une décision européenne d'arrêter toute subvention nationale aux mines de charbon non compétitives à l'horizon 2018. Tandis que la Commission européenne, sous pression de lobbys écologistes, avait voté pour l'arrêt de ces subventions dès 2014, le Parlement européen a finalement décidé de les prolonger jusqu'en 2018.
Non compétitives, les mines espagnoles le sont depuis des années. Elles ne peuvent concurrencer le charbon russe ou colombien, importé massivement pour satisfaire la consommation européenne.
Outre l'Espagne, l'Allemagne, la Roumanie, le Royaume-Uni et la Pologne continuent d'exploiter le charbon. Un secteur qui emploie encore directement ou indirectement 100 000 personnes en Europe.
Ces "gueules noires" du nord…
En France, les mines de charbon ont fermé progressivement depuis 1966. La dernière mine, celle de La Houve en Lorraine, a cessé toute activité en 2004.
Polluante et coûteuse, l'industrie du charbon semble davantage tournée vers le passé que vers l'avenir. Mais que dire aux 8 000 mineurs espagnols, qui vont perdre leur emploi alors que le pays est touché par un taux de chômage record (plus de 24%) ? Dans ce contexte de crise économique et sociale, l'insurrection des ouvriers du charbon prend des allures de Germinal.
Prenant la parole, Concepción Alonso, mineur et blogueuse, venue d'Asturies, affirme :
Nous, les citoyens, ne sommes pas l'ennemi, nous sommes le moteur d'un pays. Ils prétendent nous faire payer une crise que nous n'avons pas générée. Nous nous levons tous les jours pour aller travailler, et nous désirons seulement continuer à le faire." (Publico.es)
Si Pierre Bachelet était espagnol, on entendrait sûrement Les Corons résonner aujourd'hui à la Puerta del Sol: "Mon père était gueule noire comme l'étaient ses parents. Ma mère avait des cheveux blancs. Ils étaient de la fosse comme on est d'un pays"…