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Pourquoi faut-il mettre fin au cumul des mandats ?

vendredi, 13 juillet, 2012 - 13:57

Le cumul des mandats, c'est comme le tabac. C'est mauvais pour la santé, et il suffit de le vouloir pour arrêter. Voilà en substance le message du site mi-drôle mi-sérieux, Cumul-Info-Service. En créant le buzz, le collectif "Participe Futur" à l'origine de ce site, relance le débat sur le cumul des mandats. Eclairage en 5 questions.

1/ Où en est le cumul des mandats en France ?

C'est l'une des promesses de campagne de François Hollande. Députés et sénateurs devront cesser de cumuler leur mandat de parlementaire (député, sénateur) avec un mandat exécutif local (maire, président de conseil général ou régional…). Et ce, avant les élections locales de 2014, si la loi est adoptée.Depuis 2000, le Code électoral empêche les députés de cumuler leur fonction avec plus d'un autre mandat local parmi les suivants : conseiller régional ou général, conseiller à l'assemblée de Corse, conseiller de Paris ou conseiller municipal d'une commune d'au moins 3 500 habitants. A défaut d'être interdit, le cumul est donc limité à deux mandats.

En France, le cumul des mandats parlementaires et locaux touche 339 des 577 députés élus en 2012. 179 d'entre eux sont socialistes. Pour montrer l'exemple, le PS avait promis de mettre fin au cumul dans ses rangs, dès septembre 2012. Mais le bruit court que cette anticipation de la loi pourrait être repoussée, face aux réticences de certains élus socialistes à abandonner leur mandat local, explique Le Monde

2/ Et en Europe ?

La situation française est une exception en Europe.

En Belgique, en Allemagne ou en Espagne, quand il n'est pas simplement interdit, le cumul est largement découragé. Les sénateurs espagnols peuvent, par exemple, être élus au Parlement d'une communauté autonome (les députés, eux, ne le peuvent pas), mais ils ne perçoivent qu'une seule indemnité pour les deux charges.

Dans les autres pays où le cumul n'est pas réglementé, son impopularité le rend relativement marginal. L'Italie, dont seulement 15 % des élus cumulent des mandats, est très loin derrière la France.

3/ Pourquoi les cumuleurs négligent (surtout) leur mission de député?

Impossible d'exercer deux métiers à plein temps, sans en négliger. Les mandats souffrent du même problème, explique le site Cumul-Info-Service. Et, chaque fois, c'est la charge parlementaire qui en pâtit, l'élu étant plus naturellement concerné par les enjeux de son territoire que les enjeux nationaux. D'autant plus que c'est ce sont les habitants de ce territoire qui l'ont élu (et qui pourraient bien le réélire).

Pour Marion Paoletti, maître de conférence en sciences politiques à Bordeaux :

Le cumul des mandats fabrique des élus débordés, peu à même d'être des animateurs crédibles du débat et favorise la délégation aux technocrates de l'ombre présents dans les cabinets." (Revue parlementaire)

Dans une tribune de Rue 89, l'ancien ministre PS Paul Quilès constatant que, même lors des débats importants de l'Hadopi ou de l'intervention militaire des Israéliens à Gaza, l'hémicycle était quasi vide, brocarde :

Où étaient donc jeudi ces 541 députés (les absents)? La réponse à cette question serait instructive et ferait certainement apparaître le peu de considération qu’ont les parlementaires eux-mêmes pour les tâches essentielles de leur fonction. (…) Cet état de fait, qui nuit à la crédibilité du Parlement, est la preuve évidente que l’institution parlementaire elle-même a reconnu sa propre faiblesse et qu’elle s’en accommode."

4/ Le mandat local permet-il une plus grande proximité avec les électeurs ?

De qui les députés sont-ils les représentants ? De la Nation ou de leur collectivité territoriale ? De la Nation bien sûr ! Si cette question élémentaire d'éducation civique en déconcerte pourtant plus d'un, c'est que la confusion est parfois entretenue par les parlementaires eux-mêmes.

Pour se faire élire, certains députés ne manquent pas de mettre en avant leur enracinement régional, et leur volonté de défendre devant l'Assemblée les intérêts de leur circonscription. Quand on sait qu'ils sont tenus de défendre le seul intérêt général, voilà un système qui pourrait bien s'apparenter à du clientélisme.

Pour Bastien François, professeur en Sciences politiques et conseiller régional EE-LV:

C'est très choquant: nos parlementaires ne sont pas en réalité les représentants de la Nation, mais sont des représentants de leur collectivité territoriale. On le voit au moment des réformes. Celle de la décentralisation, par exemple, est faite par des élus locaux pour des élus locaux."

Le cumul des mandats parlementaires et locaux entretient donc la confusion autour des intérêts défendus. Pourtant, nul besoin, explique Bastien François, que les députés soient aussi maires ou conseillers régionaux. Dans la mesure où les députés assurent une permanence dans leur circonscription, ils maintiennent un contact suffisamment étroit avec elle.

Marc-Olivier Padis, rédacteur en chef de la revue Esprit, commente :

Un argument qui est utilisé en faveur du cumul, c'est celui du lien avec le territoire local, c'est-à-dire permettre aux élus de garder un lien fort avec le territoire sur lequel ils ont été élus. (…) Cet argument n'est pas très convaincant car les députés et les sénateurs ont toujours un rôle de représentation de leur territoire, même s'ils sont élus de la Nation. Ils n'ont pas besoin, pour exercer leur mandat, d'avoir en plus une autre fonction."

5/ Pourquoi le non-cumul favoriserait la féminisation et le renouvellement des élus ?

L'idée est simple : lâcher un mandat, c'est permettre à d'autres personnes d'y accéder. Dans un Parlement dominé par les hommes d'un certain âge, le renouvellement entraînerait à la fois rajeunissement et féminisation des élus. Et si cela ne suffit pas, nombreux sont ceux qui militent pour l'instauration de quotas…

Bastien François explique :

On sait très bien que le cumul des mandats, pris à la fois de façon synchronique (occupation de plusieurs positions en même temps) et diachronique (le cumul des mandats dans le temps), a pour effet de limiter le renouvellement de la représentation. Ce qui fait qu'on a le Parlement le plus vieux d'Europe, (…) et l'un des Parlements qui a le moins de femmes. On a un système de notabilité patriarcale qui se fige dans l'occupation de toute une série de positions au plan local et national."
 


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