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Censurée à Versailles Vasconcelos étale son lustre à Paris

jeudi, 26 juillet, 2012 - 14:03

Interdite d'exposition à Versailles, "La Mariée", lustre géant avec pour bougies des tampons hygiéniques, s'expose au Centquatre, à Paris. Pour Catherine Pégard, présidente du château, l'œuvre n'était pas "en résonance" avec la demeure royale. "Censure" crie l'artiste portugaise Joana Vasconcelos.

Une œuvre étonnante orne le hall du 104, "établissement artistique de la Ville de Paris", jusqu'au 18 septembre. De loin, on distingue un lustre blanc imposant, de cinq mètres de hauteur. Mais lorsque le visiteur approche, en lieu et place des bougies ou ampoules attendues, son regard est happé par l'éclat d'une multitude de tampons hygiéniques… 25 000 pièces cotonneuses immaculées, plastifiées, reflètent la lumière naturelle : un détournement inattendu du décorum de prestige des salons du 18ème siècle.

"C'est sans doute ma création la plus importante et emblématique, c'est elle qui m'a fait connaître sur la scène internationale de l'art contemporain, avec une première présentation lors de la Biennale de Venise, en 2005", confie l'artiste portugaise Joana Vasconcelos, pétulante quadragénaire.

L'audace oubliée de Jean Jacques Aillagon 

Comment cette bien nommée "A Noiva" ("La mariée") a-t-elle élu domicile dans le 19ème arrondissement parisien, alors qu'au même moment, le château de Versailles consacre sa programmation estivale à sa créatrice ? Le décalage symbolique, pourtant plus drolatique que réellement subversif de l'œuvre, n'a semble-t-il pas été du goût de la nouvelle direction de l'établissement public. "Censure !" crie l'artiste.

Le château n'est pas une galerie, les œuvres présentées doivent entrer en résonance avec ce lieu"

estime l'ex-journaliste de l'hebdomadaire Le Point, Catherine Pégard, aujourd'hui à la présidence du domaine royal à la suite de Jean Jacques Aillagon.

Ce dernier avait pourtant placé l'année 2012 sous le signe d'une certaine audace: après l'Américain Jeff Koons, le Japonais Takashi Murakami ou le Français Bernar Venet, son choix s'était porté sur Joana Vasconcelos : une femme (une première!), qui plus est jeune, et à la production extravertie.

Mais la mise à l'écart de la Noiva par son successeur à Versailles brise cet élan  révolutionnaire.

Alors que l'œuvre était inscrite dans le premier projet d'exposition, elle en a été retirée au dernier moment, sans qu'il me soit donné d'explication"

précise Joana Vasconcelos.

Décidée à ne pas laisser dans le placard sa pièce maîtresse, elle se tourne alors vers l'établissement culturel du 104, qui dit "oui" à cette prétendante, pour une exposition juillettiste au pied levé.

Les déconvenues de "La mariée"

La Noiva n'en est pas à sa première déconvenue : au Portugal, en 2005, elle avait déjà essuyé un premier refus, avant de provoquer, peu après, à Budapest, une levée de bouclier de la part des techniciens chargés de son montage…

Qu'exprime-t-elle pour déchaîner ainsi les passions ? Rien de très provocant pourtant, au point que l'on puisse soupçonner certaines institutions culturelles d'un réel puritanisme…

La nature du processus créatif de Joana Vasconcelos repose sur la décontextualisation d'objets et réalités du quotidien : l'artiste s'amuse des décalages, des alliances entre l'industriel et l'artisanal, entre le luxe et l'ordinaire.

Avec La Noiva, j'ai voulu apporter un regard critique à l'hypocrisie de la société"

explique-t-elle.

L'œuvre dénonce les convenances sociales qui drapent la médiocrité du quotidien et la libération des mœurs d'un voile factice d'opulence et de pureté. A Versailles, à la Cour du Roi Soleil, le lustre de la mariée aurait peut-être gagné un vernis subversif. Au 104, elle surprend, prête surtout à sourire, pas plus.


Joana Vasconcelos
A Noiva [The Bride ou La Mariée]
Jusqu'au 18 septembre 2012
Au 104
5 rue Curial 75019 PARIS M° Riquet (ligne 7) Billetterie:  01 53 35 50 00


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