Le plan anti-tabac français, qui devrait être dévoilé d'ici la fin du mois, inclura une hausse du prix des cigarettes de 6%. Les buralistes protestent par ailleurs contre le projet de paquets génériques. Ailleurs en Europe, les restrictions se multiplient avec une intensité diverse.
(article du 5 septembre complété)
Le 5 septembre dernier, les buralistes français ont tendu un drap blanc devant leurs présentoirs de paquets de cigarettes. Une opération baptisée "buralistes génériques". Ils ont pris ainsi les devants, alors que le gouvernement devrait présenter d'ici la fin septembre, son plan anti-tabac.
Il comprendra une hausse des taxes sur les cigarettes de l'ordre de 6% et peut-être plus sur le tabac à rouler. Mais la ministre de la Santé, Marisol Touraine, avait prévenu en juillet dernier sur BFM-TV vouloir également
se battre, en particulier au niveau européen pour faire en sorte que nous allions vers un paquet neutre, c'est-à-dire un paquet sans marque, qui ne soit pas attractif, séduisant".
La Commission européenne est sur la même longueur d'onde. L'exécutif européen envisage l'imposition du paquet de cigarettes "neutre". Bruxelles prépare pour l'automne une proposition de révision la législation européenne sur le tabac invitant les pays de l'Union européenne à imposer des paquets de cigarettes anonymes.
L'exemple de l'Australie
Ces annonces surviennent au lendemain d'une décision de justice australienne déboutant les fabricants de tabac qui contestaient la constitutionnalité de la loi imposant ces paquets neutres, tous de même couleur, sans marque ni logo et comportant des messages.La loi australienne doit entrer en vigueur dans ce pays en décembre 2012.
En France, depuis avril 2003 des photos choc ont complété les avertissements sur les paquets de cigarettes alertent les consommateurs sur les risques pour leur santé et non plus seulement des messages d'avertissement, tels que "fumer tue". En fait, la France n'avait fait qu'appliquer avec plusieurs années de retard sur ses voisins européens une demande européenne.
Les Anglais tergiversent
En Europe, le Royaume-Uni a été pionnier en la matière. Dès le 1er octobre 2008, les Britanniques ont eut droit à ces illustrations se voulant dissuasives sur leurs paquets de cigarettes, en remplacement des avertissements écrits. Depuis, les lobbies anti-tabac, très puissants outre-manche, préconisent des paquets anonymes, uniformément bruns ou blancs.
Le précédent gouvernement travailliste avait fait voter une loi interdisant la vente de cigarettes dans les magasins autres que les tabacs, comme c’est le cas en France. Sans remettre en cause cette loi, les conservateurs aujourd'hui au pouvoir n'ont toujours pas jugé nécessaire de veiller à son application.
"Dans la mesure où le gouvernement a reconnu que cette législation était nécessaire, on a du mal à comprendre pourquoi sa mise en œuvre a été repoussée", s’étonne Le Professeur John Britton, président du Tobacco Advisory Group.
Le chic contre le choc en Belgique
Chez nos voisins belges, où la mesure a été appliquée il y a deux ans, une parade anti-images chocs a été trouvée. Des étuis en carton customisés sont ainsi vendus pour des sommes relativement modiques (entre 50 cents et 1 euro) et permettent aux fumeurs de cacher les images désagréables tout en personnalisant leur paquet avec une touche d’humour. Les créateurs de ces sur-paquets récusent un contournement des mesures étatiques et démentent se faire de l’argent sur le dos des réformes. Leur seul but : l’embellissement des paquets. Fumeux vous avez dit ?
Effets relatifs en Espagne
Cela fait deux ans que les paquets de cigarettes espagnols doivent comporter des images exposant les risques du tabac aux fumeurs. En 2004, le pays a, lui aussi, ratifié la Convention cadre de l’OMS, dans laquelle a été incorporée en 2008 une directive pour l’utilisation d’avertissements avec des images, censés être plus efficaces que ceux composés seulement par du texte. Selon une enquête de 2011 "Eurobaromètre", 26% des européens pensent que les légendes actuelles aident à arrêter de fumer, et 62% croient que l’ajout de photos aura d’autant plus d’impact.
Pourtant, d’après une étude de chercheurs des universités de Grenade et des Baléares qui ont analysé l’effet de ces photos sur les fumeurs, celles-ci se révèlent insuffisamment impactantes et certaines sont mêmes considérées comme agréables (!). Sur les 35 images utilisées en Espagne, 6 ont été évaluées "positives" par le panel.
Mesures a minima ?
Jusqu'à présent, aucune mesure n'a permis d'établir de corrélation entre l'apparition des images et une quelconque diminution du nombre de fumeurs. Il faut dire que, plus généralement, les politiques anti-tabac ne présentent pas le même degré de coercition selon les pays européens.
L’augmentation du prix du tabac semble être la seule mesure avec un effet véritable sur la consommation depuis quelques années. Les utilisateurs et les buralistes râlent, mais les associations anti-tabac et l’Etat y trouvent chacun leur compte : moins de fumeurs pour l’un, des taxes plus élevées pour l’autre.
Les lieux publics sans tabac
Dans douze pays de l’Union, il existe une interdiction générale de fumer dans les lieux publics ou sur les lieux de travail. Dans trois d’entre eux – Irlande, Royaume-Uni, Chypre – l’interdiction est totale et ne souffre aucune dérogation ou aménagement.
Dans les autres – dont la France, l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas – les bars et restaurants peuvent prévoir une pièce séparée et ventilée selon des normes plus ou moins drastiques (ces normes sont très sévères en France). Mais dans quinze autres Etats – dont l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark – l’interdiction n’est que partielle.
Encore des « paradis pour fumeurs » ?
Ainsi, en Allemagne, à l’exception de la Bavière, les restaurants et bars peuvent conserver des zones fumeurs. En Autriche également où les zones fumeurs sont fréquentes, comme dans les célèbres cafés viennois.
Sur les lieux de travail, certains pays se montrent assez laxistes. Au Danemark, par exemple, les pièces fumeurs sont autorisées, notamment pour les personnes seules. En Allemagne, il est simplement spécifié que les employeurs doivent prendre des mesures pour protéger les non-fumeurs.
Pas d’effets très manifestes des mesures de restriction…
Il ressort de l’eurobaromètre 2012 que les fumeurs représentent 28% des plus de quinze ans dans l’Union européenne. Ils étaient 29% en 2009 et 32% en 2006. En 2012, la France est exactement à la moyenne européenne avec 28% de fumeurs. Ils ne sont que 26% dans une Allemagne pourtant plus laxiste mais en trois ans, le nombre de fumeurs a beaucoup plus reculé en France qu’Outre Rhin.
Les pays où le tabagisme est le plus sévère sont la Grèce (avec 40% de fumeurs), en Bulgarie (36%), en Autriche et en Espagne (33%). De très loin, le pays le moins fumeur d’Europe est la Suède (13%) alors que la législation n’y est pas particulièrement rigoureuse.
… mais les taxes sur le tabac plutôt efficaces
De là à conclure que la législation n’a pas d’effet sur la consommation, il y a un pas à ne pas franchir. Surtout, outre les interdictions, le poids des taxes joue un rôle important. On le voit avec l’Espagne où la taxation est assez légère et où les fumeurs représentent un tiers de la population alors qu’en Italie – où la fiscalité sur le tabac est lourde – ils ne sont plus que 24%.
L’Italie est d’ailleurs le pays d’Europe où le nombre de fumeurs s’est le plus réduit en six ans avec une baisse de sept points. A l’inverse, l’Autriche qui est très laxiste au niveau des interdictions et où les taxes sont plutôt douces a vu le nombre de ses fumeurs progresser de deux points depuis 2006.