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Le gouvernement français englué dans le diesel

vendredi, 14 septembre, 2012 - 16:35

Les diesels interdits dans les centres-ville? L'idée, reprise à l'occasion de la Conférence environnementale organisée à l'initiative de François Hollande, fait son chemin. Le gouvernement et les municipalités doivent désormais agir, alors que les particules fines sont reconnues comme hautement cancérigènes. A l'exemple de l'Allemagne.

Faut-il interdire les voitures diesel dans les grandes villes pour réduire les rejets de particules cancérigènes? Jean-Vincent Placé, président du groupe EELV au Sénat, demande au gouvernement, ce vendredi, jour d’ouverture de la Conférence environnementale, l'interdiction des véhicules fonctionnant avec ce type de carburant dans les métropoles françaises d'ici à trois ans.

Ce sont des mesures notamment européennes qui commencent à se mettre en place et nous, comme souvent, nous sommes à la traîne"

déplorait ce matin sur Europe 1, l'élu de l'Essonne.

Pratiquement au même moment le député socialiste de Paris Jean-Marie Le Guen était exactement sur la même longueur d'onde, bien qu'étant sur une radio concurrente, RTL.

Il ne s'agit pas de punir (les automobilistes), il s'agit de prévenir des conséquences qui de toute façon devront être prises".

Pour le moment, les seules mesures prises pour réduire la pollution des diesels dans les centres urbains sont des décisions de principe de certaines municipalités. Paris, Saint-Denis, Bordeaux, Lyon, Grenoble, Clermont-Ferrand, et Aix-en-Provence se sont portées volontaires pour expérimenter le principe de Zones d'action prioritaires pour l'air (ZAPA). Dans les centres-villes, les véhicules les plus polluants, principalement les diesels, seraient interdits. Mais pour le moment seul le montant des amendes a été publiées au Journal Officiel en février dernier (!). 

Ce sera, selon l’article 182 de la "loi Grenelle 2", 68 euros pour les automobiles et 135 euros pour les autocars et les camions. Depuis, à la mairie de Paris, il semble, pour l'heure surtout urgent de temporiser. Ceci d'autant plus que les deux-roues qui fluidifient pourtant considérablement le circulation dans la capitale seraient eux aussi interdits de circuler étant considérés, s'ils ne sont pas très récents, comme polluants. On imagine facilement l'absurdité d'une telle mesure pour les Parisiens de plus en plus nombreux à avoir opté pour un scooter ou une moto pour se déplacer plus facilement.

Interdit à Berlin

En Allemagne, près de 40 villes interdisent déjà les diesels les plus polluants. A l'exemple de Berlin où depuis 2008 seuls les véhicules respectant les normes européennes anti-pollution et les diesels avec des filtres à particules sont autorisés à circuler dans le centre-ville. Une vignette "verte" doit être apposée sur le pare-brise. Elle est délivrée après vérification du niveau de pollution du véhicule. L’amende en cas d'infraction est de 40 €.

En France, championne mondiale du gazole, les véhicules diesel ont longtemps été considérés moins polluants que les véhicules essence qui consomment plus et rejettent une quantité plus importante de CO2, gaz contribuant à l'effet de serre. Mais c'était sans compter les rejets de particules et d'oxydes d'azote.

Ce que tous les médecins savaient, en premier lieu les pneumologues qui voient leurs patients souffrant d'insuffisances respiratoires souffrir les jours de pics de pollution, a été officiellement confirmé en juin dernier par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC). Cette agence de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), a classé les particules émises par le diesel (benzopyrènes) parmi les "cancérogènes certains".

Plus aucun doute ne subsiste donc quant à la dangerosité de ce carburant. Selon le ministère de l’Ecologie, les particules émises notamment par les moteurs diesels seraient à l’origine chaque année de 42 000 décès. Outre le cancer du poumon, ces particules fines engendrent un risque accru de cancer de la vessie.

Face à ces dangers mortels désormais officiellement reconnus, les autorités sanitaires, en France comme ailleurs, doivent désormais prendre des mesures drastiques pour réduire la pollution engendrée par les voitures diesel. Cela tombe au plus mauvais moment pour Peugeot aujourd'hui en perte de vitesse. La marque française a tout misé sur le gazole après les chocs pétroliers des années 70, les moteurs diesel consommant sensiblement moins que les moteurs essence.

Filtres ou passoires à particules ?

Les constructeurs automobiles avaient déjà été contraints d'installer des filtres à particules sur leurs véhicules diesel. Toutes les voitures diesel neuves sont aujourd'hui équipées de ce filtre. Problème: ces filtres ne sont efficaces qu'après avoir atteint une température importante. Ils sont donc inefficients pendant plusieurs kilomètres quand le moteur est froid.

Et même quand la bonne température de fonctionnement est atteinte, ils laisseraient passer 10% des microparticules les plus dangereuses. Plus elles sont fines, plus elles restent longtemps en suspension et plus leur taille leur permet de se nicher au plus profond des voies respiratoires. Résultat: l'espérance de vie moyenne en région parisienne serait amputée de six mois.

Or en France, 60% des véhicules roulent au diesel. Record mondial. Les voitures diesel représentent 51% des ventes de véhicules neufs en Europe et 72% en 2011 dans l’Hexagone. Une part qui a même atteint 83,5 % sur les premiers mois de 2012. Le contraste est total avec la majorité des autres pays dans le monde où le diesel est souvent marginal.

Dans certains pays, aux Etats-Unis notamment, il n'existe pratiquement pas. Il est vrai, qu'outre-Atlantique, ce carburant ne bénéficie pas de taxes réduites par rapport au "sans plomb". Un carburant beaucoup moins polluant depuis la généralisation des pots catalytiques bien avant le filtre à particules obligatoire sur les voitures neuves depuis… février 2011.

Pour Europe écologie-Les Verts, c'est un

scandale sanitaire comparable à celui de l'amiante" et "une erreur historique de l'Etat français qui a toujours cherché à promouvoir le diesel par une fiscalité avantageuse".

Un favoritisme fiscal anachronique

De plus, si les véhicules diesel émettent une quantité plus faible de CO2 que les véhicules essence, ils ne sont pas pour autant sans conséquence sur le réchauffement climatique. Le diesel rejette, plus que l'essence, des oxydes d'azote, qui sont doublement nocifs. A la fois irritants et gaz à effet de serre, ils sont nuisibles pour la santé mais aussi la planète. Mais sous la pression des grands constructeurs hexagonaux, les gouvernements français, de droite comme de gauche, ont toujours privilégié le diesel en taxant plus lourdement l'essence. Une position aujourd'hui intenable.

La norme européenne "Euro 6" va limiter le rejet de ces gaz par les véhicules. Elle entrera en vigueur en 2014 et prévoit une diminution "importante" des émissions d'oxydes d'azote par les diesels.

La Commission européenne veut aller plus loin avec sa nouvelle directive sur la taxe carbone. Elle souhaite dissuader, par un prix plus élevé à la pompe, les automobilistes tentés par le diesel. Cette directive pourrait permettre de réduire le nombre de véhicules diesel en circulation.

L'écart de prix à la pompe entre le diesel et l'essence pourrait être réduit: la directive instaurerait une taxe minimale unique sur le diesel au sein de l'UE. Au nom de l'harmonie fiscale contre le réchauffement climatique, la Commission espère ainsi rétablir l'équilibre entre le prix des différents carburants.

Mais il lui faudra d'abord convaincre le gouvernement français naturellement peu enclin à affronter la colère des automobilistes qui ont opté pour le diesel pour limiter leurs dépenses de carburant. En ces temps de baisse du pouvoir d'achat c'est politiquement difficile à assumer.




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