Une véritable ambiance de cathédrale… Dans l’immense bâtiment tout blanc, des centaines de "fidèles " sont en pèlerinage. Ils parlent à voix basse, français, anglais, japonais ou hindi. Nous ne sommes pourtant pas dans une église, une mosquée ou une synagogue, mais au musée Porsche.
Deuxième volet d'une série de reportages au pays de l'automobile.
Inauguré en janvier 2009, ce sublime bâtiment imaginé par le cabinet d’architectes autrichien Delugan Meissi semble flotter dans les airs. Reliée au sol par trois énormes piliers, cette structure de 35.000 tonnes, tout de verre et métal, défie les lois de la gravité. Ses angles irréguliers et son design épuré valent à eux seuls le détour. Même les personnes allergiques à l’automobile se doivent de découvrir cet édifice sans pareil qui a nécessité près de 3 ans de travaux et 100 millions d’euros d’investissement.
Au coeur de l'empire
Le musée est au cœur même de l’empire Porsche. Construit à Zuffenhausen, un quartier sans charme au nord-est de Stuttgart, il se trouve juste en face de l’usine où les premières Coccinelles sont sorties des chaînes d’assemblage en 1938 (il s’en vendra… 21,5 millions d’exemplaires jusqu’à l’arrêt de sa production en 2003). C’est encore là que sont fabriquées aujourd’hui les mythiques 911 ainsi que les moteurs de l’ensemble des modèles de la marque.
Bon nombre de visiteurs sont des accrocs des bolides survitaminés du groupe. En témoigne les voitures sur le parking du "Porsche Museum": 911, Cayenne, Boxster, Panamera… Tous les modèles actuels ou presque du constructeur sont garés là.
On retrouve leurs heureux propriétaires un étage au-dessus entrain de faire leurs emplettes dans la boutique qui propose une gamme complète de produits dérivés arborant le célébrissime logo sur lequel figure les armoiries de la maison de Würtenberg et le blason de la ville de Stuttgart. Les miniatures de modèles "mythiques" sont les plus recherchées.
Fidélité quasi-mystique
Des messieurs d’âge mûr aux poches bien pleines s’achètent ces "petites voitures" sous le regard attendri ou énervé de leur épouse. Un visiteur, Marco Kolher, patron d’un très grand fabricant mexicain d’électroménager, nous dit avoir pas moins de douze Porsche dans son garage de Mexico City. La seule autre automobile qu’il a récemment achetée est une Mini pour son épouse.
La fidélité quasi-mystique de ces conducteurs explique leur comportement dans "l’antre" de Zuffenhausen. La plupart des visiteurs prennent en photo sous tous les angles possibles et imaginables les 80 modèles qui sont présentés dans le musée. La collection est, il est vrai, impressionnante.
En haut de l’interminable escalator qui conduit les curieux dans l’espace d’exposition de 5600 m2 apparait la carrosserie tout en aluminium de la Type 64. Imaginé en 1939 par Ferdinand Porsche, ce coupé à l’aérodynamisme révolutionnaire pour son époque possède déjà tous les codes que l’on retrouve aujourd’hui sur les sportives du groupe.
Cultissime Spyder de James Dean
A côté, le tout premier modèle de propulsion hybride imaginé par le génial ingénieur allemand et présenté à l’Exposition universelle de Paris en… 1900. Centrée autour de six thèmes différents ("rapide", "légère", "intelligente", "puissante", "intense", "cohérente"), l’exposition vaut le détour même si ce n'est pas en Porsche. Le visiteur suit un parcours en spirale qui le fait monter d’un niveau à l’autre sans même qu’il s’en aperçoive. Tout a été conçu pour mettre en valeur ces modèles exceptionnels
Les amateurs d’histoire de l’automobile apprécieront ainsi les prototypes de la 911 ou de la Boxster. La cultissime 550 Spyder dans laquelle James Dean trouva la mort à l’âge de 24 ans sur le circuit de Salinas en Californie est là aussi.
Aucune mention toutefois n’est faite sur le passé trouble de la marque durant la seconde guerre mondiale à la différence des musées de Mercedes, BMW et Audi qui assument, eux, leurs erreurs…
Dans cette banlieue de Stuttgart, les passionnés de sport automobile pourront rêver devant les nombreux bolides qui se sont fait remarquer durant les 24 heures du Mans comme cette 336/77 Spyder qui remportera la course reine de l’endurance à trois reprises (1976, 1997, 1981). La 917 KH Coupé a, elle, parcouru les 1000 kilomètres de Spa à une vitesse moyenne de… 249,069 km/h. Ce record de 1971 tient toujours !
Et que dire de la célèbre 959 qui gagna le Paris Dakar en 1986 ? Les fous de mécanique n’ont pas non plus été oubliés avec la présentation de nombreux moteurs et la description de plusieurs innovations développées par le constructeur comme les freins en céramique ou la boîte de vitesse robotisée à double embrayage.
Forcément indécent
En toute fin de parcours, des expositions temporaires sont installées pour quelques mois. Pour fêter le 60ème anniversaire des Porsche Clubs, des amateurs ont ainsi prêté quelques modèles rarissimes telles cette 911 Turbo Targa fabriquée en 1988 à 297 exemplaires ou cette récente 911 Club Coupé dont la production n’a pas dépassé… 13 unités.
Avant de reprendre l’escalator qui les redescendra vers la dure réalité de la conduite urbaine, que ce soit en Porsche ou en Clio, les curieux peuvent s’asseoir dans une 911 Carrera 4S Cabriolet pour se faire prendre en photo et garder un souvenir de Zuffenhausen.
Au rez-de-chaussée, le passionné prendra enfin quelques minutes pour regarder derrière une immense paroi vitrée le garage où les mécaniciens du groupe restaurent des modèles anciens emmenés là par leurs propriétaires fortunés. Ce rêve a un prix : 8 euros pour le musée ou de très nombreuses épaisses liasses de billets pour s’offrir les clés d’un bolide gourmand en carburant.
Indécent en ces temps d'austérité. Certainement, mais la crise n'interdit pas de rêver.