L'usine-monument de BMW à Leipzig est une œuvre d'art. C'est aussi un site de production hyper robotisé avec une productivité à faire pâlir d'envie les marques françaises. Loin, très loin, d'Aulnay.
Dernier volet de notre enquête sur l'Allemagne pays de l'automobile.
Ils sont fous ces allemands… Habituellement pour construire une usine, une entreprise fait appel à un architecte pour lui demander d’imaginer un bâtiment fonctionnel et le moins coûteux possible. Un vaste espace correctement aéré et recouvert d’un toit vite assemblé fait normalement l’affaire. Il suffit de se promener dans une zone industrielle pour s’apercevoir que le design et la beauté sont rarement des facteurs pris en compte dans le cahier des charges des sociétés.
1,2 milliard d’euros
BMW a, lui, choisi une stratégie diamétralement opposée. Estimant qu’un joli bijou aussi petit soit-il mérite un bel écrin, le constructeur munichois a fait appel à Zaha Hadid pour lui dessiner les lignes de son usine de Leipzig qui assemble ses deux modèles de poche, la Série 1 et le X1.
Cette anglo-irakienne au caractère bien trempé est la conceptrice de plusieurs bâtiments emblématiques dont les opéras de Canton et de Cardiff, le tremplin de saut à ski d’Innsbruck et l’Aquatics Centre des Jeux Olympiques de Londres. Elle est la première femme à avoir reçu en 2004 le prix Pritzker. Ce "Nobel de l’architecture" a, entre autres stars du métier, été décerné à Frank Gehry, Christian de Portzamparc, Renzo Piano, Norman Foster ou Jean Nouvel.
Résultat, l’usine de la marque à l’hélice, qui a nécessité trois ans de travaux et a coûté la bagatelle de 1,2 milliard d’euros, est à couper le souffle.
Silence de cathédrale
Les nombreux groupes de curieux qui suivent les visites guidées organisées chaque jour se sentent tout petit dès leur entrée dans cet imposant complexe de 50 hectares perdu au milieu d’un vaste espace de 229 hectares.
Le gigantesque hall d’accueil en béton brut abrite les bureaux des cols blancs. Mais pour leur rappeler qu’ils ne sont qu’un simple maillon de l’immense chaîne de fabrication des automobiles qui sont assemblées par les ouvriers dans les autres bâtiments de l’usine, Zaha Hadid a eu l’idée de faire passer au-dessus de leurs têtes les carrosseries brutes des voitures.
Dans un silence de cathédrale et éclairés par une jolie lumière bleue, les squelettes des M1 passent ainsi d’un bâtiment à l’autre sous les yeux ébahis des curieux. Les plaques d’acier livrées chaque jour commencent par être embouties dans un bruit assourdissant par une énorme machine capable de développer une pression de 10.300 tonnes.
Dans un autre hall, près de 700 robots effectuent à une vitesse impressionnante les 5000 points de soudure présents dans un Série 1. Un autre bâtiment entièrement automatisé abrite les machines qui appliquent les 4 couches de peinture qui protègent et décorent chaque véhicule. Les carcasses préparées sont ensuite assemblées par les ouvriers. Chaque modèle monté est unique en son genre.
"Nos options permettent des dizaines de milliers de combinaisons différentes", vante Michael Janssen, le porte-parole de l’usine.
Vous ne verrez donc jamais deux voitures exactement similaires sur nos chaînes de montage. Nous devons en conséquence nous assurer que les pièces qui sont livrées par nos sous-traitants arrivent à temps à l’usine car nous n’avons pratiquement aucun stock ici."
Voitures électriques et embauches
Chaque jour, près de 500 semi-remorques apportent des quatre coins de l’Europe près de 16.000 m3 de composants à Leipzig.
Superbe, cette usine est également championne de la productivité. Le 9 décembre dernier, la millionième Série 1 est sortie de ses lignes d’assemblage. Et l’année prochaine, BMW produira sur ce site sa première voiture électrique, la i3, bientôt suivie par la i8. L’énergie utilisée pour la production de ces véhicules sera générée par quatre éoliennes installées sur place. Le constructeur a prévu d’investir 400 millions d’euros et d’embaucher 800 personnes supplémentaires pour fabriquer ces nouveaux modèles.
Zaha Hadid, qui a déjà eu l’honneur d’avoir sa rétrospective au musée Guggenheim de New York, ne devrait pas travailler sur cet agrandissement. Toujours très demandée, l’architecte a d’autres projets dans ses cartons…