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Angela Merkel à Athènes : une visite explosive

mardi, 9 octobre, 2012 - 07:48

Pour les Grecs la visite aujourd'hui à Athènes d'Angela Merkel a été vécue comme une provocation. La chancelière pensait-elle vraiment pouvoir atténuer leur animosité envers l'Allemagne? Ou est-ce une "opération de com" particulièrement malvenue en ce jour anniversaire du bombardement de la capitale grecque en 1944 par les nazis.

Qu’est venue faire Madame Merkel à Athènes? Ce mardi 9 octobre, qui, comme le soulignait un quotidien du matin, était le jour anniversaire du bombardement d’Athènes par les Allemands en 1944, 3 jours seulement avant la libération de la ville.

Cette même ville était aujourd’hui en état de siège: centre-ville quadrillé, 7 000 policiers (dont 30 hommes-grenouilles!) sur le pied de guerre, des manifestations interdites (une première depuis la dictature) pour accueillir la chancelière allemande. Mais pourquoi cette visite inattendue, annoncée au dernier moment?

"Un signe de respect" selon le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle. La visite de la chancelière est

un acte de reconnaissance pour le gouvernement grec qui est soumis à une pression intense en raison de sa politique réformatrice"

affirme le ministre, dans un entretien paru dans le quotidien populaire Bild. Les Grecs ont mérité "l'équité et le respect", insiste M. Westerwelle.

Le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Seibert, lui a été plus explicite : en se rendant mardi à Athènes pour la première fois depuis le début de la crise, la chancelière allemande souhaite "soutenir" le premier ministre grec Antonis Samaras dont elle salue "l'effort de réforme".

Même l’opposition socio-démocrate, par la voix du le président du parlement européen, Martin Schulz (SPD), encourage la chancelière à exprimer sa sollicitude à l'égard des Grecs. Merkel "transmettra le message que nous les Allemands, sommes solidaires" des Grecs. Les Allemands doivent montrer que c'est aussi dans leur propre intérêt d'aider la Grèce et ne pas se comporter comme

un riche oncle qui sait tout mieux que tout le monde"

déclare-t-il au quotidien régional "Leipziger Volkszeitung".

Une provocation, répondent les Grecs. Que vient faire Angela Merkel dans un pays au bord du gouffre: on entre dans la 6° année de récession, le chômage atteint les 25 %, celui des jeunes – pourtant les plus diplômés d’Europe- est lui à 55%, les salariés et retraités ont vu diminuer leurs revenus de + de 30 % ces deux dernières années, plus de 1000 petites entreprises et commerces ferment chaque jour, la paupérisation se généralise, … ?

Un pays où la solidarité européenne n’a pas joué pour vraiment sauver la Grèce, ce petit pays méditerranéo-balkanique (2% de la population et du PIB européens) qui mettrait à lui tout seul en danger toute la zone euro ? Tous les syndicats ont appelés à manifester aujourd’hui.

Et, ironie de l’histoire, parmi eux, Bernd Riexinger, président de Die Linke, parti de gauche allemand, défilera aux côtés d’Alexis Tsipras, le leader de la gauche radicale, arrivé en 2° position aux dernières élections

Une "opération de com", suspectent les observateurs avertis. A l’aube du prochain sommet européen décisif des 18 et 19 octobre, où se jouera l’avenir de la Grèce mais aussi des autres pays du sud, la chancelière viendrait décerner à peu de frais un certificat "d’européanité" ou "d’européanitude", cache-sexe d’une Europe à 2 vitesses?

Une Europe du Nord, au secteur financier solide, industrialisée, investissant dans la recherche et le développement, et une Europe du Sud, affaiblie, avec un marché du travail ultra-flexible, des prestations sociales rabotées, des services publics au rabais, fonctionnant sur des relations inégales, comme la fuite des cerveaux du Sud vers le Nord ou l’accueil des touristes du Nord sur les plages du Sud ?

Un message à visée interne aussi, pour calmer l’opinion publique allemande, avant les élections en 2013.

Anti-germanisme

Le sentiment anti-allemand, né de l’imposition d’un roi bavarois au jeune Etat indépendant grec au 19° siècle et de la très dure occupation nazie durant la seconde guerre mondiale, s’est ravivé en Grèce ces dernières années avec la gestion de la crise.

Beaucoup de Grecs redemandent aujourd’hui le paiement des réparations de guerre, jamais remboursé. Car les Allemands sont considérés les chefs de file de cette politique de tutelle financière et politique imposée à la Grèce, certes après une gestion ubuesque du pays.

Cette politique, agrémentée de plans de sauvetage des banques et de rigueur drastique pour la population et mise en œuvre par la Troïka (Fonds monétaire International, Banque Centrale Européenne, Union Européenne) fait s’interroger : La Grèce serait-elle le premier "cobaye" de cette nouvelle Europe ? Le Portugal, l’Espagne, peut-être l’Italie suivront-ils ? Et la France serait-elle vraiment à l’abri ? 


Actualisation de cet article à 19h15:

Alors que, dans la rue, près de 30.000 manifestants anti-austérité criaient leur hostilité à l'orthodoxie financière prônée par la chancelière, Angela Merkel, restée souriante de bout en bout, a apporté son soutien au "dur chemin" choisi par le Premier ministre conservateur Antonis Samaras. La chancelière allemande a mis en avant les "progrès accomplis" par la Grèce, et l'a encouragée à poursuivre l'effort pour assurer son maintien dans la zone euro.

Les manifestations se sont déroulées pour l'essentiel dans le calme. La police a procédé à 12 arrestations.




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