Le sujet de la dépénalisation du cannabis n'en finit pas de revenir sur la table en France. Au regard de l'évolution de la consommation en Europe, il reste cependant difficile de valider l'efficacité respective des politiques de tolérance ou de répression.
Chaud-bouillant. Le sujet l'est à ce point en France que le gouvernement se refuse à ouvrir le débat sur la dépénalisation du cannabis qu'appellent pourtant de leurs voeux certains ministres (Vincent Peillon après Cécile Duflot).
Personne ne peut honnêtement prétendre que la législation actuelle – plutôt répressive, du moins dans les textes – soit parvenue à endiguer l'envol de la consommation chez les jeunes. Mais il est tout aussi difficile de démontrer que les réglementations tolérantes en vigueur dans de nombreux pays européens ont apporté la preuve de leur efficacité.
Malgré cela, un tour d'Europe est toujours riche d'enseignements, ne serait-ce que pour rappeler qu'un problème complexe ne saurait trouver des solutions simples ou univoques.
Quelques pays répressifs
Parmi les politiques suivies sur le continent à l'égard des drogues "douces" (notion qui, au passage, n'est retenue que dans quatre pays), on peut qualifier de "répressives" celles qui font de la consommation de cannabis une infraction pénale assortie de sanctions.
C'est le cas de la France où ce simple fait de consommer peut valoir à l’usager jusqu’à un an de prison et 3.750 € d’amende. En pratique, cependant, il y a une assez grande tolérance pour ce qui relève manifestement de l’usage personnel et il faut noter que les sanctions relèvent, non du code pénal mais du code de la santé publique. En fait, une très grande marge d’appréciation est laissée au juge puisque la consommation de cannabis va souvent de pair avec la détention et l’acquisition de la drogue qui, elles, peuvent être punies jusqu’à 10 ans de prison et 75.000 € d’amendes.
La pénalisation de la consommation de cannabis est également en vigueur en Suisse ainsi que dans quatre pays de l’Union européenne: la Suède, la Finlande, la Grèce et Chypre. Les sanctions prévues sont plus fortes en Finlande – 2 ans de prison – qu'en Suède et en Suisse – 6 ou 3 mois de prison.
Quant à la Grèce, pays particulièrement repressif, la fourchette pénale est énorme puisqu’elle va de 10 jours à quinze ans d’emprisonnement ! Sauf dans ce dernier pays, les nations qui pénalisent la consommation font preuve néanmoins d’une certaine tolérance pour l’usage personnel. Et certaines sont ouvertes à l’usage médical du cannabis.
Beaucoup de pays "tolérants"
Les pays dits "tolérants" sont plus nombreux. Cela ne veut pas dire que le cannabis y est légal mais simplement que son usage n’est pas expressément interdit, qu'il est simplement toléré. Aucune sanction n’est alors prévue pour peu que les quantités en cause ne révèlent qu’une simple consommation personnelle. Au delà, des sanctions peuvent être prononcées dans la mesure où l’on considère qu’il y a détention et commerce de cannabis.
C’est le cas le plus courant, notamment en Allemagne, Royaume-Uni, Danemark, Belgique, Portugal, République tchèque… etc. D’autres pays se montrent encore plus tolérants comme l’Italie ou l’Espagne puisqu'ils autorisent expressément l’usage du cannabis en petite quantité ou encore dans les lieux privés.
Ces deux pays vont même plus loin puisqu'ils tolèrent la détention et même la culture de petites quantités quand cela ne donne pas à supposer l’existence d’un trafic. C'est également le cas en République tchèque et aux Pays-Bas.
L'option néerlandaise: un encadrement…
Les Pays-Bas ont la réputation d’être particulièrement laxistes. Plus exactement, c'est le pays qui encadre le plus la consommation de cannabis. Depuis 1971, les Néerlandais peuvent consommer cette drogue douce dans des coffee shop, fonctionnant comme de "clubs privés" avec adhérents et cartes de fidélité. Ces établissements ne peuvent pas faire de publicité ou vendre aux mineurs et ils ont un stock théoriquement limité à 500 grammes.
Depuis 2011 cependant, pour restreindre le flux annuel des 4,6 millions de "touristes du joint", l'accès au coffee shop est désormais interdit aux étrangers non-frontaliers. Le résultat de cette mesure est plutôt mitigé puisque l'on a constaté une recrudescence des trafics et des dealers de rue, notamment dans le sud du pays.
… dont les résultats sont peu probants
Le cannabis a bien sûr engendré moins de trafic aux Pays-Bas que dans des pays plus sévères. Mais, en terme de consommation, le résultat est assez catastrophique puisque 14% des néerlandais de 15-16 ans consomment régulièrement du cannabis, soit le double de la moyenne européenne.
L'Espagne est un autre pays non-répressif depuis 2006 qui reproduit même, avec ces clubs sociaux, les coffee shop néerlandais. Ce qui n'empêche pas la consommation régulière des 15/24 ans d'y être la plus forte d'Europe (plus de 17%) et cette consommation tend plutôt à augmenter.
Le modèle portugais ?
Pourtant, la tolérance a incontestablement eu des effets bénéfiques au Portugal, où l'usage de toutes les drogues est dépénalisé depuis douze ans, avec une limite de 25 grammes pour le cannabis. Cette consommation de cannabis est restée très faible tandis que la consommation d'héroïne a fortement décru.
Dans ce pays, il est vrai, tout est fait pour dissuader le consommateur. Celui-ci doit passer devant une commission réunissant des avocats, des assistantes sociales et des psychologues qui détermineront si sa consommation est d’ordre "thérapeutique". Dans le cas contraire, il écopera d’une amende allant de 25 à 150 euros.
Une consommation en chute libre…
Autre cas, celui de la république tchèque où la détention et la culture de cannabis en petite quantité est autorisée depuis 2009. Même s'il reste le champion européen de la consommation de drogues douces, ce pays a vu récemment cette consommation chuter spectaculairement. Elle a été ainsi diminuée par deux chez les adolescents qui consomment régulièrement.
… ou qui reste marginale
A l’inverse, on trouve également des pays répressifs qui ont contenu la consommation de drogues douces. C'est le cas de la Finlande et, surtout, de la Grèce, pays à la législation très sévère où les 15/24 ans ne sont que 1,2% à consommer régulièrement contre près de 13% en France.
La France mal classée
Il ressort du rapport 2011 de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies que la France est plutôt mal classée en Europe. Spécialement chez les jeunes puisque les consommateurs réguliers de 15 à 24 ans y sont 12,7%, soit le deuxième plus mauvais chiffre après l'Espagne qui est à 17,2%.
La France est également numéro deux derrière l'Espagne pour la consommation quotidienne ou quasi-quotidienne des moins de 34 ans. L'Hexagone n'est en revanche qu'un peu au dessus de la moyenne européenne si l'on considère l'ensemble de la population.
L'analyse des chiffres reste peu éclairante
La confrontation des statistiques sur la consommation et des types de politiques mises en oeuvre n'est donc malheureusement pas très éclairante. La répression ne réduit pas la consommation si celle-ci est élevée. Elle peut cependant constituer une option adaptée dans les pays où l'usage du cannabis reste confidentiel.
Quant à la dépénalisation, elle n'a pas non plus d'effet très manifeste si elle ne s'accompagne pas d'une véritable politique de dissuasion. Et si elle tend à réduire le petit trafic, celui-ci tend à se reporter sur les drogues dures, à moins que l'usage de ces dernières soit lui aussi dépénalisé, comme au Portugal.