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Beppe Grillo, vainqueur en Sicile, veut marcher sur Rome

lundi, 29 octobre, 2012 - 17:26

Fort de sa victoire aux élections régionales en Sicile dimanche, le comique Beppe Grillo et son mouvement "5 étoiles" profite du rejet des partis politiques de droite comme de gauche. Une première étape avant de conquérir Rome aux législatives d'avril? Reportage en Sicile

"Une victoire en Sicile nous ouvrira les portes de Rome" avait prévenu Beppe Grillo. C'est chose faite.

Son mouvement anti-parti "Cinque stelle" (5 étoiles) devance le Parti démocratique (gauche) et la droite berlusconienne (PDL) qui s'effondre, selon les résultats partiels portant sur plus de la moitié des bureaux de vote. "5 stelle" recueillant près de 15%, le PD 13,5% et le PDL 12% (contre 33% lors du précédent scrutin).

Cette percée électorale du comique génois face à des partis politiques traditionnels minée par les scandales à répétition, avec en point d'orgue la condamnation de Silvio Berlusconi la semaine dernière à quatre ans de prison, et par le rejet de la politique d'austérité budgétaire de Mario Monti, lui permet de nourrir ses ambitions lors des élections générales en avril prochain.

"Il suffit d’une étincelle pour que le pays explose"

On va tous les envoyer à la casse ces élus véreux qui s’en foutent plein les poches alors que les Italiens sont obligés de se surendetter pour joindre les deux bouts"

Tonnait Beppe Grillo à la veille des élections régionales, dimanche en Sicile.

Calé dans un fauteuil, celui qui a fondé en 2009 le mouvement "5 Stelle" était représenté aux élections siciliennes par des membres de la société civile sans expérience politique. Il nous expliquait son dégout de la classe politique. Un dégout qu’il sait, dit-il, partager avec les Siciliens et, plus globalement, les Italiens fatigués par les partis traditionnels.

Ils ne se rendent pas compte que les Italiens sont exaspérés et les politiciens ne veulent pas comprendre qu’il suffit d’une étincelle pour que le pays explose"

prédit le trublion. En ajoutant, qu’au lieu de le diaboliser, les partis politiques devraient le remercier "d’occuper un espace vide qui pourrait être pris par les fascistes comme en Grèce et là, ce serait le drame".

Durant les quinze derniers jours, le comique a arpenté la Sicile en long et en large. Un déplacement parfaitement mis en scène. Il arrivé à la nage en traversant, dit-il, le détroit de Messine. Il est entré dans Agrigento dans une calèche sicilienne.

"Nous sommes un virus et ils ont peur"

On m’accuse de populisme. Je m’en cogne. La vérité, c’est qu’ils ont peur de nous car nous sommes comme un virus. Lorsque nous passons quelque part, les gens nous contactent immédiatement pour fonder une section. L’Europe nous regarde et dans certains pays, on nous cite déjà en exemple"

s’amuse Beppe Grillo.

Crédité de 22% au niveau national, le mouvement "5 Stelle " a séduit les Siciliens qui étaient appelés dimanche à renouveler leur conseil régional après la démission du gouverneur Raffaele Lombardo accusé d’avoir poussé l’ile au bord de la faillite.

A Palerme jeudi soir (le 25 octobre, Ndlr), plus de quinze mille personnes se sont bousculées pour l’écouter. Le lendemain, le candidat de la gauche Rosario Crocetta a dû se contenter d’un maigre parterre de 200 personnes tout au plus auxquelles il promettait une "bouffée d’air frais en cas de victoire". Les Siciliens, ça les a fait rigoler. "Il y a quinze jours à peine, il dînait en compagnie de Raffaele Lombardo" confie Maria. Policière avec un statut précaire depuis quinze ans (!), la quarantaine plaisante, elle partage avec son collègue Roberto, sa haine profonde des politiciens.

"Ils ont passé leur temps à nous bouffer la laine sur le dos pendant que nous, on a même pas de quoi finir le mois", s’énerve Maria. Elle a voté sans hésiter pour Giancarlo Cancelleri, le candidat du mouvement "5 Stelle" à la présidence du conseil régional.

C’est vrai, le programme du mouvement est vide. Mais on ne risque plus rien après des années de clientélisme et d’immobilisme"

estime Roberto.

"L'important, c'est de tous les chasser"

Pourtant, Beppe Grillo jure avoir écrit son programme avec l’économiste et prix Nobel Joseph Stiglitz qui a envisagé l’an dernier la sortie de l'Allemagne de l’euro de préférence à celle des pays du sud de l'Europe. Un programme basé sur la décroissance, le développement des énergies vertes, l’introduction d’un salaire minimum pour tous. Et surtout, une remise à plat des rémunérations des élus.

"Voter pour le mouvement, c'est lancer un signal à la classe politique" affirme Caterina. Cette obstétricienne âgée de 33 ans avait jusqu'à présent toujours voté pour le parti de Refondation communiste.

Ils n’ont rien fait, ils se sont comporté comme les autres. Alors après tout, on ne risque rien à essayer des gens qui n’ont aucune expérience politique"

ajoute Caterina.

C’est d’ailleurs sur cet argument que table Beppe Grillo lors des meetings.

Regardez les, ils sont cramponnés à leur fauteuil pour continuer à dévorer la chose publique. Nous ne discuterons jamais avec eux, on ne peut pas parler avec des gens aussi peu recommandables"

tonnait encore vendredi soir à Caltanissetta le trublion devant cinq mille personnes.

Tout en sirotant le fond de sa tasse de café, le trublion raconte son voyage en Sicile. Il parle des gens qui lui ont glissé "des coccinelles dans la poche pour lui porter des bonheur", des jeunes et des personnes âgées lui demandant de les aider "à ne plus crever".

Beppe Grillo parle déjà de l’avenir.

J’ai réfléchi à la présidence du Conseil. Certes pas comme premier ministre, je ne m’y vois pas. Mais il y a d’autres solutions. L’important pour le moment, c’est de tous les chasser"  




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