C’est une principauté qui dépend d’un empire. L’usine d’Audi à Ingolstadt est avec ses 2,2 millions de mètres carrés aussi grande que Monaco mais elle reste la vassale d’un "maître" bien plus puissant : Volkswagen. Dans cette cité industrielle de Bavière, les "quatre anneaux" sont partout présents. Visite pour comprendre pourquoi la marque vient d'être classée aux Etats-Unis meilleure marque européenne.
Bienvenue à "Audiland". La ville où l'on pense Audi, où l'on travaille Audi, où l'on roule Audi.
Parmi les 125.000 habitants de la ville, 32.000 travaillent pour Audi. On a donc vite fait de rencontrer un collègue lorsqu’on se promène dans le centre. Pour faire la fête, on préfère donc souvent aller à Munich ou à Nuremberg, histoire de ne pas se retrouver avec son patron quand on a bu une bière de trop…"
Explique un passant dans la rue d'Ingolstadt. On ne pouvait pas le rater avec son blouson … Audi.
A Ingolstadt, les salariés du maître des anneaux ont de toute façon beaucoup trop de travail pour penser à leurs loisirs. Afin de répondre à ses carnets de commande qui gonflent d’année en année, le constructeur fait tourner sa plus grande usine 24 heures sur 24 du lundi au dimanche compris.
Chaque jour, 2 700 voitures sortent de ses lignes d’assemblage qui tournent à plein régime. Ce site produit des A3, A4 et A5, mais aussi des tout-terrains Q5 ainsi que des décapotables TT et A3. En Europe, le groupe possède trois autres usines.
A Neckarlsum, les 14.000 employés fabriquent principalement les plus gros modèles de la marque (A4, A6, A7, A8 et R8) alors que les 7000 salariés hongrois de Gyor sont surtout spécialisés dans la production de moteurs. L’ancien berceau bruxellois de Volkswagen assemble, lui, les petites A1. Mais Ingolstadt reste et reste et restera le "cœur des anneaux".
Politique d'ouverture en Allemagne, de fermeture en France
Outre-Rhin, à Wolfsburg pour les Volkswagen, à Leipzig pour les BMW ou à Stuttgart pour les Porsche, les aficionados de ces marques préfèrent acheter directement leurs autos directement au producteur. Une vente directe qui leur permet de visiter l'antre où elles ont été fabriquées. Un marketing infaillible pour fidéliser les clients.
Quand en France, Renault atteint d'espionnite aiguë et Peugeot mal dans sa peau de constructeur en perte de vitesse, transforment leurs usines en bunkers, leurs concurrents germaniques affichent leur réussite en ouvrant en grand leurs portes. Cerise sur le gâteau pour Audi, la firme vient d'être classée meilleure marque européenne par Consumer Reports aux Etats-Unis.
Ainsi, chaque jour, près de 250 personnes font spécialement le déplacement à Ingolstadt, cette ville sans charme, pour aller chercher leur nouvelle auto avec en prime une visite guidée des chaînes d’assemblage de la marque. Plusieurs options leur sont proposées.
Acier at alluminium
Le circuit "acier et aluminium" leur fait découvrir le monde des alliages et la promenade commentée intitulée "plus que de la peinture" montre comment les robots appliquent sur les carrosseries 4 couches de peinture dont l’épaisseur totale ne dépasse pas celle d’un… cheveu.
D'autres préfèrent, eux, apprendre comment le constructeur protège l’environnement. Plusieurs "tours" sont aussi destinés aux enfants. Mais la plupart des curieux optent pour la visite de deux heures qui leur permet de faire un tour rapide mais complet de l’usine.
La viste commence par l’atelier d'emboutissage. Dans ces vastes hangars, le sol vibre sous vos pieds… Les gigantesques presses capables d’exercer une pression de 7300 tonnes transforment chaque jour en portières et autres ailes près de 1700 tonnes de tôle qui arrivent sous la forme d’énorme bobine de 3 kilomètres de longueur. "Cette pression est comparable à celle que produirait la population totale d’Ingolstadt si elle sautait à pieds joints au même moment", explique tout sourire Alexandra Woog, notre guide. La visite nous conduit ensuite aux ateliers de carrosserie.
Automatisation à 98%
Automatisés à 98%, ces chaînes, qui comprennent pas moins de 1650 robots qui coûtent, en moyenne, 40.000 euros pièce, soudent et collent les principaux éléments des voitures. Sur un modèle A4, pas moins de 125 mètres de produits adhésifs sont ainsi appliqués afin de renforcer notamment l’insonorisation et l’imperméabilité de l’habitacle et 4 974 points de soudure assurent la solidité de la berline.
Les chaînes d’assemblage comprennent, elles, beaucoup plus d'ouvriers. Les 5000 personnes qui travaillent là en 3/8 ne doivent toutefois pas chômer. En moins d'une minute et demie, les ouvriers devront donc visser, fixer ou poser les pièces dont ils ont la responsabilité. L’immense majorité des composants d’une Audi comme les tableaux de bord ou les fauteuils ne sont pas fabriqués ici. En réalité, à peine 28% des éléments d’une A3 ou d’un Q5 sont produits par la marque aux anneaux, le reste étant livré par des sous-traitants. Il ne faut toutefois pas plus de 30 heures pour qu’un rouleau de tôle se transforme en coupé sportif ou en break familial…
Union face à la crise de 29
Une visite à Ingolstadt ne serait pas complète sans un passage au musée du constructeur. Situé juste à côté de l’usine, il raconte l’histoire compliqué de ce groupe. Vous y découvrirez notamment une des toutes premières voitures crées par August Horch en 1903.
Cet ancien apprenti de Carl Benz est considéré comme le fondateur d’Audi. Frappé durement par la crise financière de 1929 (le nombre de constructeurs automobiles allemands est passé de 60 à 16 durant ces dures années), la firme est parvenue à survivre en réunissant ses forces avec trois de ses concurrents, DKW, NSU et Wanderer. L’Auto Union AG devint alors la marque "aux quatre anneaux".
La collection présentée en Bavière comprend de nombreux modèles anciens ainsi que les plus beaux bolides qui ont permis à la filiale de VW de gagner de nombreux rallyes et les 24 heures du Mans. Cette "principauté" n’a pas son rocher mais ses voitures valent le détour.
(Frédéric Therin envoyé spécial à Ingolstadt)