Les ministres des finances de la zone euro et le FMI ont adopté un nouveau plan d'aide à la Grèce. Il prévoit le versement dès septembre de près de plus de 34 milliards à Athènes. Un nouveau sauvetage accueilli sans le moindre enthousiasme par les Grecs qui ne croient plus en l'avenir de leur pays.
Sauvée la Grèce? L'accord des pays de la zone euro approuvant le versement dès le mois de décembre de 34,4 milliards d’euros à la Grèce, dont 23,8 milliards pour recapitaliser ses banques, a été accueilli avec circonspection par des Grecs qui n'y croient plus, la dette ne cessant d'augmenter au fil des plans de rigueur.
Elle devrait atteindre, selon les projections du FMI, 188 % du PIB en 2013. Certes, grâce aux milliards de la zone euro, plus ceux du FMI, si la Grèce "respecte ses engagements", sa dette devrait par la suite redescendre à 124 % du PIB en 2020 … au lieu des 120 % prévus jusqu’ici.
Mais en 2022, il faudra qu'elle passe "clairement sous les 110 % du PIB" ont prévenu ses créanciers réunis la nuit dernière à Bruxelles. Par ailleurs, la Grèce, aujourd'hui en profonde récession économique, doit, d'ici quatre ans, avoir un excédent budgétaire primaire (c'est à dire sans prendre en compte la charge de sa dette) de 4,5 % du PIB. Telles sont les nouvelles conditions imposées pour sauver de nouveau le pays de la faillite.
Bien évidemment, pour espérer un tel miracle en si peu de temps, le gouvernement grec va devoir continuer de tailler à la hache dans les dépenses publiques, y compris les budgets sociaux.
Enthousiasme non communicatif
Mais que pensent les Grecs de cet accord obtenu la nuit dernière à Bruxelles? Contrairement à ce que prévoyaient certains confrères étrangers qui s'attendaient au moins à des manifestations de soulagement et d'espoir retrouvé en l'avenir, ils sont, au mieux, restés de marbre à l'annonce d'un accord permettant d'alléger le fardeau du remboursement de la dette de leur pays.
Face à la perspective d'une 6° année de récession consécutive et d'un chômage à 30% pour 2013 et les difficultés de la vie quotidienne, le laborieux et complexe compromis européen entre les ministres des Finances de la zone euro et le Fonds monétaire international ne pèse pas lourd.
Ainsi, le Premier ministre grec Antonis Samaras a été bien le seul à saluer de manière dithyrambique cet accord:
Il s'agit d'un nouveau départ pour notre pays après neuf mois d'attente. C'est un grand jour pour la Grèce. Demain, commence un nouveau jour pour tous les Grecs".
Un enthousiasme non communicatif confirmé par les titres de la presse hellène d'aujourd'hui.
Seul le quotidien Ta Nea titre, sans sembler vraiment y croire dans ses colonnes, titre: "Le premier sourire pour la Grèce".
"Un compromis, après12 heures de marchandage…dramatique" estime pour sa part son concurrent Ethnos:
Mais pour Demokratia, les conditions imposées par les partenaires européens de la Grèce sont telles que c'est "Une nouvelle dose empoisonnée":
Pour Augi, c'est "Un feu d'artifice illusoire" à la place d'une vraie solution:
Dimitri , la cinquantaine, rencontré ce matin alors qu'il achéte son quotidien, se pose la question :
C'est un grand jour pour qui ? Pour la Grèce, pour les banques, pour les Grecs ? Pour la Grèce, je ne sais pas. Pour les banques, c'est sûr. Et pour les Grecs, j'en doute".
Dimitri est lucide sur le prix à payer pour cette somme débloquée par les Européens : l'application de nouvelles mesures d'austérité.
Prenez mon cas: Premièrement, je vais désormais travailler jusqu'à 67 ans, deux ans de plus que la moyenne des autres Européens. Mais je suis moins à plaindre que les femmes qui sont les grandes perdantes du dernier plan de rigueur. Tous les avantages du fait d'avoir élevé des enfants sont annulés et elles vont partir à la retraite quinze ans plus tard qu'aujourd'hui.
Deuxièmement, je vais payer encore plus d'impôts. Alors qu'ils avaient déjà monstrueusement augmentés déjà depuis l'année dernière. Sans parler de toutes les taxes spéciales, qui nous tombent dessus à tout moment.
Troisièmement, je ne pourrais bientôt plus me soigner. Alors que je travaille et que j'ai un relativement bon salaire. Ils ont regroupé toutes les caisses de sécurité sociale dans un nouvel organisme, EOPPY, qui est déjà au bord de l'asphyxie. Conséquence, les pharmaciens ne délivrent plus de médicaments".
Dimitri, comme d'autres, aurait été prêt à faire des sacrifices, pour désendetter le pays. Mais il ne croit plus à l'action de ce gouvernement, incapable de faire les réformes structurelles de fond, comme de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ou de remettre sur pied des organismes publics inefficaces du fait de la gangrène clientéliste.
L'argent qu'on va recevoir, qu'est ce que cela va changer ? Les salaires et les retraites vont être encore rabotés, alors que ce sont déjà les plus bas de l'eurozone. Or la vie n'est pas donnée à Athènes avec une TVA généralisée à 23% et l'essence la plus chère d'Europe.
Et Dimitri conclut :
Si le dilemme est de choisir entre euros ou drachmes, quelle est la différence d'être fauché en euros ou pauvre en drachmes ? Ce qu'il faudrait, plus que des doses d'argent qu'on nous refile comme à un drogué en manque, c'est une vraie politique de croissance avec des dirigeants politiques grecs et européens à la hauteur. Comme dirait ma mère, on ne peut pas faire une bonne soupe avec des haricots pourris".