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Désenchantés, les Néerlandais replongent dans le populisme

lundi, 10 décembre, 2012 - 18:03

Geert Wilders, le leader populiste néerlandais revient en force dans les sondages. Le grand écart entre libéralisme et travaillisme du gouvernement et sa communication catastrophique, ont sapé le moral des Néerlandais et leur confiance dans la politique. Un parallélisme troublant avec la France.

Au lendemain des élections néerlandaises du 12 septembre, nombreux sont ceux qui se sont réjouis de l'effondrement du populisme. Le pays redevenait "normal". Le "modèle des polders", système politique néerlandais basé sur la tolérance, le compromis et l'équilibre entre les communautés allait reprendre ses droits. On était de nouveau entre soi, entre démocrates sérieux et raisonnables face à la crise. "Retour vers des Pays-Bas ouverts et tolérants" titrait l'hebdomadaire Vrij Nederland.

Le tribun populiste Wilders, après l'annonce de sa déroute électorale aux législatives de septembre, avait même versé quelques larmes devant ses troupes atterrées. Certains parlaient déjà de son retrait de la politique. La rumeur d'un exil aux Etats-Unis et d'un travail pour un think tank de droite allait bon train.

Pourtant, ceux qui avaient enterré la carrière de Geert Wilders après les dernières élections néerlandaises sont allés un peu vite en besogne. J'avais terminé mon article au lendemain des élections en estimant que "le Parti de la Liberté ne devrait pas s'en remettre de sitôt. A moins d'une nouvelle crise grave de l'euro".

Une politique illisible et un grand écart gauche-droite

En fait c'est une crise de confiance grave envers le nouveau gouvernement néerlandais qui opère cette résurrection quasi-miraculeuse. Si l'on en croit le sondage de Maurice de Hond du 9 décembre, le PVV de Wilders serait aujourd'hui le plus grand parti des Pays-Bas avec 24 sièges à la chambre… Tandis que les libéraux du VVD et les travaillistes du PvdA, les deux partis de gouvernement, s'effondrent.

En mariant l'eau et le feu, les libéraux et les travaillistes ont déçu tout le monde.

  • Les électeurs du VVD attendaient un électrochoc de droite: réduction significative de la taxation des entreprises, coupes claires dans les budgets sociaux, cure d'amaigrissement des administrations accusées d'abriter pléthore de fonctionnaires, flexibilisation accrue du marché du travail en rendant plus facile le licenciement des travailleurs…
  • Les électeurs du PvdA espéraient le renforcement de la sécurité sociale, largement entamée par les réductions budgétaires du gouvernement précédent. Ils désiraient une protection accrue du travailleur contre les dangers de la crise européenne. Ils attendaient un investissement massif dans l'enseignement et l'embauche des jeunes.

Un grand écart social et politique impossible qui a débouché sur un programme contradictoire, décevant et illisible. Certaines taxes ont été réduites tandis que des aides supprimées par le gouvernement Rutte 1 étaient rétablies par le gouvernement Rutte 2. Il s'attaquait cependant dans le même temps à des mesures sociales fondamentales, comme l'aide aux personnes dépendantes.

Une incroyable accumulation de gaffes

Le gouvernement n'en est pas resté là : comme s'il devait confirmer à l'électeur cette mission impossible, il a accumulé les erreurs de communication sur des points essentiels de sa politique. Et notamment, sur un sujet qui tient particulièrement au cœur des Néerlandais : leur système de santé.

Pendant une dizaine de jours, les déclarations les plus contradictoires ont fusé de toutes parts : la prime d'assurance maladie serait désormais liée au niveau de revenu. Ensuite, ce niveau serait plafonné. Mais, des mesures correctrices… Chacun y est allé de son couplet, contredisant allègrement les déclarations de son allié, parfois même des membres de son propre parti. Le gouvernement lui-même donnait l'impression de ne plus rien comprendre à sa copie.

De quoi enflammer l'opposition et les syndicats. Des luttes intestines sont apparues au grand jour entre membres du parti libéral. Le NRC Handelblad, le journal économique et politique le plus lu du pays, a révélé la semaine dernière que Mark Rutte avait été absent lors d'importantes négociations et qu'il s'était mis à dos la plupart des chefs de parti…

Enfin, erreur fatale dans un pays qui voue un véritable culte à l'éthique financière : le secrétaire d'Etat aux affaires économiques Co Verdaas était forcé de démissionner après un mois d'exercice. Alors qu'il était député du Gelderland, il avait triché sur ses frais professionnels et menti sur son domicile. Cette annonce a fait l'effet d'une bombe. Les Pays-Bas ne sont pas l'Italie : jouer avec les frais professionnels est considéré comme scandaleux et revient à un suicide politique.

Perte de confiance massive 

Le VVD a perdu 19 sièges dans les sondages (de 41 à 22) et le PvdA 15 (de 38 à 23). Ensemble, les partis au gouvernement perdraient 34 sièges par rapport à septembre dernier ! A eux deux, ils totalisent donc 45 sièges, alors qu'il en faut 75 pour une majorité au Parlement. Autant dire qu'ils ont perdu toute légitimité aux yeux de ceux qui les ont élus.

Tandis que le PVV caracole en tête avec 24 sièges. C'est-à-dire à son niveau des élections d'octobre 2010, lorsqu'il est devenu l'allié du gouvernement et le troisième parti du pays… Plus humiliant encore pour le gouvernement : 15 % des électeurs de Mark Rutte déclarent qu'ils voteraient aujourd'hui pour Geert Wilders! La cote de confiance de Wilders est presque deux fois plus élevée que celle de Rutte : 8 pour le premier, 4,5 pour le second…

Il faut dire que Wilders le populiste sait, comme l'inoxydable Berlusconi en Italie, parler à son électorat. Il se montre surtout préoccupé par les soucis quotidiens de l'électeur lambda. Ces petites choses que le politicien classique méprise, parce qu'elles ne participent pas vraiment à la vie collective. Mais qui flattent l'égo, le goût du confort facile et l'intolérance croissante à l'égard de la différence de son électorat de base. Il avait promis qu'on roulerait à 130 sur les autoroutes et non plus à 120 et il l'a obtenu. Il avait proposé une réduction d'un milliard de l'aide au développement et cela figure au programme de l'actuel gouvernement. Mais comme le disait en France Jean-Marie Le Pen, l'électeur préfère toujours l'original à la copie.

Aujourd'hui, 28 % seulement des Néerlandais croient que le gouvernement pourra mener sa mission à bien jusqu'en 2017. Ils sont 42 % à déclarer que la nomination puis la démission de Co Verdaas a diminué leur confiance dans le gouvernement et dans la politique en général…

Il faut que l'Europe sache que le populisme n'est pas mort, même si certaines victoires électorales de partis "traditionnels" peuvent en donner l'illusion : il couve sous la braise comme un feu endormi et au moindre faux pas des politiciens au pouvoir, il se réveille et met le feu à la maison. 




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