Après cinq ans de paix entre catholiques et protestants, les violences entre les deux communautés ont repris à Belfast. L'étincelle: l’Union jack ne flottera plus en permanence sur la mairie. Un sacrilège pour les unionistes.
Demain mercredi, l’Union Jack flottera sur la mairie de Belfast. Pour la première fois depuis un mois. Cela ne signifie pourtant pas que la capitale d’Irlande du Nord retrouvera sa sérénité.
Depuis le début décembre, et en dehors d’une trêve pendant la période de Noël et des fêtes de fin d’année, des manifestants unionistes et nationalistes ont saccagé ses rues, mettant le feu à des véhicules, attaquant les forces de police à l’aide de cocktails Molotov, de briques, de feux d’artifice tirés à hauteur d'homme. Selon le dernier décompte des autorités, cent quatre personnes ont été arrêtées en un peu plus d’un mois et soixante-deux policiers ont été blessés.
Compromis boiteux
La question des drapeaux secoue régulièrement la politique nationale depuis l’accord de Stormont de 1998. L’une des clauses de cette signature historique indique :
Toutes les parties reconnaissent les sensibilités de l’utilisation de symboles et emblèmes à des fins publiques et la nécessité, en particulier dans la création de nouvelles institutions, de garantir que de tels symboles et emblèmes sont utilisés de manière à favoriser le respect mutuel plutôt que la division."
Depuis, les partis nationalistes, en tête desquels le Sinn Fein, réclament que l’Union Jack soit retiré de tous les bâtiments gouvernementaux. En 2000, Peter Mandelson, alors secrétaire d’Etat pour l’Irlande du Nord, force un compromis: l’usage des drapeaux sera limité à une quinzaine de dates symboliques du Royaume-Uni principalement en lien avec la famille royale.
Les revendications des Républicains se sont étendues à la mairie de Belfast peu après leur victoire à l’élection municipale de mai 2011. Le Sinn Fein et le Parti social démocrate et travailliste (PSDT) obtiennent vingt-quatre sièges à eux deux, soit trois de plus que l’ensemble des partis unionistes. Forts de cette majorité, ils requièrent que le drapeau du Royaume-Uni soit retiré de la mairie de capitale de l'Irlande du Nord.
Le conseil municipal se prononce le 23 novembre en faveur de leur proposition avant que le 3 décembre une motion déposée par le parti de l’Alliance, dont les membres visent à réconcilier nationalistes et républicains et qui comptent six élus, arrache un compromis boiteux : le drapeau sera hissé sur la mairie entre dix-huit et vingt jours par an.
Le Titanic n'a pas suffit
Si l’une des conseillères municipales de l’Alliance rappelle que "pour la première fois de leur histoire, des élus du Sinn Fein et du PSDT ont voté en faveur du drapeau de l’Union", le millier de loyalistes amassés devant la marie ne l’entendent pas de cette oreille. Ils tentent d’entrer dans le bâtiment à l'issue du vote. Les affrontements avec la police sont particulièrement brutaux. Cinq policiers sont hospitalisés.
C'est le retour des violences dans une ville largement pacifiée depuis plusieurs mois, grâce, notamment, à son nouveau grandiose musée sur la construction du Titanic qui attirait de nombreux touristes, permettant à la ville de se défaire peu à peu de son image guerrière.
L’un des conseillers municipaux du Parti démocratique unioniste, Christophe Stalford, dont le leader Peter Robinson est le Premier Ministre d’Irlande du Nord, rejette tout appel à la violence. Il pointe pourtant du doigt les élus catholiques:
Ceux qui ont entamé ce débat auraient dû savoir dès le début que cela provoquerait de la tension et de la division. Je pense qu’en regardant en arrière, (..) ils réaliseront que leur objectif était erroné. Tous ceux qui soutiennent l’effritement de notre identité britannique sont tout aussi coupables et stupides."
Les négociations pour trouver une solution acceptable de part et d'autre sont au point mort. En désespoir de cause, la secrétaire d’Etat à l’Irlande du Nord du gouvernement de David Cameron, Teresa Villiers a réclamé ce matin
l’arrêt de toutes les protestations, même pacifiques car elles provoquent des perturbations et rendent la tenue d’un vrai dialogue pour résoudre ce genre de questions bien plus difficile".
Stratégie de la tension
Cet appel au calme s'adresse notamment aux dissidents d'un groupuscule paramilitaire unioniste, l'Ulster Volunteer Force (UVF) mis en cause par la police. Matt Baggott, le commandant des forces de l'ordre en Irlande du Nord, se dit
inquiet de voir que des membres haut placés de l'UVF, en tant qu'individus, orchestrent de plus en plus les violences".
Hier encore, plusieurs centaines de manifestants agitant l’Union Jack ont longé les quartiers catholiques, engendrant de nouvelles violences. Une provocation comme pendant les sombres années de plomb destinée à entretenir la tension entre les deux communautés.