Alors que le débat sur le mariage et l'adoption homo se poursuit dans le tumulte devant le Parlement français, la chambre des Communes a légalisé le mariage homosexuel au Royaume-Uni. Une adoption sans surprise malgré une forte opposition au sein du parti conservateur au pouvoir.
Les bancs de la chambre des communes sont quasiment vides. Le Premier Ministre David Cameron n’a pas daigné se déplacer pour défendre le projet de loi sur le mariage homosexuel qu’il promeut depuis plusieurs mois et qui attise la colère de plus d’une centaine de parlementaires de son parti. Sans surprise, les députés britanniques ont légalisé le mariage homosexuel dans la soirée. A une très large majorité les 400 voix pour et 175 contre.
Sans surprise également, les élus conservateurs présents lors du vote se sont majoritairement opposés au projet de loi. Deux éléments motivent leur position : la crainte, exprimée par le conservateur Tony Baldry, qui représente l’Eglise d’Angleterre à la chambre des communes, que Cour européenne des droits de l’Homme n'oblige les Eglises à célébrer des mariages homosexuels malgré les précautions prises par le gouvernement et la dégradation de la perception du mariage gay leur base électorale.
Malgré leur volonté, et la révolte prévue d’une centaine de parlementaires conservateurs, le projet de loi a été adopté sans souci, les travaillistes et libéraux-démocrates le soutenant largement.
Pas de mariage à l'église
Paradoxe anglais, l'Eglise anglicane, religion d'Etat en Angleterre, aura, elle, interdiction de célébrer des mariages homosexuels. Les autres confessions non soumises à la tutelle étatique gardent leur libre arbitre. Pas question donc de se marier à l'église comme au Danemark.
A l'inverse le gouvernement britannique précise "qu'aucune organisation religieuse ne sera contrainte de célébrer des mariages de couples de même sexe". Comme les anglicans, catholiques et musulmans, sont totalement opposés au mariage entre personnes du même sexe. Seuls les Quakers les représentants les plus libéraux du judaïsme n'y seraient pas hostiles.
Le Royaume-Uni ou, à tout le moins l'Angleterre et le Pays de Galles, plus progressistes que l'Ecosse ou l'Irlande du nord, est un pays extrêmement en pointe sur les droits LGBT depuis une quinzaine d'année. L'equality act de 2010 consacrait d'ailleurs la parfaite égalité entre homo et hétéro en matière de droits.
De fait, l'Union civile instaurée en 2005 accorde déjà des droits en tous points identiques à ceux du mariage. Un pays qui reconnait aux gays le droit à l'adoption conjointe depuis 2002, la PMA depuis 2009, et même – exemple unique en Europe avec la Grèce – la procréation pour autrui qui ouvre la filiation aux couples homosexuels masculins.
Cette gestation pour autrui est possible sur indication médicale. La mère porteuse a six semaines pour se rétracter après son accouchement. Au bout de ce délai, le couple, qui doit résider dans le pays, demande à être enregistré comme les parents légaux. L’acte de naissance est alors modifié.
Le débat qui se clôt Outre-Manche et se poursuit en France a pour toile de fond une réalité européenne assez complexe. En matière d'égalité sexuelle et de droits dits LGBT (lesbiennes, gays, bi et transsexuels), le continent apparait très divisé entre pays conservateurs et pays égalitaristes.
La France révolutionnaire puis conservatrice
Par rapport à de nombreux pays du continent européen et en attendant la nouvelle législation, la France se classe, depuis plusieurs années, parmi les nations conservatrices en matière de droits LGBT. Un paradoxe, lorsqu'on se souvient qu'elle fut le premier pays du monde à décriminaliser – et donc à autoriser – l'homosexualité dès 1791.
En effet, pour ne prendre que les principaux pays d'Europe, cette légalisation est intervenue en 1889 en Italie, mais seulement en 1933 au Danemark, en 1944 en Suède, en 1967 en Angleterre, en 1969 en Allemagne, en 1979 en Espagne et en 1982 au Portugal.
A ce jour, ce sont désormais neuf pays, avec le Royaume-Uni, qui ont reconnu le mariage entre homosexuels. Il s'agit, dans l'ordre, des Pays-Bas (2001), de la Belgique (2003), de l'Espagne (2005), de la Suède et de la Norvège (2009), du Portugal et de l'Islande (2010), du Danemark en 2012 et du Royaume-Uni en 2013.
Cela dit, à l'instar de la France avec le PACS (1999), d'autres pays ont reconnu une forme d'union civile entre homosexuels: l'Allemagne en 2001 et la Finlande en 2002. Certains pays refusent toujours de donner une existence légale aux couples homosexuels: l'Italie, la Grèce et une majorité de pays d'Europe centrale et orientale.
L'Italie sous l'emprise du Vatican
Même si l'égalité sexuelle a fait de gros progrès sur le continent depuis une vingtaine d'année, pas loin d'une quinzaine de pays membres de l'UE ne vont guère au delà de quelques dispositions anti-discrimination.
Ce sont, pour beaucoup, les pays de l’Est de l’Europe, même si l'on peut considérer que la Lettonie et la Hongrie se sont montrées plus ouverts ces dernières années. Les autres pays anti-mariage gay sont les pays ou la pratique religieuse reste vive, comme la Grèce ou l’Irlande
Quant à l’Italie, le fonctionnement se son régime parlementaire ainsi que les très fortes pressions exercées par l’Eglise catholique n’ont jamais permis de réunir une majorité législative favorable aux grandes revendications des militants LGBT.
Sans même parler de mariage, d’adoption ou de PMA, même l’union civile n’existe pas en Italie malgré les résolutions en ce sens votées par de nombreuses régions : Toscane, Ombrie, Emilie-Romagne, Latium, Campanie…
L'Allemagne ambivalente
L’Allemagne est, au regard des droit LGBT, un pays ambivalent. Fortement marquée par l’influence des églises dans la vie publique, la république fédérale n’a décriminalisé les relations homosexuelles qu’en 1968. Mais depuis, la société allemande a été marquée par un important militantisme en faveur de l’abolition des discriminations concernant l’orientation sexuelle.
Ainsi, en 2001, deux ans après la France, l’Allemagne a-t-elle instauré une union civile octroyant des droits importants aux couples homosexuels. Une union qui va plus loin que le PACS français, notamment en matière de pension alimentaire en cas de séparation.
Mais, en dépit de la position favorable des socio-démocrates et des pressions d’une partie de l’opinion publique, ni le mariage homosexuel (repoussé par le Bundesrat en 2011), ni l’adoption conjointe, ni la PMA ne sont encore autorisés en république fédérale. Seule l'adoption par l'autre partenaire de l'union civile de l'enfant génétique de son conjoint est possible.
Portugal: un pas en avant, un autre en arrière
Il est des pays qui se montrent très en pointe sur certains droits LGBT et pas sur d'autres. Ainsi le Portugal où ils sont plus de 600 à avoir dit "oui" devant un représentant de l’Etat depuis la légalisation du mariage gay, en juin 2010. Approuvée, il y a deux ans par une majorité alors de gauche à l'Assemblée nationale, la loi n’avait cependant pas autorisé l’adoption par les couples homosexuels.
En février 2012, Le Bloco de Esquerda (Extrême gauche), soutenu par le PEV, le parti des Verts, avait déposé un projet de loi visant à mettre fin à cette situation curieuse du Portugal qui est le seul pays de l'Union européenne ayant autorisé le mariage sans prévoir la possibilité qu’ils aient des enfants.
Mais finalement, le texte n'a pas été adopté. En outre, les promoteurs de cette loi n'ont pas proposé la légalisation de la procréation médicalement assistée. Des restrictions donc d'autant plus singulières que la constitution portugaise est la seule au monde qui interdise explicitement la discrimination du fait de l’orientation sexuelle.
Espagne, Pays-Bas et Belgique, pays très libéraux
En Espagne, le mariage homosexuel est légalisé depuis 2005. Le droit à l’adoption est alors ouvert aux couples gays, mariés ou non, par le gouvernement socialiste de José Luis Zapatero.
Quant à la procréation médicalement assistée, elle est également légalisée pour toutes les femmes quelle que soient leurs préférences sexuelles. Dès 1988 la procréation assistée a été légalisée pour les femmes célibataires. Mais la demande d'inséminations artificielles a explosé après le vote d'une loi en 2006 reconnaissant explicitement ce droit pour les couples lesbiens.
De nombreuses cliniques espagnoles se sont ainsi spécialisées dans l'accueil des Françaises comme des Italiennes qui ne peuvent pas y avoir recours dans leur pays. Dans l'Hexagone seules les femmes mariées ou celles vivant en couple avec un homme peuvent avoir recours à la PMA.
La Belgique a également une législation très avancée: les couples gays peuvent se marier depuis 2003, adopter des enfants depuis 2006 et les homosexuelles peuvent avoir recours à la procréation artificielle. C'est l'autre pays d'accueil proche pour les Françaises lesbiennes souhaitant avoir un enfant par procréation médicalement assistée.
Enfin, il faut rappeler que les Pays-Bas sont le premier pays du monde à avoir légalisé, en 2001, le mariage gay. Ce pays autorise également l'adoption conjointe depuis 2001 ainsi que la PMA pour les lesbiennes depuis 2003.
Ce tour d'Europe montre que les droits homosexuels divisent les pays européens suivant des lignes de fracture inédites. Au sud, le progressisme ibérique contraste avec le conservatisme italien ou grec. En Scandinavie, les législations très favorables aux gays n'empêchent pas la Finlande de ne toujours pas reconnaitre le mariage homo.
Article actualisé le 5 février à 23h avec lle résulta du vote de la chambre des Communes.